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À La Une - La chronique de Nagib Aoun

Suicide collectif

Le constat est là, implacable, sans appel : dans le monde arabe, dans un monde musulman qui ne se reconnaît plus et qui a perdu tous ses repères, c’est une course vers le néant qui est menée, vers une déshumanisation qui devient titre de gloire, prétexte à une barbarie réinventée.
Du Moyen-Orient à l’Afrique, du golfe Arabo-Persique à l’Asie, c’est au nom du même Allah qu’on assassine, c’est le même Dieu qu’on écartèle, qu’on s’approprie, qu’on se dispute, une odieuse et effroyable « mission divine » qui déroule ses exactions sur des champs de ruines.
Au départ était l’Afghanistan, au départ était Ben Laden, et le mal s‘est progressivement répandu, a infesté le Pakistan et la Somalie, le Mali et le Kenya, frappé aussi bien en Europe qu’en Amérique, et rapidement touché les rives de la Méditerranée, boosté par la désastreuse équipée américaine en Irak...
C’est ainsi que dans l’antique Mésopotamie, dans cette malheureuse contrée d’entre les deux fleuves, les jihadistes de la Qaëda ont vite fait d’installer leurs quartiers, la promesse du Paradis au bout du fusil ; c’est ainsi qu’au rythme des attentats, les morts y meurent désormais deux fois, sont doublement assassinés, rattrapés même dans leurs linceuls.
Dans cet Irak martyr, la population n’ose plus enterrer ses morts, n’ose plus organiser des funérailles parce que les vautours sont aux aguets et les assassins prêts à en découdre même avec les trépassés ! Sunnites contre chiites, chiites contre sunnites : la Qaëda exulte et l’Armée du Mahdi ressuscite, se prépare à plonger dans la guerre civile.
C’est ainsi qu’en Syrie, largement ouverte sur l’Irak, le meurtre est sanctifié, Allah est embrigadé pour justifier l’injustifiable et la loi du talion, dans tous ses excès, devient l’expression naturelle d’une justice immanente... Une Syrie théâtre d’un terrorisme dévastateur, arme suprême de chabbiha et de jihadistes fous lâchés comme des bêtes sauvages. Une Syrie où la rébellion se retrouve aux prises avec son bourreau et avec elle-même, une rébellion qui lutte sur deux fronts et qui est poignardée par des traîtres oxygénés et nourris par le même bourreau.
Un suicide collectif où les dictateurs succèdent aux dictateurs, où Nouri al-Maliki prend des airs de Saddam Hussein, où Bachar el-Assad, fils de Hafez, s’agrippe au même trône sanguinolent, où les rébellions basculent dans l’imposture et le reniement, où les peuples perdent leurs vies, leurs biens... et leurs illusions.
Pauvre monde musulman pris en otage autant par ses potentats que par ses jihadistes devenus, au fil des exactions, les meilleurs alliés des régimes tortionnaires. Pauvres populations de l’Irak et de la Syrie, flouées autant par leurs dirigeants que par des imposteurs qui prétendent parler en leur nom. Pauvres sociétés civiles qui se font voler et leurs causes et leurs rêves et qui assistent, impuissantes, au massacre des innocents, des derniers des justes.
Des innocents qui payent le prix de haines surgies des temps maudits. Les chrétiens, eux, pris dans l’engrenage de la terreur, sont catalogués « victimes collatérales ». Des « infidèles » que les jihadistes veulent ramener, manu militari, dans le droit chemin, celui menant à leur dieu génocidaire...
Le constat est là, implacable, sans appel : dans le monde arabe, dans un monde musulman qui ne se reconnaît plus et qui a perdu tous ses repères, c’est une course vers le néant qui est menée, vers une déshumanisation qui devient titre de gloire, prétexte à une barbarie réinventée.Du Moyen-Orient à l’Afrique, du golfe Arabo-Persique à l’Asie, c’est au nom du même Allah...

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