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Culture - Rencontre

Hady Sy, à sang pour sang humain

Hady Sy, artiste photographe bien dans son cœur, dans sa tête et dans sa peau, a planté ses trépieds au palais de l’Unesco où il clôt, par une exposition, une résidence d’artiste de trois ans pour son projet intitulé « One Blood ».

Hady Sy dans l’enceinte de son exposition semi-circulaire. Photo Michel Sayegh

Cinq cent quarante-six portraits d’individus âgés de 18 à 93 ans, 393 poches de sang, 153 gouttes de sang, 8 groupes sanguins, 153 métiers, 161 origines/nationalités, 140 croyances, 79 pays/localités, 276 lieux de naissance/domiciles, 467 prénoms, 182000 miles et 102 vols.
Ce sont les chiffres, énoncés par Hady Sy, comme une litanie «mantrique», résumant les étapes qui ont mené à l’installation «One Blood». Et il faut en avoir, du sang dans les veines, pour mener à bout un tel projet.
« Don de sang, don de soi », tel était le slogan que l’artiste de nationalité française avait accroché lors de la campagne qu’il avait lancé le 14 juin 2011 à partir de Beyrouth. Au palais de l’Unesco, où il occupait un vaste bureau éclatant de blancheur, mis à sa disposition pour sa résidence d’artiste parrainée par le ministère libanais de la Culture, pour la réalisation de son projet «One Blood» adoubé par la Bank Audi SAL – Audi Saradar Group, ainsi que par diverses organisations humanitaires, des personnalités internationales et des proches.
La première chose que l’on remarque chez Sy c’est son extrême humilité. Le photographe, au portfolio prestigieux, bien établi à New York et à Paris, est à l’origine du Festival international de la photographie de mode. En tant que directeur créatif, il réunit les plus grands noms de l’industrie de la mode, couturiers, mannequins, médias et photographes, et collabore avec des idoles de la mode et du design dont Kate Moss et Naomi Campbell, Garouste et Bonetti, André Putman, Paloma Picasso, Karl Lagerfeld, Isabella Rossellini, Jean-Paul Gaultier, Frédéric Mitterrand, Jean-Paul Goude et Helmut Newton. Il apporte aussi sa contribution à des magazines internationaux comme The Face, ID, Dazed and Confused, Purple Fashion, Vogue France, Harpers Bazaar US, pour n’en citer que quelques-uns. Hady assume aussi la direction artistique du livre et de l’importante exposition qui a lieu à New York à l’occasion des quarante ans d’Yves Saint Laurent. Membre de la Maison des artistes (Paris), il collabore activement avec le Council of Fashion Designers of America (CFDA).
Mais voilà, depuis le choc du 11-Septembre, il s’est de plus en plus tourné vers l’art porteur d’un message de paix, de refus de la violence, du terrorisme, de l’injustice, de la guerre, de la discrimination religieuse et du racisme. Fléaux universels face auxquels il brandit son slogan « My Art is My Weapon » (Mon art est mon arme). Dans le cadre d’une installation intitulée «Not for Sale», comprenant des radiographies d’armes de tous genres, il avait dégainé ses œuvres contre la vente, la prolifération, la détention, l’utilisation erratique de ces machines de mort ainsi que contre la violence gratuite dans le monde.
En 2011, donc, il lançait «One Blood» à partir de Beyrouth, avec une opération de don de sang. Les volontaires devaient, selon les cas, donner une pochette ou une goutte de sang, poser ensuite pour le photographe et, enfin, remplir un questionnaire sur leurs origines, croyances et messages.
Ce don symbolisant le retour à la vie. Mais symbolisant aussi le retour de l’artiste à sa patrie. À son point de départ. Où il a failli perdre, justement, la vie. De père sénégalais et de mère libanaise, il a en effet vécu son enfance à Beyrouth. «Il était temps, pour moi, de revenir pour prendre part à la résurrection de cette ville et à celle d’autres qui ont choisi la paix et la tolérance, raconte Sy. Trop de sang a été versé. En vain. Il fallait donner notre sang, offrir ce cadeau de la vie, pour qu’on puisse se voir en tant qu’unité.»
De Beyrouth donc, de cette ville mille fois détruite et autant de fois reconstruite, de cette capitale qui charrie tant d’événements tragiques, pour «rendre hommage au peuple libanais qui, grâce à son potentiel et sa volonté de vivre, transcende à chaque fois les obstacles», il a entamé son périple à la recherche d’un message universel de paix. «Pour que le sang donné soit le signe du partage, de l’espoir, qu’il soit un trait d’union entre les pays riches et les pays pauvres, entre toutes les civilisations et toutes les obédiences», ajoute-t-il.
Après la capitale libanaise, il a visité 79 pays ou localités. Partout, le même rituel. Don, photo, questionnaire. Après 546 portraits, 393 poches de sang et 153 gouttes de sang passés au scanner, il a construit son installation. Un espace semi-circulaire, dans lequel on entre par un chemin construit comme un tunnel. Et au bout, la lumière. Sur les parois intérieures de cet espace rond, comme l’utérus maternel, 366 images de pochettes ou de gouttes sanguines. Sur les parois extérieures, les portraits des donateurs. La plupart en noir et blanc. Quelques-uns en couleurs. L’unité numéro 1 est la photographie de Rita, nouveau-née dont une goutte du sang placentaire est passée au scanner photographique. L’unité numéro 366 est une transfusion de sang que Youmna, la sœur de l’artiste, «drépanocytaire», doit recevoir régulièrement pour survivre.
Entre les deux, des portraits d’anonymes pris sur les cinq continents, devant le même fond, une bâche grise trimbalée par le photographe lors de ses pérégrinations. Il révèle ainsi toute la diversité d’un monde où chaque individu possède de manière innée et intrinsèque la possibilité de sauver des vies.
Hady Sy renchérit: «C’est pour dire, je suis comme vous dans mon for intérieur et mon sang est comme le vôtre, même si nos modes de vie diffèrent, en langue, en aspect, en ethnie, en confession, en couleur, en patrimoine, etc., mais au fond, notre sang est le même, quel qu’en soit le groupe.» Et d’ajouter: «Tout différents que nous soyons, votre sang, comme le mien, sauve la vie.»
Dans le cadre de l’exposition, un film documentaire relatant les différentes étapes de ce projet, mais aussi et surtout suivant le périple de l’artiste aux quatre coins du monde.
Et un livre de 800 pages, dédié aux donneurs de sang, à paraître en juin, accompagnant l’exposition «One Blood» à Paris.
«Chaque page comportera un portrait du donneur, une photo de l’unité de sang récolté accompagnés du message d’humanité que le donneur veut transmettre, écrit manuellement dans sa langue maternelle.»
Après Beyrouth, Hady Sy ira à la rencontre d’autres pays. Portant le même message d’humanité.
Bon sang ne saurait mentir.
Cinq cent quarante-six portraits d’individus âgés de 18 à 93 ans, 393 poches de sang, 153 gouttes de sang, 8 groupes sanguins, 153 métiers, 161 origines/nationalités, 140 croyances, 79 pays/localités, 276 lieux de naissance/domiciles, 467 prénoms, 182000 miles et 102 vols.Ce sont les chiffres, énoncés par Hady Sy, comme une litanie «mantrique», résumant les étapes qui ont mené à...

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