Rechercher
Rechercher

À La Une - L'Orient Littéraire

Les révolutions parallèles

Le discours sur le caractère moral de la révolution syrienne sous l’angle de la dignité et de la spontanéité exceptionnelle semble quelque peu dépassé malgré toute sa véracité. Ce qui est apparu dans le déroulement de cette révolution et son développement ces derniers temps confirme qu’elle fabrique, à travers un parcours sanglant, des révolutions parallèles à celle destinée à renverser la tyrannie. C’est un nouveau phénomène auquel il importe d’être attentif.

 

Même si les débuts du soulèvement n’avaient pas un caractère culturel strict, que la majorité des intellectuels n’en étaient pas à l’origine, il se trouve aujourd’hui qu’émergent trois formations qui commencent à mettre en place des institutions culturelles alternatives. Des institutions civiles qui seront fondatrices d’un futur État citoyen, de droits et d’égalité.

 

Ces trois institutions (la Ligue des écrivains, l’Association des plasticiens et l’Association des artistes et créateurs) sont à dues l’initiative d’intellectuels qui ont annoncé leur retrait de l’Union des écrivains arabes et du syndicat des artistes « officiel ». Cela signifie d’une part que les Syriens aspirent à renverser le régime, et d’autre part, qu’ils constituent dans le même temps leurs propres institutions indépendantes. Si l’idée de fonder un État peut sembler exagérée en référence à ces formations culturelles, c’est toutefois un signe précurseur qui pourrait dans un avenir proche inciter – pourquoi pas – les hommes d’affaires, les ingénieurs ou les avocats à en faire de même.

 

Ces formations sont une indication significative dans le cas syrien. Le champ culturel qui a subi la marginalisation et la dénégation était transformé en coquille vide ne produisant que des discours et slogans idéologiques à la gloire de la patrie incarnée par la personne de Hafez el-Assad et son fils Bachar. Par conséquent, le lien entre l’intellectuel et sa société a été vidé de son sens. Il est passé du statut de sujet à celui d’objet. Bien que des voix indépendantes, courageuses et rebelles à l’idéologie unique aient existé durant les dernières décennies, elles n’ont toutefois pas constitué un courant porteur de la culture en tant que référence. Elles n’ont pas eu d’impact réel dans la vie publique vu le contexte sécuritaire verrouillé, et caractérisé par le harcèlement, les arrestations et le bannissement.

 

Bien entendu, cela ne signifie pas que les dernières années n’aient pas connu une dynamique culturelle en Syrie incarnée par la montée d’une nouvelle génération d’écrivains - hommes et femmes -, de journalistes et de réalisateurs de cinéma. Une génération issue de milieux sociaux divers et en majorité des classes moyennes. Des jeunes dans leur ensemble qui s’intéressaient à la chose publique et étaient en lien avec l’ancienne génération d’intellectuels et opposants, ce qui a joué un rôle déterminant dans leur sensibilisation et engagement. Mais leur véritable travail a commencé lorsqu’ils ont accompli la prouesse de traduire, de manière très créative et subversive, la colère populaire de la rue et le ras-le-bol du despotisme et de l’esclavage en manifestations organisées dans le nouveau champ de bataille que sont devenus les réseaux sociaux, notamment Facebook.

 

Alors que le sang continue de couler, la construction continue aussi. Tandis que certains Syriens sortent réclamer leur liberté et leur dignité, d’autres commencent déjà à construire une nouvelle identité à leur future société. Un régime despotique est sur le point de s’écrouler, pendant que les germes d’une nouvelle société annoncent sa venue, et ce n’est sans doute pas un hasard que la vie revienne par la porte de la culture, celle qui était la grande perdante du temps du despotisme assadien.

 

Trois initiatives culturelles constituent donc trois avancées timides. Elles redonnent tout son sens à la culture et poseront les jalons d’un nouveau savoir. Celui de l’innovation par la recherche et le questionnement, remplaçant l’endoctrinement et le mimétisme, et celui de la prochaine révolution dans le monde arabe. Une révolution sans doute lointaine mais inéluctable : celle de l’esprit.

