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Moyen Orient et Monde - Le point

Dangereuse boulimie

Dans une région, le Golfe, où la « puissance de feu » se calcule en dollars, par trillions de préférence, mieux vaut parler de chars, bien sûr, mais aussi d'espèces sonnantes et trébuchantes. Et tenir compte surtout de la place prépondérante qu'occupe dans cette partie du monde arabe le grand frère wahhabite. Pour l'avoir négligé, le petit frère qatari se retrouve frappé d'ostracisme, accusé de « mettre en danger la sécurité et la stabilité » de ses cousins, ignorant ainsi l'appel à la raison qui lui avait été adressé le 23 novembre dernier, au lendemain d'une rencontre bipartite tenue sur l'insistance de l'émir du Koweït.
Cheikh Tamim ben Hamad al-Thani avait alors promis d'obtempérer, demandant toutefois un délai de six mois, le temps d'imprimer une réorientation nouvelle à la politique étrangère de son pays. Las ! De néodiplomatie il n'y en eut guère car la vieille garde, menée par l'ancien Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, le (toujours) puissant cheikh Hamad ben Jassem al-Thani, veillait au grain, ayant conservé dans la place nombre de protégés.
Les nuages noirs qui alourdissaient depuis des années le ciel proche-oriental ont fini par crever. On a vu alors Doha jouer les trublions, au grand dam de Riyad dont la diplomatie – en raison de la maladie de Saoud el-Fayçal mais aussi des problèmes de succession qui se posent déjà – peine à contrôler comme jadis les quilles d'un jeu que la maison al-Thani prend plaisir à déranger. Les Frères musulmans sont-ils les nouveaux pestiférés de certains pays ? Partout où ils sont présents ils reçoivent une aide inespérée. Au Yémen, la rébellion houthie fait-elle figure de mouvement hérétique ? Ses dirigeants ont droit à un traitement de faveur. Dans le cas de l'Égypte, la préférence est accordée à Mohammad Morsi et l'on accable le nouveau régime, surtout son nouvel homme fort, le maréchal Abdel Fattah el-Sissi. La Turquie fait-elle ombrage au royaume saoudien ? C'est à elle que vont les préférences qataries, malgré un passé colonisateur que les Arabes ne sont pas près d'oublier.
Hier, c'était l'odieux Mahmoud Ahmadinejad qui était reçu – six fois en cinq ans ! – avec les honneurs indus. C'était le ministre des Affaires étrangères, Khaled el-Attiya, qui distillait suavement le venin : « La République islamique est un pays voisin avec lequel nous entretenons des rapports à plus d'un niveau, mais nous ne sommes pas d'accord sur la question syrienne », assortissant la confession d'une remarque, anodine en apparence : « Pourquoi donc devons-nous faire ce que les autres exigent de nous ? »
Bonne question. Mais c'est la réponse qui est mal formulée et qui survient mal à propos. L'Arabie saoudite ne fait pas mystère de son différend avec les États-Unis, né de la volte-face de la Maison-Blanche, laquelle avait soudain décidé de ne pas aller de l'avant dans son intention d'agir militairement contre le régime de Bachar el-Assad. La guéguerre entre les deux pôles a pris un ton nettement violent avec le choix du prosaoudien Ahmad Jarba, opposé au poulain du Qatar, Moustapha Sabbagh, pour succéder à Moaz el-Khatib à la tête de la coalition des forces rebelles, puis à la désignation d'Abd el-Ilah al-Bachir à la place de Sélim Idriss, brutalement limogé pour « une mauvaise distribution des armes », « des erreurs et des négligences dans la direction des combats ».
Il y a quelque temps déjà que la constatation a été faite : l'appétit du Qatar ne connaît pas de bornes et pour le satisfaire, tous les moyens sont bons, y compris cet aspect bling bling qui a le don d'horripiler au plus haut point les austères wahhabites. Un nouvel échelon dans la provocation – indirecte – avait été franchi le mois dernier quand, dans une émission retransmise d'une mosquée sur la chaîne de télévision officielle du Qatar, le prédicateur d'origine égyptienne Youssef al-Qaradawi avait accusé les Émirats arabes unis d'être systématiquement opposés à tout régime islamique. Lundi, un tribunal émirati condamnait à sept ans de prison un ressortissant qatari accusé d'organiser des collectes de fonds en faveur d'une confrérie extrémiste locale, al-Islah.
Le glouton Qatar lorgnerait depuis des mois du côté du Mali où, mettant à profit le coup d'État de 2012, des groupes islamistes s'implanteraient actuellement dans tout le nord, aidés en cela par les pétrodollars du Qatar.
Il faut croire que les milliards comptent bien peu sans la gloire que procurent les armes. Mais à vouloir trop enfler...
L'heure est peut-être venue de relire ce bon Monsieur de La Fontaine.

Dans une région, le Golfe, où la « puissance de feu » se calcule en dollars, par trillions de préférence, mieux vaut parler de chars, bien sûr, mais aussi d'espèces sonnantes et trébuchantes. Et tenir compte surtout de la place prépondérante qu'occupe dans cette partie du monde arabe le grand frère wahhabite. Pour l'avoir négligé, le petit frère qatari se retrouve frappé...

commentaires (2)

LA GRENOUILLE S'EST TROP ENFLÉE... ET VEUT JOUER AU TORERO... HOLÉ ! HOLÉ ! GARE AU DÉGONFLEMENT...

LA LIBRE EXPRESSION

21 h 39, le 06 mars 2014

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Commentaires (2)

  • LA GRENOUILLE S'EST TROP ENFLÉE... ET VEUT JOUER AU TORERO... HOLÉ ! HOLÉ ! GARE AU DÉGONFLEMENT...

    LA LIBRE EXPRESSION

    21 h 39, le 06 mars 2014

  • Le Qatar est en train de se faire Zlataner...mais ce qui m'a fait marrer chez M. Merville,c'est "les austères wahhabites"...gag de chez gag..dites M.Merville ,v'nez donc faire un tour du côté du cap d'Antibes ou de Saint Trop...on va bien rigoler...ou alors nous n'avons pas la m^me notion de "l'austérité"...je suis encore plié en deux de rire.

    GEDEON Christian

    19 h 22, le 06 mars 2014

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