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Moyen Orient et Monde - Le point

Dans les sables mouvants de l’Azawad

À coups d’argent, d’armes et de munitions, de conseillers militaires aussi et d’un inlassable travail en profondeur (croyaient-ils), les États-Unis ont patiemment tenté de contrer l’implantation des « terroristes » dans une portion du territoire africain allant du Maroc au Nigeria. À l’époque, le Mali servait d’exemple aux autres nations de la région.

 

Quatre ans plus tard et plus de 600 millions de dollars engloutis dans cette mission, les stratèges du Pentagone et les « experts » du département d’État devaient déchanter : rentrés de Libye, les premiers combattants islamistes prenaient contact avec les membres des forces gouvernementales formés à l’américaine, les poussant à déserter avec leur matériel pour rejoindre leurs rangs. Constat amer des apprentis Machiavel US : « Cela s’est passé trop vite ; nous n’avons rien vu venir. » Comme si la leçon afghane n’avait pas été retenue, avec ses talibans formés par la Central Intelligence Agency* pour lutter contre l’Armée rouge, puis bien vite devenus d’irréductibles ennemis des GI...


La France vient de s’en aller en guerre – louable intention – contre Ansar Dine, l’AQMI et autres fanatiques des bras coupés et des sanctuaires détruits. Elle le fait – s’appuyant sur un appel au secours du gouvernement de Bamako et le discret appui des pays de l’Ecowas, alors que l’OTAN se fait aphone et que la Communauté européenne feint de regarder ailleurs –, au nom de sa vocation à garantir la sécurité et l’intégrité de ses anciennes colonies. Elle ne peut en vouloir pour autant à certains de dénoncer, pour de douteuses raisons il est vrai, une entreprise au goût de revenez-y, déclenchée dans les « confettis d’empire », comme Napoléon se plaisait à qualifier les possessions d’outre-mer.


Le New York Times vient de rappeler, combien opportunément, le mot de Donald Rumsfeld, alors secrétaire à la Défense, à la suite du 11-Septembre : « C’est la mission qui fait la coalition. » En fait, cette guerre, jugée nécessaire, rares sont ceux qui voudraient y prendre part autrement qu’en contribuant à l’effort logistique et à la mobilisation diplomatique. On connaît les raisons des réserves, même si les uns et les autres préfèrent prudemment ne pas les évoquer. Au moment où elle entreprend de se désengager des contreforts afghans, l’Amérique n’a nulle envie de recommencer à jouer au gendarme du monde dit libre. Ce que l’on sait aussi, c’est que le nerf de la guerre en cette période de disette universelle fait cruellement défaut. En troisième lieu, dans les engagements armés de ce genre, asymétriques par excellence, ce n’est presque jamais Goliath qui l’emporte face à David.


Et c’est là que le bât blesse. Contre les 800 soldats de l’opération Serval – dont le nombre devrait passer bientôt à 2 500 –, l’ennemi dispose d’une force de 2 000 hommes pauvrement armés certes (mitraillettes AK-47, lance-grenades, mitrailleuses lourdes montées sur des camionnettes Toyota) mais extrêmement mobiles, connaissant parfaitement le terrain et capables de se fondre dans la population. En outre, dans le secteur de Gao, ces combattants ont aménagé un vaste réseau de tunnels que peuvent emprunter des véhicules, faisant dire aux africanologues que si Bamako venait à tomber, le Mali ne tarderait pas à se transformer en base pour une sorte de Sahelistan menaçant, par-delà les États de la région, le continent européen tout entier.


Comme pour confirmer ces appréhensions, hier même deux ressortissants étrangers, dont un Britannique, ont été tués lors d’une attaque lancée par des islamistes à In Aménas, dans l’Est algérien. Dans ce même secteur, 41 Occidentaux – dont sept Américains, un Norvégien, des Britanniques, des Français et un Japonais – ont été pris en otages sur un site de la multinationale BP. Il y a tout lieu de craindre à partir de maintenant des opérations similaires, qui pourraient aller en s’amplifiant. Aux enlèvements, attentats et opérations ciblées, l’amiral Édouard Guillaud, chef de l’état-major français, ne pourrait répondre que par un déploiement élargi et un accroissement des frappes aériennes. On a vu par le passé combien est maigre le bilan de tels ripostes.


« Je ne suis pas en mesure à l’heure présente d’évaluer l’objectif et encore moins les chances de succès. Face à un ennemi insaisissable, la tâche s’annonce difficile », a reconnu Leon Panetta, le patron du Pentagone. Avec des alliés comme celui-là...

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* Selon le témoignage du congressman Dana Rohrabacher (républicain, Californie) devant la commission des Affaires étrangères, après avoir créé les talibans, avec l’aide du Pakistan et de l’Arabie saoudite, la CIA s’est servie d’eux contre les Russes et n’a pas cessé depuis de les manipuler, « même sous la présente administration ».


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