 

 

*Traduit de l’arabe par Nadia Aissaoui

 

Le discours sur le caractère moral de la révolution syrienne sous l’angle de la dignité et de la spontanéité exceptionnelle semble quelque peu dépassé malgré toute sa véracité. Ce qui est apparu dans le déroulement de cette révolution et son développement ces derniers temps confirme qu’elle fabrique, à travers un parcours sanglant, des révolutions parallèles à celle destinée...

commentaires (2)

Non, M Jabbour Personne ne veut que s'installent des régimes islamistes, salafistes. PERSONNE Mais, dans le raisonnement de toute la planete en 2012, ce n'est pas à NOUS de le décider, de vouloir et d'imposer d'autres régimes à notre convenance au prix de tuer la population. Non, même si cela ne nous convient pas, si les peuples ont décidé démocratiquement à choisir un régime ayant un visage des ekhwan, c'est leur choix Cela ne nous convient pas? Oui bien sûr. Je ne dis pas que je milite pour des pays dirigés par les Ekhwan mais ce n'est pas à moi ou à nous tous ici d'imposer nos choix dans leurs pays. C'est une mode qui prendra fin un jour tout comme ce fut la mode des "socialistes" testés par les pays arabes, les nasseristes...Ils ont essayé ces modes et ont constaté leur echec. Cette mode islamiste prendra fin un jour. L'important est que les chrétiens, les musulmans et les laics soient solidaires et résistent. Le jour où les ekhwan constateront leur echec, les laics devraient être prêts. Contrairement à l'iran et à l'arabie qui ont le pétrole; Les autres pays à visage islamistes devront mettre de l'eau dans leur vin pour survivre économiquement. Voyez la turquie, islamiste oui mais très modérés voire modernes. Laissons les choisir et arrêtons de tuer des gens sous pretexte qu'ils veulent leur liberté de choisir leur mode de vie et non les dictatures des régimes actuels.

Jean-Pierre EL KHOURY

09 h 35, le 05 février 2012

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Non, M Jabbour Personne ne veut que s'installent des régimes islamistes, salafistes. PERSONNE Mais, dans le raisonnement de toute la planete en 2012, ce n'est pas à NOUS de le décider, de vouloir et d'imposer d'autres régimes à notre convenance au prix de tuer la population. Non, même si cela ne nous convient pas, si les peuples ont décidé démocratiquement à choisir un régime ayant un visage des ekhwan, c'est leur choix Cela ne nous convient pas? Oui bien sûr. Je ne dis pas que je milite pour des pays dirigés par les Ekhwan mais ce n'est pas à moi ou à nous tous ici d'imposer nos choix dans leurs pays. C'est une mode qui prendra fin un jour tout comme ce fut la mode des "socialistes" testés par les pays arabes, les nasseristes...Ils ont essayé ces modes et ont constaté leur echec. Cette mode islamiste prendra fin un jour. L'important est que les chrétiens, les musulmans et les laics soient solidaires et résistent. Le jour où les ekhwan constateront leur echec, les laics devraient être prêts. Contrairement à l'iran et à l'arabie qui ont le pétrole; Les autres pays à visage islamistes devront mettre de l'eau dans leur vin pour survivre économiquement. Voyez la turquie, islamiste oui mais très modérés voire modernes. Laissons les choisir et arrêtons de tuer des gens sous pretexte qu'ils veulent leur liberté de choisir leur mode de vie et non les dictatures des régimes actuels.

    Jean-Pierre EL KHOURY

    09 h 35, le 05 février 2012

  • - - Ce que vous avez oublié de mentionner dans votre article , c'est que cette révolution Syrienne , à l'instar des autres révolutions arabes , et faite au nom d'Allah , et c'est le seul et unique " parallèle " , qu'on engendrée les autres révolutions , qui a été confirmé par l'arrivée massive des Islamistes au pouvoir avec un seul but , celui d'instaurer la Charia .. ! Est-ce bien cela que nous voulons que s'installe sur les bords du Barada et pour son peuple voisin historique et éduqué ?

    JABBOUR André

    00 h 20, le 05 février 2012

Retour en haut