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Moyen Orient et Monde - Ici et maintenant

Lattaquié / Syrte

C’est désolant : se réjouir foncièrement, absolument, de la mort de telle ou telle personne n’a rien de très élégant, ou, selon l’angle où l’on se place, de très moral. Mais il en est ainsi, et c’est très bien comme cela, des syrial killers. Ceux-là le savaient pertinemment ; peut-être même sont-ils morts en ce 18 juillet avec les images de liesse populaire dans les rues de Damas collées à leurs rétines. C’est effectivement très bien comme cela. Tellement barbares, tellement haïs, tellement craints qu’ils en devenaient presque immatériels, légendaires, Daoud Rajha, Hassan Terkmani, Mohammad Chaar et surtout le beau-frère de Bachar, ce Assef Chawkat-Jack l’éventreur dont les Syriens osaient à peine murmurer le nom, ont fait pleurer de joie, en mourant, près de 75 % de leurs compatriotes. Lesquels, tout perclus de peurs soient-ils, ont commencé à espérer follement.
Ils le peuvent : cet attentat-suicide pourrait être ce fameux point d’inflexion que tout le monde attendait et qui bouleverserait toutes les donnes. En quelques semaines, quelques mois. À condition qu’il convainque l’opposition, militaires et civils, de s’unifier enfin. De parler et agir d’une seule voix. De museler les ego. De voir un peu plus loin que le bout de leurs frustrations, aussi légitimes soient-elles. L’occasion est idéale : le moral des soldats de l’ASL est au climax. Surtout que la translation des combats vers l’hypercœur de la nation, ce Damas hier inaccessible étoile, est une extraordinaire amphétamine : des vocations de Claus von Stauffenberg/Tom Cruise naissent désormais un peu partout.
Un point d’inflexion à condition aussi que cet attentat pousse Moscou, Pékin, mais également Téhéran, à voir plus loin que leur inepte entêtement ; à reculer avant que le point de non-retour ne soit encore plus cruellement atteint ; à faire l’inventaire des meubles/intérêts qui peuvent encore être sauvés. Inéluctablement, cette barbarie va être dynamitée, ce régime chuter, et il est toujours possible pour ces trois pays, certes déjà complices du génocide perpétré par le gang Assad depuis mars 2011, de ne pas complètement s’aliéner le futur nouveau pouvoir. Et tout un peuple. Rien n’est irréversible quand il s’agit de politique(s). Pas même la rancune. Pas même la colère.
Il n’empêche : plus belle, la tâche est encore plus rude qu’avant. Le régime syrien est ultrasécuritaire, c’est un hard disk, un robot programmé pour écraser tout et tous ceux qui s’opposent à lui, un appareil capable de fonctionner quels que soient les hommes qui le forment – c’est là l’essence du pari criminel de Vladimir Poutine, des ayatollahs de Téhéran, de Hassan Nasrallah et de Michel Aoun. Plus encore : l’Exterminator syrien est désormais ce que les Frères musulmans appellent, à raison, un loup blessé : la punition risque d’être terrible. Cent et une rumeurs bruissent déjà de cet arsenal chimique que le régime entend depuis ce 18 juillet utiliser contre le peuple de Syrie. Washington s’émeut et blablate. Paris et Londres aussi. Berlin prouve une nouvelle fois son inutilité en politique internationale. Quant à Kofi Annan, il s’est enfin, heureusement, tu. Mais la réalité est prégnante : il n’y a effectivement rien de plus dangereux qu’un loup blessé.
Si : un peuple charcuté depuis seize mois.
Un peuple qui se pose aujourd’hui, comme tout le monde d’ailleurs, une question-clé. Une question piège. Où est le führer-pantin ? Où est Bachar el-Assad ? Mort dans l’attentat ? Enfui dans sa Syrte à lui : Lattaquié et Cordaha, où, entre deux paires de Berlutti et de Louboutin commandés sur le Net, son épouse et lui-même, dans une insensée déréalité, revivront dans leur tête cette entre-deux-guerre sous mandat français qui a intronisé Lattaquié capitale éphémère d’un État alaouite ? Ou bien terré dans son palais des Mouhajerine, avant que d’apparaître, nouveau Mehdi, dans les heures à venir, annoncer l’apocalypse, dénoncer la lâcheté de ces immondes terroristes, leur promettre toutes les géhennes, encenser ces trois victimes d’hier immédiatement élevées par le chef du Hezbollah au rang de martyrs et puis terminer en disant que tout va bien, en répétant, comme une grande partie des chrétiens de Syrie, qu’il ne se passe rien à Damas, que tout va bien ?

