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Moyen Orient et Monde - TRibune

Il faut sauver le général Petraeus

Anne-Marie Slaughter, ancienne directrice de la planification politique au département d’État américain (2009-2011), est professeure de sciences politiques et affaires internationales à l’Université Princeton.

Les États-Unis sont tombés des sommets de l’élection présidentielle à la fange du scandale politique de nature sexuelle en moins d’une semaine. Pour bon nombre d’Américains, la dernière élection a fait ressortir ce que le pays a de meilleur, suivie par le processus tristement familier de déboulonnement du piédestal de ses héros. Pour tous ceux qui vivent ailleurs qu’en Amérique, l’élection s’est terminée par la victoire bien reçue et rassurante de Barack Obama, tandis que la démission de David Petraeus de ses fonctions de directeur de la CIA était une blessure volontaire inutile.


En fait, tant l’élection que la démission de Petraeus sont des éléments d’un tout beaucoup plus grand : une Amérique qui tient ses promesses. Le résultat du scrutin a rappelé à beaucoup d’Américains que les États-Unis forment une nation qui souscrit à l’idéal de progrès et qui a les moyens de le réaliser. Obama a reçu l’appui d’une coalition de minorités : les Américains d’origines africaine, sud-américaine, asiatique, les Américains de religion musulmane, les communautés des gays et lesbiennes, et une majorité sous-représentée, les femmes, appartenant tous à des groupes qui perçoivent les inégalités persistantes et les injustices qui doivent un jour être réparées. Mais les vrais gagnants sont tous ceux qui croient que l’Amérique s’inscrit, de facto, à « l’égalité de tous devant la justice », des mots gravés sur le fronton de la Cour suprême. Dans l’élection d’un président de descendance africaine moins d’un demi-siècle après l’abolition officielle de la ségrégation raciale dans la plupart des États, les Américains voient le triomphe des valeurs enchâssées dans la Constitution des États-Unis sur le joug de préjudices économiques, politiques et sociaux dont a hérité l’Amérique. Ils voient aussi un président voué au progrès de tous les Américains, sans distinction de race, de sexe, de religion, d’origine ethnique, d’orientation sexuelle, de handicap ou de situation économique.


Ils voient également une nation qui est un véritable creuset de l’humanité, attirant de toutes parts des immigrants et leur donnant une chance égale de réussir en tant que citoyens américains. Ils perçoivent aussi un président avec une vision du pays qui a le potentiel de reconstruire ses infrastructures, d’effectuer des réformes de soins de santé, de renforcer son système d’éducation et de consolider sa prospérité économique par des moyens qui font appel à la participation de tous les citoyens – ce qui en retour leur permettra de s’épanouir.

 

(Pour mémoire : L'affaire Petraeus s'étend, un nom n'en finit plus de remonter : Kelley, Américaine d'origine libanaise)


En quoi donc cette façon de voir est-elle liée à la démission de Petraeus à la suite de la divulgation de son aventure extraconjugale, un général légendaire bardé de médailles avant qu’il prenne la direction de la CIA ? Si l’on en juge par les commentaires sur mon fil Twitter, la plupart des observateurs étrangers ne peuvent tout simplement pas comprendre pourquoi un homme qui a servi son pays dans des postes aussi élevés et critiques devrait démissionner pour ce qui s’est passé dans sa vie privée – et qui ne touche que les personnes directement concernées et leurs familles. La culture américaine, ai-je expliqué, juge durement les aventures extraconjugales, et un haut gradé placé dans une telle posture pourrait être l’objet de chantage – une chose que le directeur de la CIA, entre tous, doit éviter. Mes interlocuteurs étrangers ont répondu que si l’aventure est maintenant publique, la menace de chantage n’existe plus et que Petraeus devrait donc demeurer en fonctions.

 

(Pour mémoire : Petraeus avait chargé Jill Kelley d'empêcher une provocation contre l'Islam)


Bon nombre d’Américains sont du même avis. En fait, même Obama aurait été réticent à accepter la démission de Petraeus. Toutefois, selon moi, Petraeus a pris la bonne décision : sa démission est la seule option à sa disposition s’il veut un jour redorer son blason. Car, après tout, son auréole rayonnait autour du « général » Petraeus, un grand militaire ultragalonné qui a passé sa vie au sein de l’armée, et qui a été aux commandes des campagnes américaines en Irak et en Afghanistan. Il est diplômé de l’Académie militaire de West Point, où il a d’ailleurs enseigné, une institution dont la devise est « Devoir, honneur, nation ».


