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Économie - Splendeurs et misères économiques

L’euro n’est pas soluble dans la croissance

Né à Beyrouth, Michel Santi est un macroéconomiste franco-suisse qui conseille des banques centrales et des fonds souverains. Il est notamment l’auteur de « L’Europe, chroniques d’un fiasco économique et politique » et de « Misère et opulence ».

Bien avant la création de l'euro, le Canadien Robert Mundell devait en effet énumérer les conditions de succès d'une union monétaire. Ses travaux lui valurent le prix Nobel en 1999, soit précisément l'année du lancement de la monnaie unique. Selon Mundell, une devise partagée par un ensemble géographique n'est viable qu'en cas de mobilité des capitaux et du travail, de flexibilité des salaires et des prix, de cycles économiques similaires et de transferts fiscaux à l'intérieur de cette zone. Autrement dit, l'argent mais aussi les travailleurs devraient pouvoir voyager et s'établir dans différentes parties de l'Union. Les prix devraient être à même de baisser si nécessaire et pas seulement d'augmenter. Les membres de cette Union devraient bénéficier en même temps d'une expansion de leur économie ou subir ensemble la contraction. Enfin, une solidarité (idéalement automatique) devrait permettre à certaines régions dans la tourmente de recevoir des soutiens financiers de la part d'un organisme créé à cet effet ou de la part d'un gouvernement fédéral.
De nos jours, l'Union européenne ne dispose d'aucun de ces atouts, ce qui en fait une Union peu viable, tout au moins selon les critères de Mundell, contrairement aux États-Unis dont la structure permet d'absorber les chocs économiques. Un chômeur de Caroline du Sud est en effet capable de déménager au Texas où il vient de trouver un emploi tandis qu'un Grec irait très difficilement s'établir en Suède, et vice versa bien sûr ! Hormis la barrière de la langue et de la mentalité, un pays européen sinistré ou subissant un fort ralentissement de son économie ne recevrait en outre nul subside de son administration centrale lui permettant de passer le cap et de combattre victorieusement sa récession. L'union en vigueur aux États-Unis ne fonctionne ainsi que par la grâce de la mobilité de ses salariés, d'incessants flux de capitaux interzones et de mécanismes automatiques institutionnalisés permettant d'amortir les chocs financiers. En fait, non contente de ces déficiences « congénitales », l'Union européenne se révèle même être une machine à produire des bulles – c'est-à-dire des déséquilibres – du fait d'un taux d'intérêt unique partagé par des régions et par des nations qui subissent des cours de change effectifs divergents entre elles.
Dans le contexte européen actuel, l'euro agit donc comme l'étalon or dans le sens où les ajustements et indispensables rééquilibrages– qui ne peuvent se réaliser à travers la soupape de la devise qui s'apprécierait ou qui se dévaluerait – se font exclusivement par la courroie de transmission des prix et des salaires. L'euro n'est à l'évidence pas convertible en métal jaune mais il comprime les économies et produit de la récession. Le règne de l'étalon or se traduit de fait par des ajustements systématiquement à la charge des économies et des devises faibles en épargnant les pays forts. N'est-ce pas l'Europe périphérique qui a ainsi subi et encaissé tous les déséquilibres dans le cadre de la crise européenne actuelle ?
Souvenons-nous à cet effet de l'étalon or qui exerçait en son temps une pression baissière sur certaines monnaies fragiles de nations qui subissaient contraction économique et chômage élevé faute de pouvoir procéder aux indispensables réglages intérieurs. L'euro – comme l'étalon or – aggrave la situation des pays en récession en y insufflant la déflation. N'oublions jamais que c'est le maintien de l'étalon or qui devait empêcher de lutter efficacement – voire de prévenir – la Grande Dépression! Et rappelons-nous également que ce sont les pays n'en faisant pas partie, ou qui en sont vite sortis à l'époque, qui se sont rétablis en premier ou qui s'en sont tirés avec des dégâts limités.

Bien avant la création de l'euro, le Canadien Robert Mundell devait en effet énumérer les conditions de succès d'une union monétaire. Ses travaux lui valurent le prix Nobel en 1999, soit précisément l'année du lancement de la monnaie unique. Selon Mundell, une devise partagée par un ensemble géographique n'est viable qu'en cas de mobilité des capitaux et du travail, de flexibilité des...

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