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À La Une - Le point

John Kerry, brasseur de vent

Infatigable John Kerry qui vient une fois de plus de consacrer la majeure partie de son temps aux problèmes qui agitent le Proche-Orient. Au dernier jour de sa récente tournée, il a fait miroiter aux yeux de ses interlocuteurs palestiniens la perspective d’un pactole de quatre milliards de dollars qui viendraient regonfler l’escarcelle éternellement vide de l’Autorité. Il a récolté quelques applaudissements polis, un refus net de la part du Fonds d’investissement de Palestine et s’est heurté à un glacial désintérêt des États de la Ligue arabe. Il devient évident que, sans cesser de croire à ses vertus, le dieu dollar ne représente plus, aux yeux de ceux qui sont appelés à en bénéficier, la panacée susceptible de guérir la cause de tous les maux dont ils souffrent.


Ainsi donc, le secrétaire d’État engrange les miles mais ne parvient pas pour autant à réaliser une percée notable, malgré une évidente bonne volonté et ces arguments sonnants et trébuchants qui, en d’autres temps, auraient accompli des miracles. Il existe à cet échec plusieurs raisons, la première étant que dans cette partie du monde, on n’ignore plus rien de la destination véritable du flot d’argent déversé par Washington et le Vieux Continent, notamment depuis les accords d’Oslo. Il fut un temps, rappelle Joseph Olmert dans le Huffington Post, où les réfugiés figuraient dans le peloton de tête des récipiendaires – à tout le moins théoriques – de l’aide fournie par les donateurs occidentaux. Avec le désolant résultat que l’on peut constater aujourd’hui encore. L’ancien Premier ministre Salam Fayyad en sait quelque chose, qui a préféré le mois dernier claquer la porte plutôt que de continuer à jouer les faux témoins.


Il existe une deuxième raison à la présente impasse : elle réside dans la difficulté des bourgeons du « printemps arabe » à éclore. Les premiers bégaiements de la démocratie ne sont pas prometteurs de lendemains qui chantent ; les tiraillements entre les différentes factions ont tôt fait de se transformer en escarmouches pas seulement verbales (en attendant le grand clash ?) ; enfin, les problèmes socio-économiques prennent une tournure aiguë, en Égypte mais aussi ailleurs. Tout cela fait que la nouvelle « question d’Orient » – vieille de deux tiers de siècle, faut-il le rappeler ? – se trouve reléguée à l’arrière-plan. Et ce n’est pas un hasard si les émissaires américains qui sillonnent la région s’entendent plutôt poser des questions sur l’avenir de la Libye, les dangers qui guettent la Jordanie et/ou l’issue de la crise syrienne.
La troisième cause de l’échec, il faut la chercher dans ce que Hubert Védrine appelait, dans les années quatre-vingt-dix, l’« hyperpuissance » US. Vingt-cinq ans après, il opère une correction de trajectoire, déclarant, dans une interview au Journal du Dimanche : « J’ai défini ce concept à un moment bien particulier (...), après la fin de l’URSS, estimant que les États-Unis détenaient alors un pouvoir financier, monétaire, culturel, militaire sans équivalent historique. Ça n’est plus le cas aujourd’hui. » Mais alors, qui gouverne le monde ? « Personne », répond l’ancien ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Jospin (1997-2002). De quoi glacer d’effroi même les plus optimistes. Car les plaidoyers en faveur de la paix et de la coexistence entre les peuples, c’est fort joli. S’ils ne s’appuient pas sur la puissance de ce qu’il faut bien appeler une sorte de coercition, ils demeurent sans effet. Or il semble bien qu’à part quelques illuminés siégeant au Congrès, ils sont très peu nombreux, à Washington, les partisans du bâton.


Le corollaire inévitable de cette absence d’autorité est qu’en Israël, les boutefeux se font de nouveau entendre. Le général Amir Eshel, commandant en chef de l’armée de l’air, n’hésite pas à parler de « scénarios susceptibles de mener à une guerre surprise ». D’autres chefs militaires évoquent une « somalisation » de la Syrie. L’hystérie guerrière est telle que Benjamin Netanyahu a jugé nécessaire de rappeler à l’ordre ses ministres. Plus question pour eux d’évoquer le conflit syrien, les livraisons d’armes russes ; ils pourront se rabattre par contre sur l’implication du Hezbollah dans les affrontements. Désormais, c’est le silence radio du côté de Tel-Aviv, ce qui n’augure rien de bon.


Lors de sa visite, le chef de la diplomatie US a donné l’impression d’épouser la théorie de la « paix économique » défendue jadis par le chef du gouvernement israélien. L’idée a été récusée par les Palestiniens parce qu’elle omet les autres aspects du dossier : le sort de la partie arabe de Jérusalem, la délimitation des frontières, les colonies de peuplement,etc. La paix attendra donc. Et quand l’avenir de la Syrie à (re)naître sera connue, il restera d’autres points d’interrogation que l’on soulèvera. Comptez sur les Israéliens, soutenus par l’Oncle Sam, pour cela.

Infatigable John Kerry qui vient une fois de plus de consacrer la majeure partie de son temps aux problèmes qui agitent le Proche-Orient. Au dernier jour de sa récente tournée, il a fait miroiter aux yeux de ses interlocuteurs palestiniens la perspective d’un pactole de quatre milliards de dollars qui viendraient regonfler l’escarcelle éternellement vide de l’Autorité. Il a récolté...

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