L’influente institution militaire, qui a dirigé le pays pendant près d’un an et demi après la chute de Hosni Moubarak en février 2011, est plus discrète depuis que le président islamiste Mohammad Morsi, élu en juin, a écarté en août son ancien ministre de la Défense et adversaire, le maréchal Hussein Tantaoui. Elle s’était toutefois déjà manifestée en décembre pour appeler au dialogue et rappeler son rôle de garante de la stabilité du pays, lors d’une vive crise liée à l’adoption du projet de Constitution controversé.
Hier, les violences semblaient avoir baissé d’intensité, mais la situation restait tendue dans le centre-ville du Caire. Des accrochages limités entre la police et des groupes de jeunes ont repris dans la journée avec des jets de pierres et des tirs de grenades lacrymogènes aux abords de la place Tahrir. Des protestataires ont en outre entravé la circulation avec des pneus enflammés sur un axe central de la capitale. À Port-Saïd, où plus de quarante personnes ont été tuées au cours des jours précédents, des milliers de personnes sont de nouveau sorties dans les rues en soirée pour défier le couvre-feu nocturne instauré par M. Morsi, tout comme à Suez et Ismaïliya, deux autres villes où cette mesure exceptionnelle est en vigueur. « À bas le pouvoir du guide » des Frères musulmans, scandait la foule. L’armée s’est déployée ces derniers jours à Port-Saïd et Suez pour protéger des bâtiments publics et des installations vitales dans ces deux villes. Au total, 52 personnes ont péri et des centaines d’autres ont été blessées dans les violences. Le ministère de l’Intérieur a annoncé l’arrestation de 15 suspects pour leur implication dans ces heurts.
M. Morsi, lui, a laissé entendre qu’il pourrait supprimer ou alléger l’état d’urgence imposé depuis dimanche en cas d’amélioration prolongée de la sécurité.
La justice égyptienne a quant à elle demandé l’arrestation de toute personne appartenant à un groupe obscur, le « Black bloc », inconnu jusqu’à présent et dont les militants ont été vus affronter les forces de l’ordre le visage cagoulé. Le parquet général a estimé qu’il s’agissait d’un « groupe organisé qui mène des actions terroristes ». Par ailleurs, M. Morsi a réduit à « quelques heures » une visite, prévue aujourd’hui et demain, en Allemagne selon l’agence MENA, et l’Élysée a annoncé le report de l’étape parisienne de cette minitournée européenne qui était prévue vendredi, journée pour laquelle l’opposition a appelé à manifester à travers l’Égypte.
Pour les analystes, il sera difficile pour M. Morsi de désamorcer cette nouvelle crise sans concessions. « Cette crise ne passera pas facilement », estime Mostafa Kamel el-Sayyed, professeur de sciences politiques à l’université du Caire. Le bras de fer sur la Constitution « opposait les libéraux et la gauche, d’une part, aux islamistes, de l’autre, le peuple n’y était pas vraiment impliqué. Mais, en ce moment, des catégories de la population sans affiliation politique prennent part aux manifestations pour protester contre la détérioration de leurs conditions de vie », dit-il. M. Sayyed exclut que « Morsi fasse des concessions » de lui même. Il estime plutôt que « l’armée pourrait être contrainte d’intervenir indirectement et discrètement pour lui dicter des mesures politiques, notamment la formation d’un gouvernement d’union nationale ». Un éditorialiste proche des islamistes, Fahmi Howeidi, va même encore plus loin. « Il serait courageux de la part de M. Morsi de lancer une initiative pour la tenue d’élections présidentielles (anticipées) en même temps que les législatives », prévues au printemps, écrit-il dans al-Chourouq.
(Source : agences)
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