Le docteur Ghazi Aswad reçoit chaque jour des dizaines de femmes dans une clinique mise en place par une association caritative de Tripoli, dans le nord du Liban. Chaque jour, dit-il, "je vois des femmes fortes qui portent leur famille à bout de bras et qui s'effondrent devant moi".
"Je suis chirurgien, mais maintenant je suis devenu psychologue par la force des choses", dit cet orthopédiste. "Ces femmes ont subi des chocs violents: de l'armée, de leur famille, de la guerre", explique-t-il à l'AFP.
"Beaucoup d'entre elles ont subi des violences corporelles et psychologiques, parfois de la part de leur mari", affirme-t-il.
Selon un rapport de l'UNFPA, le Fonds des Nations unies pour la population, parmi 460 femmes interrogées, 31% ont été menacées avec des armes par des membres de leurs familles et 7% ont subi des comportements sexuels inappropriés.
International Rescue Committee (IRC) a récemment affirmé que le viol était l'une des principales raisons poussant les femmes et les jeunes filles à quitter la Syrie.
La hausse des violences domestiques, soulignent les ONG, n'est pas un phénomène propre au conflit syrien, les conditions de vie des réfugiés qui ont tout perdu, le stress, la promiscuité, le déclassement social jouent un grand rôle.
En quittant leur pays, beaucoup de Syriens subissent "une chute sociale traumatisante et se sentent du coup diminués dans la maison", explique Abbas Alameddine, psychiatre de Médecins sans Frontières (MSF).
"Cette nouvelle oppression augmente la violence verbale, les négligences et la violence physique" au sein des familles, poursuit-il.
La double peine des enfants réfugiés
Alors qu'en Syrie leur famille dépendait entièrement d'eux et de leurs revenus, ces hommes se retrouvent sans travail ni utilité sociale.
Ils se sentent "frustrés et inquiets, car ils doivent faire en même temps le deuil de leur vie en Syrie et de tout ce qu'ils y ont perdu", note Layal Rahhal, psychologue de MSF. "Et cette violence peut également se reporter sur les enfants, les plus fragiles".
Selon l'Unicef, quelque 50% des 700.000 réfugiés syriens sont des enfants et 25% ont moins de quatre ans.
Mariam, enceinte de son quatrième enfant, vit avec onze autres personnes de sa famille dans deux pièces qu'elle loue à prix d'or dans un quartier défavorisé de Tripoli.
Comme elle, Amineh, qui vient également consulter pour sa grossesse, raconte le bruits des enfants, la promiscuité, le stress et l'impuissance.
A mots couverts, elles disent leur frustration. "Les gens nous disent, tu es Syrienne, tu n'as rien à dire, ce n'est pas ton pays ici", raconte Mariam. "C'est vraiment dur et je ne peux rien faire pour offrir une meilleure vie à ma famille".
Dans un rare témoignage, recueilli par l'UNFPA, une réfugiée syrienne avoue: "Nous passons (notre stress) sur nos enfants. Ils veulent rentrer à la maison (en Syrie) car ils sentent que nous avons changé et ils n'aiment pas ça".
Et pour ne pas déranger le pays d'accueil "nous frappons nos enfants et nous les disputons pour éviter les problèmes avec (les Libanais)", poursuit-elle.
Selon le rapport de l'UNFPA, 74% des réfugiées interrogées disent battre leurs enfants plus que d'habitude.
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