Rechercher
Rechercher

À La Une - Espionnage

« Si les États-Unis l’ont vraiment fait, ce serait un acte d’hostilité inqualifiable »

Les Européens somment Washington de s’expliquer après les révélations du « Der Spiegel » sur Prism et le cas Snowden.

Le programme d'espionnage américain aurait visé les institutions de l'UE et des millions de citoyens européens. AFP PHOTO THOMAS COEX

Les Européens ont vigoureusement exigé hier des explications sur le programme d’espionnage américain, qui aurait visé les institutions de l’UE et des millions de citoyens européens, Bruxelles avertissant même des possibles conséquences sur la négociation d’une zone de libre-échange transatlantique.
« Entre partenaires, on n’espionne pas ! » a lancé au Luxembourg la commissaire européenne à la Justice, Viviane Reding. « On ne peut pas négocier sur un grand marché transatlantique s’il y a le moindre doute que nos partenaires ciblent des écoutes vers les bureaux des négociateurs européens », a-t-elle estimé, en réclamant que les États-Unis « dissipent ces doutes très rapidement ».
Directement concerné par cette négociation, le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht, a jugé sur une chaîne de télévision belge que l’affaire serait « très grave » si ces allégations étaient confirmées. Il a toutefois refusé de s’engager dans une escalade verbale, dans l’attente des explications réclamées par l’UE à Washington.
« Clarté, vérité et transparence : c’est ce qu’on peut et doit attendre de nos amis et alliés. Les explications américaines sont nécessaires et urgentes », a de son côté affirmé sur son compte Twitter le commissaire français, Michel Barnier.
Les trois commissaires réagissaient aux révélations de l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, qui a assuré hier que Prism, le programme d’espionnage de l’Agence nationale de sécurité (NSA) américaine, avait visé les institutions de l’Union européenne. Der Spiegel fonde ses accusations sur des documents confidentiels dont il a pu avoir connaissance grâce à l’ancien consultant américain de la NSA, Edward Snowden, au cœur d’un imbroglio mondial digne des meilleurs romans d’espionnage.

 « Cela rappelle la guerre froide »
La France a elle aussi demandé des explications « dans les plus brefs délais ». « Ces faits, s’ils étaient confirmés, seraient tout à fait inacceptables », a déclaré le chef de sa diplomatie, Laurent Fabius. La ministre française de la Justice, Christiane Taubira, a été plus loin, en estimant que si Washington avait bel et bien mené les opérations d’espionnage décrites par Der Spiegel, ce serait « un acte d’hostilité inqualifiable ». Pour son homologue allemande Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, « cela dépasse l’entendement que nos amis américains considèrent les Européens comme des ennemis ». « Ce n’est pas sans rappeler des actions entre ennemis pendant la guerre froide », a-t-elle ajouté, cinglante, réclamant elle aussi des explications « immédiatement et en détail ».
Selon Der Spiegel, le programme était constitué non seulement de micros installés dans le bâtiment de l’UE à Washington, mais aussi d’une infiltration du réseau informatique qui lui permettait de lire les courriers électroniques et les documents internes. La représentation de l’UE à l’ONU était surveillée de la même manière, toujours selon ces documents, dans lesquels les Européens sont explicitement désignés comme des « cibles à attaquer ».

L’Allemagne übersurveillée
Et les toutes dernières révélations du Spiegel, faites hier après-midi, risquent d’enflammer l’opinion allemande, très sensible sur les questions de protection de la vie privée. L’Allemagne est en effet « le pays européen le plus surveillé » par la NSA, avec 500 millions de connexions téléphoniques et Internet enregistrées mensuellement, assure le magazine, qui explique qu’une journée « normale » d’espionnage concerne environ 15 millions d’appels téléphoniques recensés en Allemagne, contre environ deux millions quotidiennement en France. L’Allemagne comme la France sont considérées par la NSA comme moins fiables que le Canada, la Grande-Bretagne, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, explique aussi Der Spiegel en se fondant sur ces documents.

