Rechercher
Rechercher

À La Une - Interview

Pierre Morel : L’âge des religions est loin d’être épuisé

L’Observatoire Pharos s’est donné pour objectif d’aménager les rapports entre le politique et le religieux. « C’est dans le monde arabe que l’effervescence est la plus grande », affirme son président Pierre Morel à « L’OLJ ».

Pierre Morel, président de l’Observatoire Pharos : une mondialisation désordonnée est là.  Photo Michel Sayegh

À l’invitation de l’Association libanaise des chevaliers de Malte et de l’Université Saint-Joseph, Pierre Morel, ancien ambassadeur de France en Chine et au Vatican, vient de donner à l’amphithéâtre Aboukhater (USJ) une conférence sur le thème « Les religions et la mondialisation » au cours de laquelle il a relevé que « l’âge des religions est loin d’être révolu » et que « c’est dans le monde arabe que l’effervescence est la plus grande ».
Pierre Morel est le directeur d’un groupe de réflexion, l’Observatoire Pharos du pluralisme des cultures et des religions, qui s’est donné pour tâche de suivre attentivement les rapports entre le politique et le religieux dans le monde, dans le souci de les aménager et d’empêcher qu’ils ne s’éliminent ou s’instrumentalisent l’un l’autre.
Pour L’Orient-Le Jour, il a entrepris de brosser un panorama rapide des réflexions que l’Observatoire Pharos, de création récente, soulève. Il souligne sur ce plan qu’« une première mondialisation, dominée par la superpuissance américaine, a cédé la place à une mondialisation qualifiée de désoccidentalisée » – le mot est d’Hubert Védrine – que Pierre Morel voit surtout comme « une mondialisation plus désordonnée ». Et d’ajouter : « Dans ce processus, il y a une chose qui attire de plus en plus l’attention, ce sont les religions. Parce qu’elles jouent, et c’est chose déconcertante, un rôle qui, au fond, n’était pas prévu. »

 


Le retour du religieux
« Les religions ont créé la mondialisation », reprend Morel en référence à leur élan missionnaire et à leur extension géographique, « mais ensuite la modernité a créé une nouvelle mondialisation qui s’est retournée contre les religions ».
« Avec les Lumières,
enchaîne-t-il, certains ont cru que l’âge des religions allait s’épuiser et que la science allait prendre leur place. Or on constate aujourd’hui que non seulement la religion ne disparaît pas, mais qu’elle est de retour, et ce qui frappe l’observateur, c’est la diversité des formes par lesquelles ce retour se manifeste : La création de l’État d’Israël, Vatican II, le renouveau de la tradition orthodoxe à travers les épreuves du monde soviétique, le rôle structurant de beaucoup d’Églises à la fin de la décolonisation, sans oublier la fin tout en douceur de l’apartheid, qui aurait pu finir par une catastrophe. »
« Ce que l’on constate, ajoute le directeur de l’Observatoire Pharos, c’est que ça ne se passe pas comme prévu, que le paysage a changé : élection de Jean-Paul II en 1978, ensuite choc brutal de la révolution iranienne, qui installe une théocratie, puis la chute du mur de Berlin. L’Europe se retrouve elle-même, a-t-on pu croire. Mais, en fait, avec la chute du mur, l’Europe retrouve les guerres. Catholiques contre orthodoxes, orthodoxes contre musulmans, en Bosnie, au Kosovo, puis ça continue avec le 11-Septembre, perpétré au nom d’un califat mondial ; cet attentat aboutit à deux guerres, en Irak et en Afghanistan, et enfin, nous avons avec les révolutions arabes un mouvement civique qui se fait récupérer par le religieux. »

 


Trois constats
« Comment fixer un cadre à tout cela ? » s’interroge le conférencier, qui établit « trois constats » : d’abord, la diversité religieuse est là, inéluctable. Il va falloir s’y habituer et lui trouver un mode d’emploi ; ensuite, les États vont devoir faire face à l’extrémisme religieux, sans pour autant dire que tout le mal vient de là. Olivier Roy parle bien de ces « religions sans culture » qui récupèrent le religieux, sans retenir ce qui le rend fructueux ; enfin, il n’y a pas de modèle unique et il ne faut pas se leurrer : il y a toujours eu tension entre le politique et le religieux, c’est un des moteurs de l’histoire.
« L’Observatoire Pharos, conclut son président, essaye d’apporter de la connaissance solide, référée, documentée. Il sera multilingue. Nous avons commencé par l’arabe, car c’est là que l’effervescence est la plus grande. Sans vouloir être sombre, je pense que les débats y seront fondamentaux pour longtemps. Nous voulons partager avec le plus grand nombre cette connaissance, ce souci de mettre en échec l’irrationnel, le simplisme, la caricature, au service d’un vivre-ensemble qui est un véritable art. Nous n’avons pas de recette toute faite. Ce que nous faisons demande intelligence, création, inspiration, ouverture. »

 

 

Pour mémoire

Quelle démocratie dans le monde arabe ?

 

L’islam et le printemps

 

À l’invitation de l’Association libanaise des chevaliers de Malte et de l’Université Saint-Joseph, Pierre Morel, ancien ambassadeur de France en Chine et au Vatican, vient de donner à l’amphithéâtre Aboukhater (USJ) une conférence sur le thème « Les religions et la mondialisation » au cours de laquelle il a relevé que « l’âge des religions est loin d’être révolu »...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut