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Moyen Orient et Monde - Commentaire

Les faux amis du Moyen-Orient

Le récent accord préliminaire conclu entre l'Iran et le groupe des « 5 + 1 » (Chine, États-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie, plus l'Allemagne), mené par les États-Unis, a donné lieu à des critiques sans précédent de la politique étrangère américaine de la part de ses plus fermes alliés au Moyen-Orient : Israël et l'Arabie saoudite. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a appelé ses ministres et ses partisans aux États-Unis à exercer des pressions pour dénoncer cet accord. De son côté, le gouvernement saoudien a accusé Washington d'avoir laissé tomber ses alliés sans véritable garantie de sécurité en échange.
La convergence apparente des intérêts israéliens et saoudiens a alimenté des commentaires dans les médias sur l'éventuelle coordination de leurs stratégies pour faire face à la République islamique. Certains ont évoqué l'ouverture de l'espace aérien saoudien en cas d'attaque israélienne. Bien qu'une telle coordination serait sans aucun doute tenue secrète et qu'elle n'empêcherait pas Riyad de critiquer par la suite une intervention militaire d'Israël, elle servirait les intérêts nationaux des deux pays.


C'est depuis longtemps un secret de polichinelle que les responsables israéliens et saoudiens discutent régulièrement et échangent sans doute des renseignements sensibles. Mais leurs préoccupations concernant l'Iran sont loin d'être identiques, et leurs raisons de se démarquer de la politique américaine divergent énormément. Une coordination diplomatique et militaire entre Israël et l'Arabie saoudite fait de la bonne copie pour les journalistes, mais c'est probablement de la fiction.


Les Israéliens sont surtout préoccupés par les ambitions nucléaires de l'Iran. Contrairement au soutien apporté par l'Iran au Hezbollah au Liban et d'autres formes de terrorisme que l'État hébreu peut gérer, la question nucléaire présente une menace existentielle. Si la diplomatie était parvenue à mettre fin au programme d'armement nucléaire de l'Iran, ce pays ne serait plus dans la ligne de mire de la politique étrangère israélienne.


Les préoccupations saoudiennes à propos de l'Iran sont, elles, plus ancrées et plus complexes. Elles tiennent surtout de l'ingérence de l'Iran dans les affaires intérieures arabes, en particulier en Irak, en Syrie, au Liban, au Yémen et au Bahreïn. Si l'inimitié entre l'Iran et l'Arabie saoudite existe depuis des décennies, elle s'est aggravée après la révolution islamique de 1979 lorsque le guide suprême de l'Iran, l'ayatollah Ruhollah Khomeyni, a commencé à propager sa version révolutionnaire de l'islam chiite dans la région.


Ses effets ne furent pas immédiatement perceptibles. La guerre entre l'Iran et l'Irak dans les années 1980 et le faible cours du pétrole dans les années 1990 ont contribué à entretenir la faiblesse de la République islamique. La situation a changé la décennie suivante, avec la montée en puissance du Hezbollah au Liban, soutenu par l'Iran, et l'arrivée au pouvoir de la majorité chiite en Irak, et donc le contrôle par l'Iran de la politique irakienne, dans le sillage de l'invasion américaine.


En 2006, l'Iran est également parvenu à soustraire le mouvement palestinien du Hamas de la sphère d'influence de l'Arabie saoudite pour le soumettre à celle de son allié, la Syrie. La résistance victorieuse du Hezbollah lors d'un affrontement d'un mois avec Israël la même année a ravivé « l'axe de la résistance » iranien. Durant la même période, la hausse du prix du brut a permis à l'Iran de financer ses nouveaux mandataires locaux. Cette redistribution radicale de l'équilibre régional du pouvoir a été particulièrement préoccupante pour les monarchies du Golfe.