Quasi-mutisme US
Les Européens sont pourtant « parmi les alliés les plus proches » des États-Unis, a assuré hier le conseiller adjoint à la Sécurité nationale, Ben Rhodes, dans l’unique réaction américaine à ce stade. Un quasi-mutisme confirmé par la porte-parole du département d’État américain, Marie Harf, qui, interrogée par l’AFP, s’est refusée à tout commentaire.
Le président du Parlement européen, Martin Schulz, a quant à lui évoqué un possible « immense scandale », tandis que le député européen écologiste Daniel Conh-Bendit a appelé à une rupture immédiate des négociations sur le traité de libre-échange transatlantique, qui viennent d’être lancées, tant qu’un accord n’a pas été signé avec les États-Unis sur la protection des données personnelles. Des négociations en ce sens, lancées en 2011, n’ont toujours pas abouti.
Après les premières révélations sur Prism, la Commission européenne avait assuré que Washington avait accepté d’informer les Européens. Mais la promesse ne semble pas avoir été tenue, Bruxelles ayant à nouveau réclamé le 19 juin des réponses « aussi rapidement que possible ». Toujours selon Der Spiegel, la NSA avait même étendu ses opérations jusqu’à Bruxelles il y a « plus de cinq ans ».
En 2003, l’UE avait effectivement confirmé la découverte d’un système d’écoutes téléphoniques des bureaux de plusieurs pays, dont la France, l’Allemagne, l’Espagne, le Royaume-Uni, l’Autriche et l’Italie, au siège du Conseil de l’Union européenne. Il est difficile de savoir s’il s’agit de la même affaire, l’enquête de la justice belge n’ayant débouché sur rien.

Assange s’en mêle
Auteur des révélations explosives, l’ancien collaborateur de la NSA Edward Snowden, qui a sollicité l’asile politique en Équateur, est bloqué depuis une semaine à l’aéroport de Moscou, son passeport ayant été annulé par les États-Unis, qui réclament son extradition pour espionnage. Le fondateur controversé du site WikiLeaks, Julian Assange, a immédiatement dénoncé hier la « rhétorique » des responsables américains pour qui les révélations faites par Edward Snowden mettent des vies en danger.
Interrogé sur la chaîne américaine ABC depuis l’ambassade d’Équateur à Londres où il est réfugié, Julian Assange s’est élevé contre l’affirmation du secrétaire d’État John Kerry et d’autres responsables américains selon qui « des gens risquent de mourir à la suite de ce que cet homme a fait. Nous avons déjà entendu cette rhétorique. J’en ai moi-même été la cible il y a trois ans. Tout s’est avéré être faux », a-t-il souligné, en référence à la publication par WikiLeaks de centaines de milliers de câbles diplomatiques américains en 2010. « Nous avions eu cette discussion (...) sur le fait de savoir si cela aurait des conséquences, mais pas un seul responsable américain, personne du Pentagone ou d’aucun gouvernement, n’a dit que nos révélations au cours des six dernières années n’ont provoqué de dommages physiques à quelqu’un en particulier », a plaidé Julian Assange.
Quant aux révélations de Snowden sur les méthodes d’espionnage électroniques américaines, « elles sont encore plus abstraites » pour mettre en danger quiconque, selon lui. Snowden, soutenu par WikiLeaks dans sa fuite pour échapper aux autorités américaines, a demandé à l’Équateur de lui accorder l’asile politique. Selon l’Australien, les révélations dont l’ex-consultant, qu’il qualifie de « héros », est à l’origine vont se poursuivre. « Il n’y a pas moyen d’empêcher le processus de publication à ce stade. De gros efforts ont été faits pour s’assurer que M. Snowden ne fasse l’objet de pressions d’aucun pays pour stopper la publication », a-t-il assuré.
(Source : AFP)

 

Pour mémoire

Edward Snowden inculpé pour espionnage par la justice américaine

 

Julian Assange, un cyber-militant dans l'impasse

Les Européens ont vigoureusement exigé hier des explications sur le programme d’espionnage américain, qui aurait visé les institutions de l’UE et des millions de citoyens européens, Bruxelles avertissant même des possibles conséquences sur la négociation d’une zone de libre-échange transatlantique.« Entre partenaires, on n’espionne pas ! » a lancé au Luxembourg la...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut