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Moyen Orient et Monde - Le point

De la bipolarité à la multipolarité

Sans remonter à Sparte et Athènes, à l’Empire romain et à l’empire des Sassanides, on peut affirmer sans risque de se tromper que les affaires de notre pauvre globe furent toujours régies par les Grands, dont les éventuels tombeurs, au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ne tardaient pas, de libérateurs, à se transformer à leur tour avec une stupéfiante rapidité en tyrans d’un jour, quitte à occuper la place plus longtemps que prévu, en attendant l’émergence d’un nouveau briseur de chaînes. Lequel, à son tour, laissait bien vite tomber le masque pour se comporter en despote. Arrêtons là l’énumération.
Le résultat, à défaut du processus pour y parvenir, présentait l’avantage de la clarté : on se retrouvait tôt ou tard devant les deux faces d’une même pièce de monnaie, avec la possibilité de choisir son camp, après avoir, bien entendu, demandé le programme. On était donc communiste ou capitaliste – encore que la seconde appellation ne pouvait s’appliquer qu’au modèle et non pas nécessairement à celui qui s’en inspirait, en ce sens que l’on pouvait être partisan du système économique le plus débridé qui soit sans pour autant rouler sur l’or. Soit dit en passant, il était tout autant loisible de s’afficher, malgré un confortable compte en banque, partisan inconditionnel de Karl Marx, Friedrich Engels et Vladimir Ilitch Oulianov dit Lenine (aujourd’hui nom de scène d’un chanteur-compositeur brésilien...), cette situation faisant de vous un « millionnaire rouge ».
Mais revenons à nos deux moutons de tête. On doit le nom de guerre froide à George Orwell, le génial visionnaire de 1984. Raymond Aron, lui, préférait parler de « paix belliqueuse ». Durant les années 1945-1991, le monde s’est retrouvé à plus d’une reprise au bord du gouffre sans parvenir parfois à éviter d’y tomber. On pense surtout aux guerres de Corée, du Vietnam, du Cambodge, d’Afghanistan, d’Angola. Hormis ces expéditions et quelques autres, la confrontation se déroulait sur une scène qui était le monde et par le truchement de bien commodes « seconds couteaux ». Avec la chute de l’empire des glaces, le nombre de ces duels a considérablement baissé, passant de 61 à cinq, dont il ne reste que l’abcès afghan, cette épine dont l’Amérique désespère de se débarrasser malgré les innombrables promesses de Barack Obama.
À chaque fois qu’à Washington il s’est trouvé des hommes pour clamer haut et fort la fin d’une crise, celle-ci s’est atomisée. Ainsi, tout juste maté, el-Qaëda ressurgit sous une pléiade de formes aussi insaisissables l’une que l’autre, et à peine le président américain a-t-il le temps de se vanter de la mort d’Oussama Ben Laden, abattu dans une confortable villa des abords d’Abbotabad le 2 mai 2011, que ses successeurs se bousculent au portillon pour brandir le glaive qui décapitera l’infidèle.
Le 8 juin 2011, l’International Herald Tribune publiait un article intitulé : « A post-American Day Dawns in the Middle East »). Le constat de l’auteur, Ray Takeyh (« senior fellow » au conseil des relations extérieures) est clair et sans appel : le Proche-Orient entre imperceptiblement dans une ère postaméricaine qui le rend imperméable à l’influence US. Suit un tour d’horizon des pays de la région, dont l’Arabie saoudite, pour qui, écrit-il, le printemps arabe représente un danger existentiel. Sous certains aspects, affirme Takeyh, cette zone tend à devenir plus démocratique ; elle n’en sera pas moins agitée et instable.
On touche là au fond du problème qui se pose désormais. La neutralisation par la terreur est morte. Conviendrait-il de le regretter dans un monde orphelin de superpuissances ? Sans doute, car il n’est plus, le temps où nos affaires se réglaient par téléphone rouge et par-dessus nos têtes, n’en déplaise aux ardents défenseurs du triptyque cher au cœur des pères de la Révolution française. Un « Big Brother », c’est aussi pour cela qu’il existe. Aujourd’hui, il faut attendre de grandes assises mondiales, une mobilisation de l’Alliance atlantique, des Nations unies, de l’Union européenne pour entrevoir, avec un peu de chance et beaucoup de patience, un timide début de solution – dont l’application prendra un temps indéfini. Les confrontations par procuration à venir ? Elles auront pour enjeux les ressources du continent noir, la toute-puissance d’un État, qu’il s’agisse de l’Amérique, toujours elle, de la Chine ou d’un membre du Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud).
Histoire de nous aider à prendre patience, revoyons la liste de tous les problèmes en suspens que l’intervention d’un quelconque « Grand » n’a fait que compliquer davantage. Piètre consolation ? À tout le moins aide-t-elle à relativiser.
Sans remonter à Sparte et Athènes, à l’Empire romain et à l’empire des Sassanides, on peut affirmer sans risque de se tromper que les affaires de notre pauvre globe furent toujours régies par les Grands, dont les éventuels tombeurs, au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ne tardaient pas, de libérateurs, à se transformer à leur tour avec une stupéfiante rapidité en...

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