Dans un discours attendu à la suite de la démission samedi du Premier ministre libanais Saad Hariri, depuis Riyad, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a accusé dimanche l'Arabie saoudite d'avoir contraint le chef du gouvernement à prendre cette décision.
"Il est clair que la démission était une décision saoudienne qui a été imposée au Premier ministre Hariri. Ce n'était ni son intention, ni sa volonté, ni sa décision", a-t-il dit dans un discours retransmis à la télévision.
"Personne ne comprend ce qui s'est passé ces derniers jours, alors que M. Hariri s'était montré optimiste avant sa visite à Riyad", a affirmé Hassan Nasrallah. "Cette démission a été imposée et Saad Hariri n'est pas maître de sa décision", a-t-il ajouté. "Pourquoi n'a-t-il pas annoncé son départ à partir du Liban ? Même son discours était pré-enregistré, a encore dit le chef du Hezbollah. Le texte a été écrit pas les Saoudiens, c'est clair".
Hassan Nasrallah s'est attardé sur la façon dont la démission a été annoncée à travers la chaîne panarabe à capitaux saoudiens al-Arabiya. "Cette façon de faire démontre clairement l'ingérence de l'Arabie dans les affaires intérieures libanaises", a indiqué le leader chiite qui n'a pas voulu commenter le contenu du communiqué lu par M. Hariri. "Il s'agit d'un communiqué saoudien et non pas libanais", a-t-il encore dit. Il a toutefois qualifié le contenu de "très dur".
En annonçant sa démission, le Premier ministre a affirmé que le Hezbollah avait imposé une situation de "fait accompli par la force de ses armes" et prévenu que la "main" de l'Iran serait "coupée" si elle s'ingérait davantage dans les affaires des pays arabes.
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"Va-t-on laisser Hariri retourner (au Liban)?"
Hassan Nasrallah, qui est apparu calme, s'est interrogé sur le timing de la démission alors "que les choses se déroulaient normalement (...) au sein du gouvernement" libanais. La décision de M. Hariri "n'a rien à voir avec la situation politique intérieure libanaise", a souligné le leader chiite. "Certains diront qu'il a été contrarié par certains ministres, mais ce n'est pas la vraie raison, a-t-il poursuivi. La raison vient d'Arabie saoudite, qui fait face à des luttes intestines économiques et politiques, (...) ou bien alors les autorités saoudiennes ne sont pas satisfaites du travail de M. Hariri et souhaiteraient le remplacer par un faucon qui serait plus en phase avec leurs positions".
Le chef du Hezbollah a dans ce contexte affirmé que son parti ne souhaitait pas la démission de M. Hariri. "Nous faisons parfois face à des difficultés politiques, mais le gouvernement a réussi à franchir les obstacles, a-t-il dit. Il était même prêt à assurer la tenue des prochaines élections parlementaires."
Il s'est également interrogé sur la situation même de M. Hariri, qui a annoncé sa démission depuis l'Arabie saoudite. "Est-il assigné à résidence? Va-t-on le laisser retourner (au Liban)? Ce sont des inquiétudes légitimes", a-t-il dit, alors que l'annonce de la démission a coïncidé le jour même d'une purge sans précédent de princes, de ministres et d'hommes d'affaires en Arabie saoudite dans une opération anticorruption.
Peu après la fin du discours, dans un geste visant visiblement à faire taire les rumeurs, Saad Hariri a tweeté une photo de lui avec le nouvel ambassadeur d'Arabie saoudite au Liban, Walid Ben Mohammad al-Yaacoub, qui a prêté serment dimanche devant le roi Salmane.
Hassan Nasrallah a en outre affirmé qu'il n'existe aucune menace à l'encontre du chef du gouvernement libanais. Dans son allocution de samedi, M. Hariri s'en était pris à l'Iran et au Hezbollah, affirmant "avoir peur d'être assassiné". "Nous vivons dans un climat semblable à celui qui prévalait avant l'assassinat du martyr Rafic Hariri", avait-il dit, évoquant son père, tué dans un attentat en février 2005. Cinq membres du Hezbollah soupçonnés d'implication dans ce meurtre ont été inculpés en janvier 2014 par un tribunal spécial formé sous l'égide des Nations unies.
"La chaîne al-Arabiya est la seule à avoir annoncé qu'une tentative d'assassinat visant M. Hariri a été déjouée, a affirmé Hassan Nasrallah. Peut-être que c'était là leur seul moyen de justifier le fait qu'ils ne permettent pas au Premier ministre de revenir au pays."
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La démission surprise de Saad Hariri a fait immédiatement craindre que le Liban, pays profondément divisé entre un camp emmené par M. Hariri et un autre dirigé par le Hezbollah, ne plonge dans de nouvelles violences. Mais le chef du parti chiite a appelé au "calme, à la patience et à attendre que les raisons (de la démission) se clarifient". "Si les Saoudiens s'attendent à ce que nous nous comportions de façon impulsive, ils ont tort, a-t-il ajouté. Nous allons agir avec beaucoup de responsabilité, de calme et de sagesse".
Hassan Nasrallah a toutefois accusé certaines parties de vouloir semer la discorde au Liban : "Vous voulez détruire la stabilité du pays au profit de qui ?", s'est demandé le leader chiite, affirmant que tous les partis doivent éviter tout regain de tension dans la rue. "Le président de la République, Michel Aoun, est en contact avec tous les blocs parlementaires et politiques, ainsi qu'avec le président de la Chambre, Nabih Berry, a assuré Nasrallah. On s'attend à de nouveaux développements dès le retour de M. Hariri au Liban, ce jeudi, si les autorités saoudiennes le lui permettent. Entre-temps, nous devons rester solidaires car aucun parti libanais ne souhaite briser la stabilité du pays".
Le leader chiite a par ailleurs minimisé les informations faisant état d'une possible offensive israélienne contre le Liban. "Israël n'attend pas le vide politique au Liban pour lancer une offensive, a assuré Hassan Nasrallah. Cette décision est liée aux développements régionaux qui ne sont pas du tout les mêmes qu'en juillet 2006".
Le chef du Hezbollah a également démenti les rumeurs faisant état d'une prochaine offensive saoudienne contre le Liban. "D'où vont-ils attaquer le Liban ? De la Syrie ou de la Palestine ? Ce n'est pas réaliste", a dit le numéro un du Hezbollah. "Qu'ils utilisent leur force militaire pour gagner la guerre au Yémen plutôt que d'attaquer le Liban", a-t-il encore ironisé à l'adresse des Saoudiens.
Depuis plusieurs jours, le ministre d'État saoudien pour les Affaires du Golfe, Thamer el-Sabhane, tenait des propos virulents à l'encontre de l'Iran et du Hezbollah. Il avait ainsi appelé le gouvernement libanais à exercer une pression sur le parti chiite. Thamer el-Sabhane avait également lancé : "Ceux qui croient que mes tweets représentent mon propre point de vue se font des illusions. Ils verront dans les prochains jours ce qui va se passer. Quelque chose d'extraordinaire va se produire."
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Le Liban depuis l'assassinat de Rafic Hariri en 2005
commentaires (9)
Selon Monsieur Hassan Nasrallah, Tout le monde irano-chiite il est beau, tout le monde saoudo-sunnite il est méchant Irène Saïd
Irene Said
15 h 32, le 06 novembre 2017