Dans notre ère empreinte de cynisme, beaucoup pourraient trouver un peu désuète une telle devise (ou, en fait, du pouvoir de toutes les devises ou de tous les slogans). Ce n’est pas l’opinion des cadets de West Point. Comme le général Douglas MacArthur leur a déjà déclaré dans un discours en 1962, ces trois mots « vous forgent le caractère. Ils vous fourniront le moule de vos rôles futurs de garants de la défense de la nation. Ils vous rendront assez forts pour connaître vos faiblesses et suffisamment courageux pour confronter vos peurs ». Ils vous enseignent, poursuivait-il, « à vous maîtriser avant de commander les autres ; d’avoir un cœur pur et un idéal élevé ». Les propos de MacArthur faisaient appel à l’émotion ; certains les jugeaient hyperboliques. Les idéaux qu’il exprimait sont des plus nobles ; même s’il s’en est lui-même parfois éloigné à plus d’une occasion. Mais les hommes et les femmes de l’armée américaine croient, en grande partie, en ces idéaux et font tout ce qui est en leur pouvoir pour les honorer, comme les citoyens américains croient généralement dans le noble discours de leur Constitution et cherchent à combler les lacunes de la nation.

 

(Pour mémoire : Petraeus savait que l’attaque de Benghazi était liée à el-Qaëda)


Petraeus a transgressé son propre code d’honneur et ses devoirs envers son épouse et sa famille – et donc, à ses yeux, envers sa patrie, particulièrement envers les personnes, dont le commandement lui a été confié par la CIA. Lorsque le scandale a éclaté, il a admis sa faute, en a assumé les conséquences et a fait ce qu’il estimait être son devoir, dans l’honneur et pour le bien de son pays. La spirale de révélations et d’enquêtes sur des actes douteux qui cerne tous les éléments d’un scandale toujours plus grand pourrait durer des semaines. Entre-temps, les Américains ne peuvent qu’espérer que les représentants élus de la nation fassent preuve de la même volonté d’assumer leur part de responsabilité des échecs, des petits calculs et de l’insistance à mettre l’intérêt partisan au-dessus des besoins pressants et criants du pays.


Ces responsables politiques doivent désormais exercer leur devoir le plus fondamental : gouverner. Ils doivent être disposés à négocier de bonne foi et à atteindre un compromis dans le but de promulguer des lois, de régler des problèmes, de prévenir les crises et de redonner confiance en l’avenir. Espérons que lorsqu’ils ont prêté serment de défendre la Constitution et de la faire respecter, les paroles qu’ils ont prononcées étaient plus que de simples mots.

Traduit de l’anglais par Pierre Castegnier
©Project Syndicate, 2012.

Les États-Unis sont tombés des sommets de l’élection présidentielle à la fange du scandale politique de nature sexuelle en moins d’une semaine. Pour bon nombre d’Américains, la dernière élection a fait ressortir ce que le pays a de meilleur, suivie par le processus tristement familier de déboulonnement du piédestal de ses héros. Pour tous ceux qui vivent ailleurs...

commentaires (3)

"General Petraeus" ? C'est ROMAIN ou bien BYZANTIN ou Quoi !?

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

11 h 02, le 22 novembre 2012

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Commentaires (3)

  • "General Petraeus" ? C'est ROMAIN ou bien BYZANTIN ou Quoi !?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 02, le 22 novembre 2012

  • Un adage grec dit : Dans la vie il faut savoir et faire attention à deux choses, sinon on paie chèrement sa faute : 1 ) où on met sa SIGNATURE. 2 ) Où on met son MACHIN... Pauvre Petraeus. Je le plains. Peut-être a-t-il commis les deux fautes... Au moins, si c'était Marylin Monroe !

    SAKR LEBNAN

    09 h 09, le 22 novembre 2012

  • Il fût un temps( heureux) où on ne s'occupait pas des histoires de c....oeur des politiques...je ne vois pas bien ce que çà a à voir avec l'honneur et topus ce genre de choses!Si on n' a plus le droit de fumer un cigare tranquille,où allons nous,je vous le demande!

    GEDEON Christian

    04 h 56, le 22 novembre 2012

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