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Moyen Orient et Monde - Le point

L’attrait de l’uniforme

Sur les posters qui ornent les murs, on chercherait en vain une quelconque trace du visage de la candidate, remplacé par celui de... son mari. À quelques mètres de là, il y a bien des photographies représentant ce qui doit être une figure humaine, mais disparaissant sous un voile qui la cache entièrement. Bienvenue dans l’inquiétant univers d’al-Nour, le parti salafiste qui a le vent en poupe dans un pays en proie à une fièvre sans précédent à l’approche du scrutin du 28 novembre, première consultation libre – appelée à s’étaler sur six semaines – en soixante années marquées par manœuvres d’intimidation, bourrages d’urnes, déploiements de baltaguiyah mis à l’honneur, trente années durant, par Hosni Moubarak.
Sur le papier, les chiffres paraissent impressionnants dans une Égypte pourtant abonnée au gigantisme : plus de 40 millions d’électeurs et 6 000 candidats représentant une cinquantaine de partis pour désigner une Assemblée de 500 membres chargés d’élaborer une nouvelle Constitution. Pour la petite histoire : pourquoi avoir choisi d’étirer la consultation sur six semaines ? Parce que la loi prévoit la présence dans chaque bureau de vote d’un magistrat et que les dignes représentants de la justice sont en nombre nettement insuffisant.
Tout le monde s’accorde à prédire sinon un raz-de-marée, à tout le moins une victoire nette et sans bavure des islamistes, al-Nour et Frères musulmans (rebaptisés pour la circonstance Parti de la liberté et de la justice) confondus. D’ailleurs, les deux formations n’épargnent aucun effort pour présenter un front uni, surtout face au Conseil suprême des forces armées, dont l’image de Big Brother bienveillant, à égale distance de tout le monde, a été sérieusement écornée après les attaques, impunies à ce jour, contre les coptes, le tabassage de manifestants, place al-Tahrir, et l’incapacité à faire respecter la loi. Résultat : sur le terrain, la cote de popularité des militaires est tombée de 86 pour cent, dans la foulée de la débâcle Moubarak, à 61 pour cent ces temps-ci. Un désamour peu fait pour décourager les galonnés puisqu’ils continuent d’aspirer à avoir la haute main sur la direction des affaires comme cela n’a jamais cessé d’être le cas depuis la révolution des Officiers libres, le 23 juillet 1952.
En prévision du jour J, islamistes purs et durs ou pseudomodérés multiplient les largesses, avec force distributions gratuites de viande, de médicaments à bas prix et offres aussi farfelues que l’accès libre à des rencontres de football. Les candidats des Ikhwane sont présents dans 65 pour cent des circonscriptions, tout comme les islamistes radicaux, soucieux de faire patte de velours dans l’espoir de rafler un maximum de sièges. Les hommes de l’ancien régime, toujours présents sur la scène, ont entrepris de leur côté de prendre un nouveau départ au sein des innombrables regroupements appelés à faire trois p’tits tours avant de passer à la trappe une fois les élections terminées... Dans le même temps, ils sont parvenus à mettre sur pied de minuscules partis, sept au total, dont il ne restera rien après le grand show en préparation. Il faut dire que, depuis, le Parti national démocrate de l’ancien raïs a été autorisé par décision de justice à prendre part au grand show populaire.
Parce que la place de l’Égypte sur la scène régionale est à la mesure de sa géographie et de son histoire, parce que les effets des bouleversements qui ont accompagné la révolution du Nil ne pouvaient que se répercuter sur l’ensemble des pays « frères », enfin parce que rien de ce qui touche ce pays ne peut laisser indifférentes les grandes puissances, ces premiers pas sur le long chemin de la démocratie sont suivis avec beaucoup d’attention, à Washington notamment. Ces trente dernières années, les Américains ont octroyé à leur protégé arabe une aide – militaire principalement – de 60 milliards de dollars. Dans les semaines à venir, le Congrès US devrait effacer une dette d’un milliard de dollars pour la transformer en aide au secteur civil.
Pour la première fois dans leur toute jeune histoire, les partis laïques se présentent en position de force, auréolés du rôle joué en février dernier dans la chute du tyran, face à des formations religieuses aux racines solidement ancrées dans les traditions du pays. Il y a tout lieu de craindre cependant qu’ils n’aient pas les reins assez solides pour espérer l’emporter. Tout au plus pourraient-ils perturber le jeu politique et donner ainsi l’occasion à l’armée de s’accrocher au pouvoir. Sous le fallacieux prétexte, refrain connu, de vouloir « éviter le chaos ».
Sur les posters qui ornent les murs, on chercherait en vain une quelconque trace du visage de la candidate, remplacé par celui de... son mari. À quelques mètres de là, il y a bien des photographies représentant ce qui doit être une figure humaine, mais disparaissant sous un voile qui la cache entièrement. Bienvenue dans l’inquiétant univers d’al-Nour, le parti salafiste qui a le vent...
commentaires (9)

Chris, il vit toujours dans mon coeur. Etre Libanais, c'est l'être dans son coeur et dans son âme, dans ses paroles et dans ses actes. Anastase Tsiris

Anastase Tsiris

14 h 41, le 17 novembre 2011

Tous les commentaires

Commentaires (9)

  • Chris, il vit toujours dans mon coeur. Etre Libanais, c'est l'être dans son coeur et dans son âme, dans ses paroles et dans ses actes. Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    14 h 41, le 17 novembre 2011

  • Anastase...le Liban d'autrefois est mort et enterré...regerde à qui ressemble le Liban aujourd'hui!!!PLus de rue de Phénicie,plus de chez Léon,plus de Green,plus de Bahri,plus de Chouhada,plus de Debbas,plus d'Acapulco de Saint Simon et de Saint Michel,plus de côte verdoyante couverte de bananiers et d'orangers,plus de Baalbeck,colonnes mises à part,plus de Admiral's club....du béton et des ordures partout,même à la montagne,des restos et des boîtes de nuit mégalomaniaques,pleins de bruit et de fureur...quelques endroits ont échappé par miracle au massacre...mais je ne les dis pas,ce serait comme les dénoncer à l'appétit vorace et conjoint des promoteurs et des fous de Dieu(mais lequel?)...le nouveau Liban,c'est d'abord dans les coeurs qu'il doit être construit,et désolé les gars,je ne veux surtout pas qu'il ressemble à Monaco,Dubaï,Hong Kong ou la Suisse...juste au Liban!