En sus de leurs inquiétudes différentes concernant l'Iran, Israël et l'Arabie saoudite entretiennent des relations extrêmement différentes avec les États-Unis, qui définissent leurs motivations à court et à long terme. Les liens politiques, culturels et religieux d'Israël avec les États-Unis sont solides et l'Amérique est par ailleurs le seul allié constant et fiable de l'État hébreu. Israël est toutefois depuis longtemps prêt à prendre indépendamment des décisions en ce qui concerne sa sécurité, sans pour autant mettre en péril la relation bilatérale. En fait, il est fort probable que cette relation survivrait, même si Israël attaquait l'Iran malgré l'avis contraire des États-Unis.


La relation de l'Arabie saoudite avec les États-Unis est plus superficielle. Le royaume wahhabite compte sur les forces armées américaines pour sa protection, sans lesquelles il serait incapable de résister à une attaque iranienne. En échange, les Saoudiens utilisent leurs énormes champs de pétrole et capacités de réserve pour assurer l'approvisionnement mondial en pétrole et la stabilité des prix.


Contrairement à Israël, l'Arabie saoudite n'a que peu d'influence sur la politique intérieure américaine, en dépit du soutien de quelques pétroliers et fabricants d'armes. La famille royale saoudienne ne peut même plus se targuer de l'étroite relation personnelle qu'elle entretenait avec les Bush (père et fils) et avec Bill Clinton, qui gérait directement la relation bilatérale.


Le plus grand handicap posé à l'éventualité d'une coopération israélo-saoudienne est l'attitude du monde arabe, y compris celle du royaume wahhabite, par rapport à l'existence de l'État hébreu en son sein. L'utilisation de l'espace aérien saoudien par les Israéliens, par exemple, serait rapidement révélée, obligeant les dirigeants saoudiens à faire face à une mobilisation antisioniste massive de sa population et du reste du monde arabe. Si Israël peut admettre quelques critiques des autorités saoudiennes pour prix de leur soutien, il est possible que l'opinion publique arabe ne soit pas aussi aisément amadouée, en particulier en l'absence de tout progrès sur le dossier palestinien. En fin de compte, les Saoudiens seraient perçus comme des collaborateurs de l'adversaire le plus détesté contre un État musulman (bien qu'également ennemi).


La coopération entre les Saoudiens et les Israéliens est tout aussi improbable que leur désir d'altérer leurs relations avec les États-Unis. Cela ne signifie pas pour autant que les États-Unis aient raison de négliger le profond mécontentement de l'un ou l'autre allié. Leurs divergences – non seulement à propos de l'Iran, mais également au sujet de la Syrie et de la question palestinienne – pourraient sérieusement éroder l'influence des États-Unis dans la région.

 

Traduit de l'anglais par Julia Gallin. © Project Syndicate, 2013.

Le récent accord préliminaire conclu entre l'Iran et le groupe des « 5 + 1 » (Chine, États-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie, plus l'Allemagne), mené par les États-Unis, a donné lieu à des critiques sans précédent de la politique étrangère américaine de la part de ses plus fermes alliés au Moyen-Orient : Israël et l'Arabie saoudite. Le Premier ministre Benjamin...

commentaires (2)

Trop drôle cet article.... n'importe quel portefaix de Beyrouth ( même s'il n'y en a plus) aurait pu dire le même...mais attention,ces deux crânes d'oeuf(vide) sont à Princeton...c'est où déjà Princeton? A Disneyland?

GEDEON Christian

13 h 48, le 17 décembre 2013

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Commentaires (2)

  • Trop drôle cet article.... n'importe quel portefaix de Beyrouth ( même s'il n'y en a plus) aurait pu dire le même...mais attention,ces deux crânes d'oeuf(vide) sont à Princeton...c'est où déjà Princeton? A Disneyland?

    GEDEON Christian

    13 h 48, le 17 décembre 2013

  • Rien de neuf Messieurs les professeurs de Princeton. Même les "renseignements sensibles" qu’échangent saoudiens et israéliens sont, comme vous dites si bien, un secret de polichinelle…

    Charles Fayad

    11 h 29, le 17 décembre 2013

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