On aurait tort de ne pas craindre, cette fois encore, le pire, quand ces derniers mois les nuages noirs n’ont cessé de s’amonceler dans un ciel qui a cessé d’être serein depuis les premières semaines de 1979 – depuis 1953, si l’on veut remonter au coup d’État anti-Mossadegh orchestré par la CIA américaine et le Secret Intelligence Service britannique, le PAJAX Project de désolante mémoire. Le dossier du contentieux, déjà bien épais, s’alourdit du problème nucléaire, de l’immixtion iranienne dans le pré carré yankee représenté par les États arabes producteurs de pétrole, le duel à mort que se livrent Iraniens et Saoudiens, le danger qui pèse sur les pays d’un gigantesque arc de cercle allant du Golfe au Pakistan, enfin la toute nouvelle menace représentée par la mise au point d’un missile de longue portée capable d’atteindre Israël.
Mais la tentation est tout aussi grande de situer l’affaire dans le cadre d’une guerre qui dure depuis des décennies. La veille du funeste mardi, l’ayatollah Ali Khamenei avait dénoncé l’« arrogance » de l’« impérialisme » occidental, et rappelé une longue histoire faite d’« humiliations, de destruction d’un héritage culturel et de contrôle des ressources naturelles ». Dans l’entourage du guide de la révolution, on voit dans l’action des manifestants une réaction légitime à « une politique dominatrice », un terme repris par le président du Majlis, Ali Larijani, et aussi par le président de la commission des Affaires étrangères, Alaeddine Boroudjerdi, pour qui tout cela s’inscrit dans le cadre d’une émotion bien compréhensible si l’on songe au « passé historique détestable des Anglais ». Dans le camp du chef de la diplomatie, on s’est dépêché de regretter l’ire estudiantine qui a mené à « un comportement inacceptable » et de rappeler l’engagement du régime à respecter les conventions internationales sur la sécurité des diplomates. Où l’on voit qu’aux mains des régimes, quels qu’ils soient, la haine constitue un sentiment aisément ductile, susceptible de servir au gré des nécessités du moment.
La même logique vaut aussi, il faut le reconnaître, pour Londres où le Premier ministre David Cameron avait convoqué dès mardi le comité Cobra (l’organisme chargé de la gestion des crises) pour étudier les mesures de rétorsion supplémentaires qu’il convient de prendre. Entre les deux parties, les rapports n’ont jamais été idylliques. Après l’avènement de la République, le gouvernement de Londres avait rompu ses relations diplomatiques, ne les rétablissant qu’en 1988, pour les suspendre à nouveau, un an plus tard, les reprendre en 1990, mais au niveau des chargés d’affaires, avant une normalisation complète intervenue en 1998. Depuis, l’Angleterre n’a cessé d’être accusée de tous les maux, de l’immixtion dans les affaires intérieures du pays aux contacts avec l’opposition en passant par des interventions intempestives lors de la présidentielle contestée de 2009. Face à l’avalanche de sanctions – les plus dures étant celles édictées par le royaume –, motivées par les atermoiements iraniens dans l’affaire du nucléaire, la tension ne fait que monter, mais, de part et d’autre, de manière contrôlée comme si, à ce petit jeu, chacun voyait dans le temps un élément jouant en sa faveur.
Depuis quarante-huit heures, nous avons eu droit à toutes sortes de supputations sur les suites de cette grand-guignolesque crise, certains allant jusqu’à parler d’une expédition punitive, comme à l’époque des canonnières, que lancerait « le petit Satan ». Plus plausible serait un cycle de représailles dont on ignore à quel stade il pourrait s’arrêter. Car, n’est-ce pas, ne s’agit-il pas d’effacer dans les esprits l’image de ce manifestant brandissant un portrait d’Élisabeth II tête en bas ?
« We’re not amused », se serait contentée de dire Sa Gracieuse Majesté.
commentaires (3)
Il est connu que dans les pays a régime dictatorial de type Nazi, ou théocratique islamique, comme en Iran, personne n'ose porter atteinte a l'image du pays sans en avoir reçu l'ordre. Ceci dit il n'y a pas eu place a aucune émotion mais bel et bien a une réaction étudiée et voulue! Serait-ce une manière de s'attirer des foudres pour justifier le lâchage de la Syrie qui va passer un mauvais quart d'heure? A suivre!
Pierre Hadjigeorgiou
08 h 34, le 01 décembre 2011