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Liban - Parlement

Tous les délais électoraux suspendus pour un mois

Le Front de lutte nationale a été le seul à boycotter la séance parlementaire hier, par solidarité avec le président de la République, qui a fini par signer la proposition de loi relative à la suspension des délais prévus par la loi électorale.

Le député Boutros Harb prenant la parole lors de la séance parlementaire pour insister sur le fait que le seul but de la suspension est d’adopter une nouvelle loi électorale, non d’annuler la loi en vigueur. Photo Sami Ayad

Le Parlement a approuvé hier la proposition de loi prévoyant la suspension de tous les délais prévus par la loi électorale en vigueur (c’est-à-dire la loi n°25 du 8 octobre 2008, basée sur la loi de 1960).


La séance parlementaire visant à approuver l’amendement des délais liés à l’échéance électorale avait été ajournée la veille à la demande du courant du Futur, qui s’était opposé, et avec lui le Front de lutte nationale, à la suspension des délais de dépôt de candidatures.


Le courant du Futur a fini par concéder hier la formule de la suspension qu’il a toutefois remaniée (en coordination avec le député Boutros Harb), de sorte à éviter « l’abolition de facto » de la loi de 1960, tandis que le Front de lutte nationale a choisi de boycotter la séance.
Afin de concéder la suspension, le Futur a incorporé des précisions au texte voté, censées empêcher « l’annulation de facto » de la loi de 1960 (l’expression est mise entre guillemets parce qu’une loi ne peut être annulée que par une nouvelle loi qui la remplace. La suspension des délais « est une fraude à la loi », souligne le constitutionnaliste Hassan Rifaï à L’Orient-Le Jour).


Quoi qu’il en soit, si l’on suit le raisonnement des parlementaires, une suspension d’un mois des délais de dépôt des candidatures risquerait, une fois le délai écoulé, de reporter le déroulement des législatives (fixée au 16 juin), puisque la loi électorale en vigueur prévoit un délai de 60 jours entre la clôture des dépôts de candidatures et le déroulement des élections.


Afin de pallier ce risque, le courant du Futur a incorporé deux alinéas à la proposition de loi, qui ont été approuvés par le Parlement. L’alinéa 3 de la loi approuvée prévoit « la clôture du dépôt des candidatures, trois semaines (au lieu de six semaines avant la date prévue du déroulement des élections », et l’alinéa 4 stipule « d’écourter le délai prévu par l’article 52 (relatif au délai de retrait des candidatures, ndlr) de la loi de 2008 à deux semaines ». Ces retouches sont supposées neutraliser les effets de la suspension. Rappelons que la suspension des délais, préconisée par le 8 Mars, aboutit pratiquement à suspendre la mise en œuvre de la loi de 1960 sur une période indéterminée en empêchant le dépôt de candidatures sur la base de la loi de 1960 ; tandis que la prorogation des délais aboutit au maintien de la loi de 1960 jusqu’au vote d’une nouvelle loi.


La formule approuvée hier aura écarté l’option de la prorogation, en trouvant le moyen de maintenir, sous l’appellation de suspension, les effets de la prorogation.

 Le Futur se justifie
Mais le Futur reste convaincu que la formule adoptée ne compromet pas son intérêt à maintenir la loi de 1960. « Il est impératif de souligner que la proposition de loi approuvée n’abolit pas les effets de la loi de 1960 », a affirmé le chef du bloc parlementaire du Futur, l’ancien Premier ministre Fouad Siniora, lors de la séance parlementaire. Cette remarque a été répétée plus d’une fois par ses collègues du même bloc et le président de la Chambre Nabih Berry a confirmé explicitement que « la proposition n’abolit pas la loi de 1960 ».


Soucieux jusqu’au bout de contrecarrer toute voie susceptible d’aboutir à l’ajournement des législatives, le député Siniora a exprimé par ailleurs une réserve relative aux motifs invoqués par le législateur, annexés à la proposition de loi, mais qui n’ont en tout cas pas fait l’objet d’un vote hier. Ces motifs rappellent notamment la non-formation du comité de supervision des élections (article 13 de la loi électorale) et d’autres failles qui entravent la préparation à l’échéance électorale.


La partie contestée par le député Siniora est le dernier paragraphe, « rédigé d’une manière floue » selon lui, qui énonce notamment la nécessité « de donner au gouvernement chargé éventuellement des élections de bénéficier de tous les délais nécessaires pour gérer l’échéance électorale et donner une chance aux partis politiques d’élaborer une nouvelle loi ».

