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À La Une - La chronique de Nagib Aoun

Le temps de la déraison

En bateau ? Pire ! C’est dans un transatlantique qu’elles sont menées, roulées carrément dans la farine... Piteuses et pathétiques démocraties qui n’ont que le courage du verbe et qui, confrontées aux défis de la realpolitik, essuient alors une sacrée déculottée.
Du marché de dupes conclu à Moscou à l’accord de Genève sur les armes chimiques, des fanfaronnades de Barack Obama à la raclée médiatique administrée par Vladimir Poutine, que de temps perdu, que de promesses mensongères assénées aux damnés de la terre. Et, au final, la soumission aux faits accomplis d’une dictature qui n’a consenti à faire pénitence que pour mieux parachever ses noirs desseins.
Ainsi en est-il de la tragédie syrienne, celle que Bachar el-Assad a transformée en effroyable descente aux enfers, ainsi en est-il d’une situation nouvelle qui relève quasiment de la fiction : le bourreau se pose en victime et la rébellion de tout un peuple se voit réduite à un ramassis de voyous et de terroristes...
Et Bachar el-Assad de pérorer, le bras d’honneur en moins : « Les armes chimiques je veux bien m’en débarrasser ; l’opération coûtera un milliard de dollars et prendra un an au moins, si l’Amérique veut s’en charger je n’ai pas d’objection. » Merci Barack Obama!
Entre-temps, le fils, qui a bien retenu les leçons du père, poursuivra l’opération « éradication du terrorisme », ajoutera des dizaines de milliers de morts aux 100 000 victimes civiles d’aujourd’hui et les massacres conduiront forcément à de contre-massacres. Mais Assad ne s’en plaindra pas : les jihadistes et autres takfiristes, ceux-là mêmes qu’il a libérés opportunément de ses prisons, ceux-là mêmes qui sèment la terreur à Nairobi et à Peshawar, lui donneront toutes les raisons pour poursuivre son opération de « purification », une opération, plaidera-t-il, menée en défense des valeurs « civilisatrices » de l’Occident... Merci Barack Obama !

 

***

 

Est-ce donc ces mêmes valeurs que défend le Hezbollah en Syrie et par ricochet au Liban ? N’est-il pas devenu évident que l’implication des hommes de Nasrallah aux côtés des chabbiha du régime baassiste a donné encore plus de tonus aux jihadistes et ouvert la voie aux dérives terroristes, celles-là mêmes qui se sont étendues au Liban et qui ont accentué les haines intercommunautaires ?
Depuis quelques jours le ton est monté très significativement, et très agressivement, chez les dirigeants du Hezbollah en corrélation, semble-t-il, avec l’annulation de la frappe américaine sur la Syrie. C’est ainsi qu’on a entendu le numéro deux du parti, cheikh Naïm Kassem, réitérer l’appui indéfectible, quasi éternel, à la personne de Bachar el-Assad et à son combat contre les takfiristes, proclamation couplée avec un avertissement adressé aux forces du 14 Mars : le nouveau gouvernement ne sera formé qu’à nos conditions... sinon vous pouvez toujours courir !
Une double provocation, interne et externe, qui est de nature à exacerber les tensions et à prolonger la crise socio-économique qui étouffe le pays et paralyse les institutions de l’État. Sans oublier l’autosécurité pratiquement institutionnalisée dans les régions chiites et qui donne déjà des idées à d’autres factions de la population, notamment dans les localités chrétiennes et sunnites inquiètes de l’extension du réseau de télécommunications installé par le Hezb.
Situation qui risque de nous ramener aux cloisonnements communautaires de triste mémoire, ceux qu’on croyait définitivement enterrés au lendemain de la guerre de quinze ans, de l’atroce guerre civile. Que l’État veuille, dès aujourd’hui et dans l’urgence, rétablir la sécurité légale dans la banlieue sud est tout à fait compréhensible, mais toute opération de ce genre reste tributaire d’une bonne volonté partisane qui est loin d’être acquise.
Pour terminer, un rappel historique : après l’indépendance du Liban, la communauté chiite a été longtemps marginalisée et il a fallu l’émergence du mouvement de l’imam Moussa Sadr pour que les droits spoliés lui soient rendus et pour que l’intégration dans les institutions de la République finisse par se réaliser. Le Hezbollah, en s’obstinant à manœuvrer hors de l’État et à poser des conditions
rédhibitoires, place de nouveau la communauté chiite en porte-à-faux vis-à-vis des autres composantes de la nation et nourrit ainsi le climat de suspicion ambiant.
Comment faire donc pour convaincre le Hezb que participer c’est gouverner avec et non contre et que gouverner c’est placer les intérêts de l’État au-dessus de toute autre considération ?
Interrogation tout à fait légitime en ces temps troubles, mais les voies menant au parti de Dieu sont, de toute évidence, bien impénétrables...

En bateau ? Pire ! C’est dans un transatlantique qu’elles sont menées, roulées carrément dans la farine... Piteuses et pathétiques démocraties qui n’ont que le courage du verbe et qui, confrontées aux défis de la realpolitik, essuient alors une sacrée déculottée. Du marché de dupes conclu à Moscou à l’accord de Genève sur les armes chimiques, des fanfaronnades de Barack...

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