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Moyen Orient et Monde - Le point

Les orphelins de Moqtada el-Sadr

L'éclipse brutale annoncée dimanche de Moqtada el-Sadr est de nature à susciter de profonds remous, sinon de violents bouleversements sur une scène politique déjà passablement agitée, pour recourir à une litote. Un homme de la stature du créateur de l'Armée du Mehdi ne baisse pas les bras sur un coup de tête, sachant qu'il laisse derrière lui, désormais privés d'un chef charismatique, six membres du gouvernement Maliki, quarante députés et un vice-président de l'Assemblée, sans compter une impressionnante masse de « déshérités » impatients de récupérer ce qu'ils estiment être des droits dont ils avaient été privés, trente ans durant, par Saddam Hussein.
Dans le communiqué annonçant sa décision, cet héritier d'une longue et prestigieuse lignée de chefs religieux et/ou politiques déclare qu'il n'interviendra plus dans les affaires politiques, qu'« aucun bloc parlementaire ne nous représente à compter de maintenant » au sein du gouvernement et du Parlement et que toutes les permanences de sa formation vont être fermées, hormis les bureaux chargés d'assurer l'aide en matière d'éducation, de soins de santé et d'information.
On ergotera longtemps sur l'étrange destin d'un chef malgré lui, venu à la vie publique à la suite d'une succession de drames violents vécus par sa famille. Son père, le grand ayatollah Mohammad Sadek el-Sadr, a été abattu en 1999, ainsi que deux de ses fils, par les sbires de Saddam Hussein, alors qu'ils sortaient d'une mosquée dans la ville sainte de Najaf. Neuf années auparavant, l'un de ses parents, Mohammad Baker, avait été condamné à mort et exécuté pour tentative de rébellion. Au moment de l'expédition américaine de 2003, c'est tout naturellement que le jeune Sadr s'opposa aux envahisseurs avant d'annoncer en 2008 qu'il renonçait à la guerre sainte puis de combattre la politique suivie par le Premier ministre, qu'il qualifiait fréquemment de « tyran » après l'avoir soutenu à deux reprises, en 2006 puis en 2010.
Où en sont aujourd'hui les deux hommes ? Bien malin qui se retrouverait dans l'imbroglio irakien. Pour certains, la retraite annoncée il y a quarante-huit heures représente un cadeau inespéré et involontaire fait au chef du gouvernement, qui pourrait bénéficier dans sa recherche d'un troisième mandat, via sa formation, la Fadila, lors des élections d'avril prochain, des voix des sadristes, restés sans leader et ne sachant vers qui se tourner.
Pour l'instant, Maliki a fort à faire avec la rébellion née dans la province sunnite d'al-Anbar. Après des semaines qui les ont vu accumuler les minidéfaites, les troupes gouvernementales semblent avoir repris la main – et accessoirement un peu de terrain. Mais c'est pour se trouver confrontées à l'émergence de nouveaux points chauds dans le nord, à Souleiman Bek en particulier ainsi que dans la bourgade proche d'al-Askari. Les chiffres fournis par la mission spéciale des Nations unies envoyée sur place sont inquiétants : depuis le début de 2013, on a dénombré 8 868 morts, dont 7 818 militaires ou policiers, soit le bilan le plus lourd de ces cinq dernières années.
La reprise depuis quelque temps de la violence a amené le président du Conseil à se rendre sur place pour annoncer une succession de mesures destinées à calmer les esprits et à permettre un semblant de relance d'une économie locale qui ne cesse de dépérir depuis l'exode de 300 000 personnes fuyant les combats et la misère. C'est ainsi qu'un maigre budget de 83 millions de dollars a été alloué à la reconstruction et les jeunes désireux de s'enrôler dans la police ou l'armée se sont vu promettre un accueil favorable pourvu qu'ils répondent aux critères requis.
L'ancien vice-président sunnite Tarek el-Hachémi ne croit pas à ces gestes. Réfugié en Turquie depuis qu'il a été condamné à mort par un tribunal sous prétexte qu'il avait formé des escadrons de tueurs chargés d'exécuter des hommes politiques, une accusation qu'il rejette, il soutient que les Arabes sunnites ont recouru à la violence armée parce que leurs demandes présentées pacifiquement n'ont rencontré aucun écho favorable. C'est, ajoute-t-il, la présidence du Conseil qui a monté de toutes pièces la théorie d'une milice se battant pour la création d'un « État islamique en Irak et au Levant » pour gagner à sa cause l'opinion mondiale.
Loin de toute cette agitation, Moqtada el-Sadr a choisi son camp : celui de la non-violence. Il a repris ses chères études religieuses, interrompues durant une guerre qui, plus que jamais, donne l'impression d'être interminable. Un chef de milice en moins sur la scène : c'est tout ce que l'on peut espérer ces temps-ci.

L'éclipse brutale annoncée dimanche de Moqtada el-Sadr est de nature à susciter de profonds remous, sinon de violents bouleversements sur une scène politique déjà passablement agitée, pour recourir à une litote. Un homme de la stature du créateur de l'Armée du Mehdi ne baisse pas les bras sur un coup de tête, sachant qu'il laisse derrière lui, désormais privés d'un chef...

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