Extrait d’une interview accordée par le nouveau « speaker » à la chaîne al-Jazira le 22 novembre, soit au lendemain des actes de violence dont ont été victimes les coptes, mais avant la nouvelle et timide percée des jeunes sur la place al-Tahrir : « Si vous voulez savoir ce qui guide notre action, sachez que nous sommes pour l’application des principes de la charia, d’ailleurs contenus dans la Constitution. Nous ne sommes pas un parti religieux mais une formation civile, partisans d’un État démocratique et moderne avec une référence islamique. » Quoi encore ? Ceci, qui est autrement moins alambiqué : « Nous ne sommes pas opposés à d’autres références tant qu’elles ne sont pas contraires à notre Constitution. »
Dans la Libye voisine, les formations religieuses, combattues par Mouammar Kadhafi tout comme l’avaient été les groupes égyptiens sous le régime de Gamal Abdel Nasser puis sous Hosni Moubarak – mais pas par Anouar Sadate, sinon épisodiquement –, ont commencé par montrer le bout du nez avant de s’affirmer comme une force dont il faut déjà tenir compte. Dans un pays où quarante-deux ans durant, il n’existait pas de partis politiques (ne parlons pas de l’ère Senoussi...), la montée en force de ce camp est évidente, même si l’union des divers courants n’est pas pour demain. Mais il est permis de supposer qu’en fin de compte, les efforts en ce sens entrepris par cheikh Ali Sallabi, porteront leurs fruits. Ce dignitaire religieux, figure respectée du mouvement, vient de définir les objectifs de son action : « L’islam et la charia, souligne-t-il, serviront de base pour l’élaboration de la nouvelle Constitution », encore qu’il se dise personnellement partisan d’une formule « à la malaisienne ou à la turque ». Pendant que prédicateurs et docteurs en « spinning » vendent à l’Occident des arguments et leur contraire, un Abdel Hakim Belhaj, hier leader d’un Groupe islamique de combat lié à el-Qaëda, aujourd’hui chef du Conseil militaire, se reconvertit dans une politique taillée sur mesure pour plaire à l’Occident.
Au Caire tout comme à Tripoli, le « printemps arabe » a mené droit à l’émergence de forces dont on soupçonnait, certes, l’existence mais dont on doutait qu’elles puissent s’imposer face à des jeunes, des intellectuels luttant pour l’avènement d’une société juste, libre, démocratique et pour la chute des tyrans qui les avaient trop longtemps opprimés.
Des années auparavant, l’Irak avait plongé, sous l’effet de l’aventurisme américain, dans l’anarchie la plus totale puis dans un semblant d’ordre (ponctué d’attentats meurtriers) que l’on découvre, alors qu’il est trop tard, iranien. Les décisions prises au lendemain de l’invasion de mars 2003 par le « proconsul » yankee, L. Paul Brenner, dont cette stupide « débaassification » de l’armée qui n’a pas fini d’avoir les retombées désastreuses que l’on connaît, sont pour beaucoup dans le basculement de l’antique Mésopotamie dans l’orbite de la République des mollahs. On dit qu’à Washington, les fins stratèges du département d’État et du Pentagone ainsi que les apprentis James Bond de la Central Intelligence Agency ne s’en sont pas encore remis.
En Syrie, les multiples oppositions et le régime ont si bien manœuvré qu’ils se trouvent engagés non pas dans une impasse mais dans un labyrinthe d’où tous les Dédale, tous les Icare ne sauraient se sortir. Les premières se retrouvent en effet condamnées à poursuivre leur mouvement jusqu’à la chute du présent régime et celui-ci paraissant plus déterminé encore qu’il y a un an à aller de l’avant dans la répression violente.
Bachar el-Assad hautement impopulaire à domicile ? Mardi, le Guardian faisait état d’un sondage indiquant que 55 pour cent de Syriens voudraient le voir se maintenir à son poste. Avec cependant cette réserve de taille : qu’il organise des élections libres, dans les plus brefs délais. L’ironie de l’histoire est que l’étude d’opinion a été commanditée par « The Doha Debates », un organisme relevant de la « Doha Foundation » de Qatar dont l’émir, écrit le quotidien, vient de réclamer l’intervention en Syrie de troupes arabes. Inutile de préciser que, médiatiquement, aussi suite n’a été donnée aux résultats de ce gallup...
commentaires (2)
Je ne pense pas que les apprentis sorciers des USA se sont gourés. Le Chaos dans la région ils l'ont cherché, l'ont promis et en voie de le réaliser. Il faut se référer aux déclarations de Ronald Reagan lors de sa guerre des étoiles avec les Soviets, finalement il a eu le dernier mot, et celles de G.B.W. sur le nouveau M.O. et il semble que finalement son pays aura le dernier mot! Nous ne voyons les choses que sous l'angle restreint de nos désirs et espoirs, mais l'histoire des peuples et des nations n'a pas une durée de vie limitée et est éternelle. Les résultats ne se feront sentir qu'après bien de temps. Heureux sont ceux qui ont la chance de voir certains changements majeurs et historiques lors de leurs passages historiques!
Pierre Hadjigeorgiou
04 h 59, le 19 janvier 2012