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Moyen Orient et Monde - Le point

Des faucons et des colons

Il arrive souvent que les rappels historiques soient inopportuns et trompeurs. Vrai : Benjamin Netanyahu partage avec David Ben Gourion l’insigne honneur d’en être à son troisième gouvernement. À ceci près : jamais il ne sera apparu aussi faible, otage de familles politiques qui sont loin de partager ses vues, forcé en raison d’une implacable arithmétique de subir la loi d’un néocentre dont le chef, Yaïr Lapid, se voit déjà – il l’a dit dans une interview à la deuxième chaîne dont il était il y a peu la vedette – en président du Conseil à la faveur des législatives à venir.
Pour l’heure, on n’en est pas là et le souci premier de l’actuel titulaire du poste est de « faire avec ». En d’autres termes, de ménager son aile extrémiste et dans le même temps caresser dans le sens du poil l’aile modérée. Un exercice propre à donner des insomnies au plus retors des politiciens. Pour « King Bibi », comme l’avait baptisé l’hebdomadaire américain Time en couverture de son édition du 28 mai 2012, la mise sur pied de l’équipe ministérielle aura représenté la partie la moins ardue de la tâche, bien qu’ayant nécessité sept longues semaines de tractations.
Le plus difficile n’est certes pas de réaliser autour de lui l’union sacrée pour aller de l’avant dans la création de nouvelles colonies en Cisjordanie. Dimanche, le ministre de l’Habitat Uri Ariel n’a pas fait mystère de son intention de poursuivre cette entreprise, fort du soutien de la commission parlementaire des Finances, du département de la Défense et surtout du Moatzat Yesha, le tout-puissant conseil représentant les 500 000 colons déjà présents dans la place. « La rive gauche du Jourdain, comme ils (les Palestiniens) l’appellent, fait partie intégrante du territoire israélien, a-t-il déclaré à la radio. Si nous devions choisir entre l’exercice de nos droits nationaux et la négociation avec les Arabes, nous n’hésiterions pas une seconde. » Il faut prendre au sérieux de tels propos. En décembre et janvier de cette année, l’État hébreu avait annoncé son intention de construire 11 000 nouvelles habitations dans la partie orientale de Jérusalem et en Cisjordanie, soit près du double du total des maisons édifiées par la précédente administration depuis mars 2009, selon le mouvement « La Paix maintenant ». Pour rappel, le nouveau gouvernement ne compte-t-il pas huit ministres-colons ?
Passés maîtres dans l’art de la prestidigitation – la main qui s’agite est destinée à fixer l’attention pendant que l’autre main accomplit le tour de passe-passe –, les Israéliens recommencent à donner l’impression de préparer le blitzkrieg du siècle contre la République islamique. Coiffé par Netanyahu, le cabinet restreint de huit membres, censé gérer ce dossier, comprend Moshe Yaalon (Défense), Tzipi Livni (Justice), Naftali Bennett (Commerce et Industrie), Yitzhak Aharonovitch (Sécurité), Yaïr Lapid (Finances), Gilad Erdan (Défense passive et Communications), le chef du gouvernement se chargeant de chauffer la huitième place en attendant que la justice statue sur le sort de son destinataire, l’ancien chef de la diplomatie Avigdor Lieberman.
Un groupe de faucons, a aussitôt jugé le quotidien Haaretz. D’incapables aussi en matière de sécurité, laisse entendre le journal, qui rappelle les états de service de ces messieurs, nettement déficients en la matière. Dès lors, l’opinion publique est en droit de s’interroger : ces rapaces sont-ils habilités à déclencher une guerre, préventive ou non, contre l’Iran, alors qu’un excellent connaisseur en la matière, Vali Nasr, estime que, les sanctions ayant produit l’effet escompté, Téhéran serait sur le point d’accepter de transiger sur la question de son programme nucléaire* ? À cela s’ajoute un autre argument de poids : contre le clan des va-t-en-guerre s’est constitué un bloc composé des officiers supérieurs de l’état-major, des spécialistes du Mossad et de ceux du Shin Beth, unanimes à juger hypothétiques les éventuels résultats d’une expédition à laquelle, par ailleurs, les Américains sont formellement opposés, eux qui vivent dans la hantise d’une troisième guerre en ces premières années d’un siècle qui n’a même pas commencé à se remettre de ses chocs irakien et afghan.
Ce flagorneur de Yuval Steinitz, lanterne rouge de la liste électorale du Likoud, peut juger que « Bibi », comme Winston Churchill, « viendra à bout des forces du Mal ». Il est bien le seul. L’intéressé pour sa part attend la visite, à partir de demain mercredi, de Barack Obama pour se laisser faire une douce violence. À charge pour l’illustre visiteur de cesser de se mêler de ce qui, après tout, le regarde.

* Voir l’article de Vali Nasr : « Why Iran may be ready to deal » paru le 13 mars 2013 dans le New York Times.
Il arrive souvent que les rappels historiques soient inopportuns et trompeurs. Vrai : Benjamin Netanyahu partage avec David Ben Gourion l’insigne honneur d’en être à son troisième gouvernement. À ceci près : jamais il ne sera apparu aussi faible, otage de familles politiques qui sont loin de partager ses vues, forcé en raison d’une implacable arithmétique de subir la loi...

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