Solidarité Joumblatt-Sleiman
C’est donc en insistant sur le maintien de la loi de 1960 que le bloc du Futur a voulu se montrer conséquent avec sa précédente position. Mais les remaniements qu’il a apportés à la proposition de loi approuvée et les réserves émises sur les motifs du législateur n’ont pas suffi pour convaincre le Front de lutte nationale d’approuver la suspension. Sortis hier de deux réunions successives avec le président Berry (avec des interventions téléphoniques du président de la République et du leader du Front de lutte nationale) préalablement à la séance parlementaire, les députés Akram Chehayeb et Waël Bou Faour ont déclaré que le Front de lutte nationale boycotterait la séance. « Nous refusons la formule de la suspension des délais et nous n’appuyons pas le texte de compromis (voté hier), qui cacherait dans ses replis – et c’est ce que nous craignons – une volonté pernicieuse de faire tomber la loi électorale sans substitut », a affirmé le député Bou Faour lors d’une conférence de presse, précisant que ce scénario aboutirait « soit à un vide juridique, soit à la réintégration au débat de la loi orthodoxe, deux options que nous refusons ».
Sachant que ce refus est constamment exprimé par le Futur et par les députés chrétiens indépendants (qui avaient été par ailleurs les seuls la veille, avec le Front de lutte nationale, à refuser l’option de la suspension lors de la réunion élargie à la place de l’Étoile), pourquoi le Front de lutte nationale a choisi de se démarquer hier de la « formule de compromis » ?
Interrogé sur ce point par L’Orient-Le Jour, le député Akram Chehayeb a affirmé que « soit on est pour, soit contre la suspension. Or, il n’y a rien de tel dans une solution médiane ». Selon les milieux du Futur, le front aurait boycotté la séance « parce que le président de la République est mécontent ». Mécontent de l’option de suspension, mais aussi du risque qu’elle porte de torpiller l’échéance électorale. Si les milieux présidentiels confirment la solidarité des socialistes avec Baabda, il reste que ce boycottage serait surtout motivé par la volonté du Front de lutte nationale de maintenir une position de force, favorable jusqu’au bout à la loi de 1960, dans le débat sur la nouvelle loi électorale (qui a « gagné, avec l’approbation de la proposition de loi, un nouveau mois, une nouvelle chance d’aboutir », selon les propos du président Berry). Dans ce sens, l’aval donné par le Futur à la formule de suspension aura été une concession de sa part, offerte à ses alliés chrétiens au sein du 14 Mars, précisément les Forces libanaises.

 Annulation de l’élection d’office  
Quoi qu’il en soit, le président de la République a annoncé sur son compte Twitter hier soir son intention de signer la proposition de loi sur la suspension des délais prévus par la loi électorale. Sa décision serait motivée par « une volonté de ne pas être un obstacle au consensus obtenu entre les blocs parlementaires », mais adresserait en même temps un ultimatum au Parlement d’adopter au plus vite une nouvelle loi, comme l’a expliqué à L’OLJ le ministre démissionnaire Nazem Khoury. Il a surtout salué l’annulation de l’article 50 (prévue par l’alinéa 2 de la proposition de loi approuvée hier), abolissant la possibilité d’une élection d’office. Cette annulation, contestée par le Front de lutte nationale, aurait pour but d’empêcher que les candidats déjà inscrits en vertu de la loi de 1960 n’invoquent leur droit acquis au siège parlementaire après l’expiration du délai de dépôt des candidatures. C’est afin de contrer ce risque, et dans l’attente de l’entrée en vigueur de la loi sur la suspension des délais, que le président de la République a également cosigné hier le décret du ministre de l’Intérieur prorogeant d’une semaine supplémentaire (jusqu’au 17 avril) le délai de fermeture du dépôt des candidatures.

 

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commentaires (3)

Dans les coulisses, on parle d'une suspension de deux ans. Mais qui va "LES" suspendre ?

SAKR LEBNAN

16 h 59, le 12 avril 2013

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Commentaires (3)

  • Dans les coulisses, on parle d'une suspension de deux ans. Mais qui va "LES" suspendre ?

    SAKR LEBNAN

    16 h 59, le 12 avril 2013

  • - Ô temps, suspends ton vol ! Et vous, lois électorales, suspendez votre cours... Pour un mois ? Attendons VOIR !

    SAKR LEBNAN

    09 h 13, le 11 avril 2013

  • Quelles complications juridiques ! Elles sont dues au manque d'élaboration d'une loi électorale, la plus équitable possible pour les diverses communautés du Liban, face au néfaste projet Ferzli qui a tout chambardé et causé tout le retard auquel on veut maintenant remédier. Il faudrait qu'un comité de représentants de toutes les forces du 14 Mars et du Front de lutte nationale soit enfin formé et qu'il se réunisse jour et nuit, s'il le faut, jusqu'à l'élaboration d'un tel projet de loi électorale mixte acceptable par les deux camps du Liban, soit le 8 et le 14 Mars, et qu'enfin termine cette agonie politique au Parlement.

    Halim Abou Chacra

    04 h 05, le 11 avril 2013

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