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Moyen Orient et Monde - Le point

Le noir, couleur du danger

Sur la Toile, la guerre fait rage ces temps-ci. « Dieu merci, écrit sur son blog un internaute, la reine de Saba est arrivée sous le règne du sage Salomon. De nos jours, elle aurait été arrêtée et déportée. » Riposte d’un Israélien à un commentaire rappelant la religion des Soudanais du Sud – « ils sont chrétiens » – entrés dans le pays : « Israël est un État juif et non pas chrétien. » Et un autre, ironique, à propos du déchaînement de violence raciste, ces derniers jours : « Est-ce parce que Barack Obama ne veut pas bombarder l’Iran ? »


Le conflit a pour objet la présence au pays de Benjamin Netanyahu de milliers de Noirs – ils seraient quelque 60 000 à avoir franchi ces dernières années la frontière avec l’Égypte – employés pour la plupart à des travaux subalternes, aujourd’hui menacés de déportation après avoir été longtemps tolérés. Le Premier ministre a promis de mettre un terme à cette situation, s’engageant à renvoyer bientôt les « infiltrés » dans leur pays d’origine. Puis, la main sur le cœur devant les représentants des résidents de Hatikva : « Je compatis à vos souffrances. »


C’est dans cette banlieue du sud de Tel-Aviv que tout a commencé, il y a une dizaine de jours, dans un mouvement de protestation qui a rapidement dérapé. De paisibles passants ont été pris à partie par la foule ; on a inspecté des taxis, histoire de vérifier qu’ils ne transportaient pas des Noirs ; des épiceries, des restaurants appartenant à des gens de couleur ont été saccagés, des habitations ont reçu leur lot de cocktails Molotov, portant la radio de l’armée à parler de « véritables pogroms ». Un fast-food est allé jusqu’à proposer des « kushi » grillés (terme péjoratif désignant les gens de couleur). Miri Reguev, une parlementaire du Likoud, a décrété que « les Soudanais représentent un cancer », avant de préciser : « Je tiens à souligner qu’il n’entrait pas dans mon intention de blesser les survivants de l’Holocauste ou les cancéreux. Je faisais allusion à un phénomène et à la manière dont il se répand. » Toute allusion à un semblant d’excuse adressée à la communauté concernée serait purement fortuite.


Eli Yishaï, ministre de l’Intérieur, n’est pas moins catégorique. « C’est l’écroulement du rêve sioniste », se lamente-t-il, avant de réclamer la détention suivie de l’expulsion des demandeurs d’asile, une mesure approuvée par le procureur général, Yehuda Weinstein, qui s’apprête à faire valoir devant le tribunal du district de Jérusalem que rien n’interdit de prendre une telle mesure « puisque la vie de ces hommes et de ces femmes n’est pas en danger dans leur pays d’origine, le Sud-Soudan ». Et comme l’immense majorité de ces familles viennent de ce pays, mais aussi du Soudan lui-même et de l’Érythrée, le cercle médiatique s’est élargi pour englober cette dernière contrée de la Corne de l’Afrique d’où sont originaires 62 000 émigrés, arrivés à partir des années quatre-vingts.


Récemment, une enquête conduite par un journaliste de l’agence de presse Reuters a révélé au grand jour le malaise des 1 750 recrues érythréennes au sein de l’armée, parmi lesquelles on note le plus fort taux de suicides, soit une moyenne de dix cas par an selon les chiffres officiels, vingt selon d’autres sources concordantes. Alors que la plupart des familles vivent encore dans des caravanes fournies par l’État, dans les casernes les exemples d’exactions à l’encontre des militaires d’origine érythréenne abondent. Cela va de l’interdiction d’utiliser les mêmes gobelets que leurs camarades autochtones au refus de ceux-ci de goûter aux aliments préparés par des cuisiniers noirs. Les hôpitaux, a révélé la presse, préfèrent se débarrasser des lots de sang provenant de donneurs immigrés, soupçonnés à tort d’être séropositifs.


Mardi dernier, le Premier ministre a annoncé qu’il ajoutait le cas des « infiltrés » africains à sa liste de menaces qui pèsent sur la nation, promis d’ériger dans les deux mois à venir une barrière de séparation avec l’Égypte et de construire le plus grand centre du monde pour le regroupement des personnes appelées à être renvoyées chez elles.
Jugement pessimiste porté par Tom Seguev, fin observateur de la société et membre de l’école des Nouveaux historiens : « Ce qui m’inquiète, c’est l’atmosphère raciste qui prévaut chez nous. Il faut reconnaître que l’on voyait venir cela depuis des années. Pour constater à quel point nous sommes malades, il suffirait de se référer à toutes les motions antiarabes votées par la Knesset. »


D’abord la crainte du voisin/ennemi ; maintenant le péril noir. De quel côté viendra demain le danger ?...

 

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commentaires (3)

Oui messieurs, c'est l'identification à l'agresseur.

Robert Malek

10 h 32, le 05 juin 2012

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Commentaires (3)

  • Oui messieurs, c'est l'identification à l'agresseur.

    Robert Malek

    10 h 32, le 05 juin 2012

  • Le racisme, de ceux qui ont souffert du racisme, dans toute son opulence. Ils font aux autres exactement ce dont ils se plaignent que les nazis leur ont fait. S'il faut expatrier tous ceux qui se sont infiltrés et qui ne sont pas du pays, ALORS... charité bien ordonnée commence par soi-même.

    SAKR LEBNAN

    01 h 09, le 05 juin 2012

  • Israel, pays de l'apartheid par excellence ! Le pays actuellement le plus raciste du monde ! Quelle ironie quand on pense aux persécutions racistes et aux souffrances monstrueuses que le nazisme a fait endurer aux juifs, ainsi qu'aux plaintes séculaires des juifs d'être "victimes de racisme dans les pays de la diaspora" !

    Halim Abou Chacra

    23 h 34, le 04 juin 2012

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