PS : l’attentat de Damas et plus particulièrement la mort d’Assef Chawkat ont ceci d’également fondamental qu’ils ont permis, pour la première fois depuis des décennies, une époustouflante, une troublante communion entre la majorité du peuple syrien et la majorité du peuple libanais. Même s’il eut naturellement été préférable de le voir finir ses jours derrière les barreaux d’une prison, lui qui a été incriminé, avec Maher el-Assad, son autre beau-frère, dans le rapport préliminaire de l’acte d’accusation du TSL sur l’assassinat de Rafic Hariri, Assef Chawkat a péri comme il a vécu : par le glaive. Il est des justices immanentes qui finiraient par faire croire en Dieu.
C’est désolant : se réjouir foncièrement, absolument, de la mort de telle ou telle personne n’a rien de très élégant, ou, selon l’angle où l’on se place, de très moral. Mais il en est ainsi, et c’est très bien comme cela, des syrial killers. Ceux-là le savaient pertinemment ; peut-être même sont-ils morts en ce 18 juillet avec les images de liesse populaire dans les rues de...
commentaires (5)

Roulette Russe aux promesses sans nombres…Suspend le temps d’un « clic »,et comme l’horloge en quelques heures elle fait disparaitre les hommes en criant au Suivant . Antoine Sabbagha

Sabbagha Antoine

08 h 25, le 19 juillet 2012

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Commentaires (5)

  • Roulette Russe aux promesses sans nombres…Suspend le temps d’un « clic »,et comme l’horloge en quelques heures elle fait disparaitre les hommes en criant au Suivant . Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    08 h 25, le 19 juillet 2012

  • Cher Monsieur Ziad Makhoul, vous vous êtes laissé un peu trop emporter par les sentiments. Les choses sont encore floues. Pensons un peu. Qui a planifié et executé cet attentat au coeur même du régime ? Qui pouvait avoir accès et s'infiltrer, et avoir une cellule endormie à réveiller en temps voulu ? L'ASL ? Les manifestants d'aujourd'hui ? NON ! Ceux qui s'infiltrent sont d'autres. D'autres doigts ont tiré la ficelle...

    SAKR LEBNAN

    07 h 58, le 19 juillet 2012

  • Cher Mr. Makhoul, En tant que Libanais qui souffrons tant des assassinats politiques, il nous est difficile de nous réjouir les assassinats politiques qui arrivent ailleurs. Mais, bien que nous aurions voulu voir tous les bouchers de Syrie jugés et condamnés par la court internationale, il nous est difficile de cacher la satisfaction énorme de voir que justice pour les milliers de victimes, hommes, femmes et enfants a été faite par le sang. Vous avez eu un grand courage d’exprimer avec beaucoup de tact, tout haut et tout clairement ce que la majorité des Libanais et des Syriens pensent. Merci de continuer à défendre la vérité et la justice alors que tant de compatriotes continuent de faire la cours au criminel régime Syrien et ses alliés. Gabriel Sara New York

    Gabriel Sara

    21 h 38, le 18 juillet 2012

  • "Effectivement rien n'est plus dangereux qu'un loup blessé". C'est peut-être la phrase la plus importante dans ce billet. Déjà folles par nature, les dictatures passent immédiatement à l'ultra-folie, à l'hystérie sauvage, lorsque la mort par laquelle elles frappent fait un pas en arrière et les frappe à elles. Malheureusement une ultra-barbarie vient de commencer en Syrie, qui plonge profondément dans la guerre civile. On y verra désormais des massacres qui feront partie des plus inouis de l'histoire humaine. Les chabbihas renforceront les doses de drogue qui les transforment en animaux sauvages et les font alors commettre les atrocités et les tueries les plus indicibles. J'ai l'impression que le cauchemar, produit de la logique criminelle de la dictature syrienne, est encore à ses débuts. Il durera encore bien longtemps.

    Halim Abou Chacra

    20 h 53, le 18 juillet 2012

  • J'aime pas cet article...mais alors pas du tout...on ne se réjouit pas comme çà des morts...jamais... et comparer GMA à Hitler,c'est quand même un peu con sur les bords et même au milieu...me semble-t-il...ne pas être de son bord,...ok...le critiquer...ok...le combattre à la loyale....ok...mais en parler comme çà???pas ok du tout...et puis zut...z'en avez pas tous arre,de vos réthoriques guerrières à la mord moi l'noeud???

    GEDEON Christian

    20 h 02, le 18 juillet 2012

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