    GEDEON Christian

    12 h 49, le 17 novembre 2011

  • L'OLJ nous a gâté aujourd'hui de 2 articles faits par des journalistes de terrain, sans fards ni artifices. Il est trop tôt pour juger l'histoire, les islamistes ont le vent en poupe et tout le monde s'en accomode à présent, la pire des critiques c'est de dire laissons faire et si ça ne plait pas on change, on se résigne à croire à une démocratisation de la sharia, si c'est la vox populi, fallait il remuer ciel et terre et faire tourner la planète des singes que nous sommes, pour ne pas se dire mais pourquoi seulement maintenant ? Les élections libres ayant porté au pouvoir des islamistes ont eu lieu il y a 20 ans en Algérie et 10 ans en palestine pourquoi y a t'il eu guerre atroce, terrorisme et effondrement économique mondial pour réaliser que dans le fond ces partis sont fréquentables. La réponse à cette question pourra sûrement nous éclairer sur le présent et déterminer l'avenir.Espérons qu'un accompagnement tangible vienne calmer les esprits qui se retourneront et diront à la face d'israel, que vas tu faire de ton racisme de ton appartheid de ton crime que tu caches sous le tapis ? Au moment d'envoyer cette réaction, je déroule et lis que les pretres catholiques d'orient et le parlement européen demandent une reconnaissance d'un état palestinien, comme si Le tout Puissant avait exaucer ma prière.En exhaussant ma requête.

    Jaber Kamel

    10 h 00, le 17 novembre 2011

  • Et j'ajouterai Christian : le Liban... d'autrefois. Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    09 h 39, le 17 novembre 2011

  • Cher Pierre...et si le Liban redevenait simplement ....le Liban!

    GEDEON Christian

    07 h 33, le 17 novembre 2011

  • Ils basculeront tous dans "le monde des barbus et des femmes-ombres" et spoliées. L'Iran a fait idem. Aujourd'hui, je puis vous assurer, de par mes activités professionnelles, que la majorité écrasante des Iraniens et Iraniennes ne veulent plus entendre parler de Mollahs et de république Islamique. L'Iran a donc essayé le système et regretté. Bientôt son statut changera aussi mais cette fois dans le bon sens bien que le processus va prendre son temps tout comme en Syrie. Tous les peuples passent par une période trouble et difficile après une révolution mais a terme ils surmonte la crise et finissent par faire les bons choix. Patience et le Liban redeviendra et le Paris et la Suisse et le Hong Kong du Moyen Orient! Qui vivra verra!

    Pierre Hadjigeorgiou

    05 h 16, le 17 novembre 2011

  • M Merville termine son article par l'évocation de "la place de l'Egypte sur la scène régionale qui est à la mesure de sa géographie et de son histoire, la répercussion certaine sur les pays "frères" des bouleversements qui ont accompagné sa révolution et l'accompagnement avec beaucoup d'attention par Washington de ses premiers pas sur le long chemin de la démocratie". Tout au long de son analyse perspicace le lecteur voit clairement que ce sont les Frères musulmans et les salafistes qui seront victorieux aux élections. Si le Liban n'était pas de cette géographie (que je qualifie toujours de maudite) du Proche-Orient, j'en serais bien content et je dirais "bien fait" pour Israel et les fascistes aveugles qui le gouvernent, qui ont toujours refusé et refusent criminellement la paix, ainsi que pour Washington qui se soumet aveuglément et inconditionnllement à la volonté d'Israel. J'invite M Merville à offrir aux lecteurs une analyse sur le rôle et l'influence de la politique d'Israel et de son protecteur incorrigible sur cette issue en Egypte, soit le basculement de ce pays dans les mains des islamistes.

    Halim Abou Chacra

    04 h 51, le 17 novembre 2011

  • On peut ésperer,contre tout espoirje que les Egyptiens nous étonneront...il n'en sera probablement rien...et le plus peuplé des pays "arabes" basculera dans le monde des barbus et des femmes-ombre.Irons-t-ils jusqu'à démolir le Sphinx?Et qu'adviendra-t-il des Coptes?J'ai encore du mal à y croire!

    GEDEON Christian

    20 h 27, le 16 novembre 2011

  • Analyse juste et objective, Monsieur Christian Merville. On a réveillé, dans chaque pays, de tous ces prétendus printemps arabes, zébrés de tonnerres et d'orages, l'hydre de Lerne. Les Hercules disparus : Ben Ali, Ghaddafi, Moubarak, et bientôt Ali Saleh et Bashar Assad, et je ne sais qui d'autres suivront, ne seraient plus là pour l'étouffer. Ses multiples têtes, poussant à profusion, avaleront, dans tous les pays, le vert, le frais et le décrépit. Même ceux qui l'ont réveillé en seront effrayés et menacés, un jour. Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    19 h 02, le 16 novembre 2011

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