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Moyen Orient et Monde - Ukraine

Le « niet » des séparatistes dynamite l’accord de Genève

Le Kremlin a confirmé pour la première fois avoir bien mobilisé des troupes à la frontière « en raison de la situation ».

Un drapeau aux couleurs de Saint-Georges, le symbole du sentiment prorusse, flotte au-dessus d’une foule de manifestants rassemblés devant la mairie de Slaviansk. Gleb Garanich/Reuters

Les insurgés séparatistes de l'est de l'Ukraine demeuraient inflexibles hier, refusant l'accord conclu à Genève pour apaiser la crise dans le pays, et il faut se demander s'ils ont agi seuls ou sous impulsion de Moscou.

À la surprise générale, les chefs de la diplomatie ukrainienne, russe, américaine et européenne avaient signé la veille à Genève un texte prévoyant notamment le désarmement des groupes armés, la libération des bâtiments publics occupés et une amnistie pour les insurgés non « coupables de crimes de sang ». Mais, barricadés dans leur QG du bâtiment de l'administration régionale de Donetsk où des haut-parleurs diffusent l'hymne russe, les insurgés ont sèchement rejeté ce plan, ravivant le spectre de la partition ce pays de 46 millions d'habitants, frontalier de plusieurs membres de l'Union européenne et de l'OTAN.

Ioulia Timochenko, candidate à la présidentielle du 25 mai, s'est pour sa part rendue à Donetsk, grande ville industrielle de l'est où elle voulait rencontrer les insurgés, ce que ces derniers ont refusé. « Si elle veut, elle peut venir sur les barricades, mais je ne lui conseillerais pas », a déclaré Denis Pouchiline, un des responsables de la république autoproclamée de Donetsk dont les alliés occupent depuis le 6 avril l'administration régionale. Le président par intérim Olexandre « Tourtchinov et (le Premier ministre Arseni) Iatseniouk doivent d'abord quitter les bâtiments qu'ils occupent illégalement après leur coup d'État », comme les séparatistes qualifient le soulèvement qui a renversé fin février un régime prorusse, a lancé M. Pouchiline.

Toujours sur le terrain, les mystérieux « hommes verts » en armes, des militaires russes, selon Kiev, des « groupes locaux d'autodéfense », selon Moscou, contrôlaient toujours la localité de Slaviansk, qu'ils ont prise il y a six jours. Et les séparatistes, simples manifestants ou groupes armés, tenaient toujours des bâtiments publics dans plus d'une demi-douzaine de villes de l'est russophone.
C'est sur ce fond de tensions que le Kremlin a confirmé hier, et pour la première fois, avoir bien mobilisé des troupes, jusqu'à 40 000 hommes, selon les Occidentaux, « en raison de la situation », le président Vladimir Poutine ayant promis d'assurer « à tout prix » la protection des russophones de l'ex-URSS.

(Commentaire : Le spectre d'un nouveau Tchernobyl dans la crise ukrainienne)

Afficher sa faiblesse
L'ex-chef de l'état-major ukrainien Volodymyr Zamana a ainsi estimé hier que l'Ukraine devait préparer des mesures « asymétriques » pour repousser une intervention russe. « Les actes de sabotage se multiplient non seulement dans l'est mais aussi dans le sud », a estimé le général Zamana. « Malgré les tentatives de trouver une solution diplomatique, aucun résultat n'a été atteint ».

Les autorités pro-européennes ont quant à elles tenu à s'engager solennellement sur leur partie de l'accord, M. Iatseniouk promettant, dans une adresse à la nation commune avec le président, un statut protecteur pour la langue russe et une importante décentralisation loin toutefois de la « fédéralisation » prônée par les prorusses et Moscou, et qui, selon Kiev, ouvrirait la voie à l'éclatement du pays.

Cet accord a d'ailleurs également déçu les partisans de l'unité ukrainienne. « Ces accords ne mentionnent pas l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ni n'exigent de la Russie de cesser l'occupation de la Crimée, ni ne mentionnent les saboteurs russes dans le Donbass (bassin minier de l'est) », s'emportait sur son blog Anatoli Gritsenko, ex-ministre de la Défense et candidat à la présidentielle anticipée du 25 mai. « Nous voyons maintenant que les garanties de l'inviolabilité des frontières ukrainiennes ne valent rien », renchérissait la chanteuse Rouslana, lauréate de l'Eurovision et militante très active du Maïdan.

Confronté à une insurrection armée prorusse dans l'est, à une débâcle économique et au mécontentement grandissant dans son propre camp, le gouvernement de Kiev est face à un immense défi. « Dans cette situation le pouvoir a le choix entre deux mauvaises stratégies : utiliser la force au risque de provoquer le bain de sang » ou afficher sa faiblesse, résume le politologue allemand Andreas Umland, professeur de l'Académie Mohyla à Kiev.

Détonateur de la crise russe
Nombre d'observateurs restent sceptiques sur les intentions de la Russie. Le président américain Barack Obama a lui-même déclaré n'avoir aucune certitude quant au fait que l'accord conclu permette une désescalade sur le terrain. Il a prévenu que d'autres sanctions américaines et européennes seraient prises, en cas d'impasse, à l'encontre de Moscou. Menace « inacceptable », a réagi hier le porte-parole du Kremlin en estimant que la Russie ne pouvait pas être seule responsable du respect de l'accord de Genève.
« Au final, tous ceux qui ont signé le texte peuvent l'interpréter à leur avantage. Il n'y a aucune garantie qu'il sera respecté par ceux qui l'ont signé », estime Sergueï Mikheev, un analyste indépendant. « C'est un premier pas, mais cela peut aussi être le dernier », met-il en garde, tout en soulignant que la Russie avait cependant tout intérêt à sa mise en œuvre. « La Russie a participé aux discussions de Genève car elle ne veut pas d'une guerre civile en Ukraine. La Russie serait alors impliquée dans ce conflit et elle n'en a pas besoin », explique M. Mikheev.
« La crise ukrainienne pourrait être le détonateur de la crise russe », renchérit Viktor Kremeniouk, de l'Institut USA-Canada de Moscou.


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