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Liban - Droits humains

Insan veut aller « au-delà du système du garant », pour les employées de maison

Un séminaire de deux jours sur le droit de la main-d'œuvre domestique migrante a été organisé par l'association Insan à l'hôtel Rotana Hazmieh, sur le thème « au-delà du système du garant ».

MM. Charles Nasrallah, directeur d’Insan, et William Gois, coordinateur régional du Migrant Forum in Asia.


C'est à l'occasion de la Journée mondiale des droits de l'homme qu'Insan se penche sur la recherche de solutions alternatives au système du « kafil » (garant) en vigueur au Liban. Un système qui place la main-d'œuvre domestique migrante en position de grande vulnérabilité, face à un employeur qui peut user de son pouvoir pour commettre toutes sortes d'abus, depuis la confiscation du passeport jusqu'à la privation de liberté ou le travail forcé. Car, rappelons-le, la main-d'œuvre domestique est exclue du code du travail libanais.
« Je m'exprime au nom de toutes celles qui ne peuvent pas parler. » C'est ainsi que se présente Thérèse Pontillas, employée de maison philippine et activiste pour les droits de la main-d'œuvre domestique migrante au Liban. « Pourquoi sommes-nous des laissées-pour-compte ? Nous voulons pourtant qu'on nous écoute », lance-t-elle avec émotion.
Mme Pontillas dénonce l'immobilisme au sein de la société libanaise. « En cinq ans, rien n'a changé, constate-t-elle. Les suicides se poursuivent. Plus de 55 % des employées de maison travaillent plus de 12 heures par jour et n'ont même pas un jour de congé hebdomadaire. » Soucieuse de faire entendre sa voix et celle de ses pairs, elle évoque la nécessité pour les employées de maison d'être représentées face aux instances qui ont le pouvoir de changer les lois. Or en tant qu'étrangère, elle ne peut former un syndicat.
Elle s'est donc enrôlée, ainsi que bon nombre d'employées de maison de différentes nationalités, au sein de la Fédération nationale des syndicats des ouvriers et des employés au Liban (Fenasol), syndicat présidé par Castro Abdallah. Unies dans l'adversité, solidaires, bénéficiant du soutien d'un syndicaliste expérimenté, mais aussi de l'Organisation internationale du travail (OIT) qui leur assure des formations et d'associations comme Insan, KAFA ou Anti-racism Movement, les employées de maison migrantes apprennent à s'organiser, même si elles ne peuvent toujours pas voter ni se présenter aux élections
syndicales.

Le droit de changer d'employeur
« La résistance des travailleuses domestiques migrantes peut prendre plusieurs formes », explique Marie-José Tayah, chercheuse au sein de l'OIT. Au Liban, elle se fait au niveau de la société, par des manifestations, des mouvements de lobbying, des appels lancés aux autorités. « Mais cette résistance commence d'abord chez l'employeur », observe-t-elle, évoquant de petites actions personnelles des employées de maison « pour faire part de leur mécontentement en réaction à la maltraitance, aux abus ou à la confiscation de leur passeport ». Elle raconte alors comment se tisse un réseau de communication et d'entraide, à l'église, devant les bennes à ordures ou d'un balcon à l'autre. Elle raconte aussi les sessions de formation organisées par l'OIT et les ONG pour familiariser ces travailleuses à l'action syndicale.
Pour la représentante de KAFA, Roula Bou Mourched, le problème majeur du système du garant réside dans le fait que les femmes n'ont pas la possibilité de changer d'employeur, si elles ne sont pas satisfaites de leurs conditions de travail, sauf sous trois conditions extrêmes. « Elles devraient pourtant avoir ce droit », insiste-t-elle. Le système du garant présente d'autres failles, comme celle de « limiter la liberté de mouvement et de mettre les employées de maison dans une situation de grande vulnérabilité », constate-t-elle.
Quelles sont donc les options possibles, alors que le pays s'enfonce dans la crise politique ? Pour Me Roland Tawk, la solution la plus adéquate serait d'appliquer le code du travail à la main-d'œuvre domestique, sans nécessairement changer tout le système. Il rejoint ainsi la proposition de l'ancien ministre du Travail, Charbel Nahas, présent lors de la première journée du séminaire. L'avocat propose toutefois d'introduire quelques spécificités à cette forme de travail. « Il faut prendre en considération le fait que les employeurs ont à leur charge les frais de voyage des travailleuses, leurs permis de travail et de séjour, ainsi que leurs repas et logement », explique-t-il. Mais ce fervent défenseur des droits de l'homme est formel : priver ces femmes de salaire, de liberté ou de nourriture, confisquer leur passeport ou les faire travailler de force devraient être considérés comme des crimes, martèle-t-il. Et d'estimer que « chaque personne doit pouvoir casser un contrat, quitte à payer une compensation à l'autre partie ».

La « kafala », une forme d'esclavage
De son côté, le coordinateur régional du Migrant Forum in Asia (MFA), William Gois, opte pour la solution radicale. « Je suis pour l'abolition du système du garant », lance-t-il sans réserve. « Nous n'avons pas besoin de cette forme d'esclavage. » M. Gois invite les participants à « ne pas avoir peur », à « ne pas se limiter à ce qui est de l'ordre du possible ». « Les femmes migrantes commencent à parler en leur propre nom », reconnaît-il, insistant sur la nécessité pour les activistes de « regrouper leurs forces et de travailler ensemble ». Le militant part de son expérience en Asie, auprès des travailleurs migrants. « J'ai constaté que dans certains pays, même les plus évolués, ils vivent dans des ghettos, dans une forme d'apartheid social », dit-il, dans un hommage à Nelson Mandela. Avant d'assurer que « la lutte des travailleurs migrants est en train d'être reconnue ». Mais certaines expressions ont la vie dure et « doivent être reconsidérées », estime l'activiste, notamment les termes de « domestique », de « fuite » ou « d'illégale ».
C'est à « l'élaboration d'un projet de recommandations adressé aux autorités » que doit aboutir cet espace, promet le directeur d'Insan, Charles Nasrallah, dans son mot de clôture. « Des recommandations qui permettront de montrer comment supprimer le système du garant, comment amender les lois et comment renforcer le travail syndical des employées de maison au Liban », assure-t-il, estimant nécessaire d'améliorer les choses afin que ces travailleuses aient une vie meilleure. Le militant pour les droits de l'homme avait tenu à s'excuser, plus tôt, auprès des employées de maison migrantes, « pour ce que notre société leur fait vivre ». Et de leur dire : « Vous nous avez rappelé que nous sommes humains et que nous pouvons être de meilleurs humains. »

C'est à l'occasion de la Journée mondiale des droits de l'homme qu'Insan se penche sur la recherche de solutions alternatives au système du « kafil » (garant) en vigueur au Liban. Un système qui place la main-d'œuvre domestique migrante en position de grande vulnérabilité, face à un employeur qui peut user de son pouvoir pour commettre toutes sortes d'abus, depuis la...

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