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Moyen Orient et Monde - Le billet

Le monde suspendu à une tragédie grecque

« Ce qui compte, c’est de limiter la casse, limiter les dégâts. »
Yves Leterme, Premier ministre belge

 

Athènes. Georges pense à son père, ancien Premier ministre (deux fois), et à son grand-père, ancien Premier ministre (deux fois). Georges pense aussi aux temps bénis où il déambulait sur les campus de Harvard et de Stockholm, chercheur respecté par des étudiants boutonneux et des jeunes filles en fleur.
Pourquoi diable a-t-il fallu qu’il s’inscrive dans la lignée des mâles de la famille ? Et en temps de crise de surcroît. Encore une histoire d’Œdipe mal géré.
Enfin, l’affaire ne devrait plus trop s’éterniser maintenant. Fou le nombre de personnes qui rêvent de le voir sauter en ce moment. Il se demande s’ils seront aussi nombreux à vouloir son siège si électrique en ces temps de crise.
Georges est fatigué. Grosse fatigue. Il a mis son téléphone en mode silencieux. Il se demande comment il va actualiser son CV.

Paris. Nicolas s’emmêle les doigts dans les languettes autocollantes de la couche de Giulia. Ce n’est pourtant pas le premier bébé qu’il lange. C’est le quatrième. Et pourtant, ce matin, ça ne veut pas. Il s’énerve. « C’est la faute à Georges. P..., ils font ch... ces Grecs », marmonne Nicolas. Un tic nerveux lui soulève l’épaule droite. Carla s’approche et murmure : « Mon mari chéri, laisse tomber la couche et va t’occuper de tes Grecs. » Il lui sourit, l’embrasse, lui dit qu’elle a raison et qu’il va appeler Angela.

Berlin. Angela regarde son mari. Ce matin, il a décidé de lui préparer personnellement son petit déjeuner. Elle le regarde étaler du fromage blanc sur un pain noir. Il se retourne et lui sourit. Il ne fait pas de remarque sur les cernes qui s’étirent sous les yeux de sa femme. Angela regarde sa montre. Dans cinq minutes, elle devra quitter cette cuisine, son mari, et s’attaquer aux boulettes de ce sacré Georges. Elle ferme les yeux, inspire. Au moment où son mari lui tend sa tartine, elle sent la main froide de son assistante sur son épaule. Nicolas est en attente sur la ligne 1.

Milan. Lolita aurait aimé dormir quelques heures de plus. Impossible avec tout le barouf autour du lit. Et Ruby qui lui avait dit que Silvio était plutôt du genre grasse matinée. Qu’est-ce qu’il a à insulter les Grecs ce matin ? Elle ouvre un œil. Silvio, son cellulaire vissé à l’oreille, fait les cent pas devant le lit. « C’est qui cette Angela à qui il parle ? se demande Lolita. Et il lui fait promesse sur promesse en plus ! »
Lolita se redresse sur ses coudes. Aurait-elle déjà été remplacée ?
Perdue pour perdue, elle essaie de grappiller des bribes de conversation. Ça pourrait donner quelque chose à vendre aux tabloïds, histoire de mettre du beurre dans les épinards quand ses services ne seront plus requis.
Mais Lolita déchante rapidement. Silvio ne parle que de chiffres. Elle se laisse retomber dans les draps en satin noir. Avant de se rendormir, elle essaie de se figurer ce que représentent 1 900 milliards d’euros de dette.

Madrid. Juan s’envoie une gorgée de Blue Label. Il aurait dû être peintre en bâtiment. Voilà ce qu’il aurait dû être. Ou gigolo. Ou taxidermiste. Tout sauf trader. Oui, il a eu de bons moments. L’écran géant devant lequel il est avachi en témoigne. Mais le stress, il n’en peut plus. Jean renifle sa ligne de coke. 4 %... 4 % de chute aujourd’hui. Et le pire, c’est qu’il n’est pas le plus à plaindre. Hans, à Francfort, s’est pris un -5 %. Idem pour Jean, à Paris.
Quatre ans que Juan joue au yoyo au rythme des marchés et des crises. Quatre ans qu’il voit le regard des gens virer au dégoût quand il avoue son métier. Incarnation du mal, il n’a pas les épaules pour ça.
Il a envie d’appeler Hans. Il hésite, il renonce. On ne geint pas entre traders.

Chicago. Tom est énervé. Lui, la Grèce, il ne sait même pas où c’est sur la carte. Alors, il aimerait qu’on lui explique pourquoi, quand un péquenot grec prend une décision visiblement complètement conne, lui Tom, fermier américain n’ayant jamais mis les pieds en Grèce, se retrouve dans la panade. Oui, la panade, parce que, au rythme où les cours du blé et du maïs se cassent la figure, Noël s’annonce morose à la ferme.

Pékin. Jintao se frotte les mains. Ces Européens, aucune discipline. Je t’annonce un accord, je le célèbre, je me vante ici, je me gausse là, je disserte, digresse, dissèque, je me jette des fleurs et, cinq jours plus tard, tout s’effondre. Retour à la case départ. Aucune discipline ! Jintao sourit. Il regarde son téléphone et se demande quelles conditions il balancera à Nicolas, car il va finir par appeler Nicolas, en contrepartie du soutien chinois à cette foireuse économie européenne.

Beyrouth. « Dobry den, nazdraví, dobrou chut... » Une cigarette entre les doigts, Dima ânonne. Dans trois jours, elle voyage à Prague. Elle vient de recevoir, sur son cellulaire, un message avec les derniers cours de l’euro. Elle sourit. Avec un peu de chance, la dégringolade va continuer, et elle va pouvoir se les offrir, ses quatre nuits dans un cinq-étoiles.

« Ce qui compte, c’est de limiter la casse, limiter les dégâts. »Yves Leterme, Premier ministre belge
 
Athènes. Georges pense à son père, ancien Premier ministre (deux fois), et à son grand-père, ancien Premier ministre (deux fois). Georges pense aussi aux temps bénis où il déambulait sur les campus de Harvard et de Stockholm, chercheur respecté par des étudiants boutonneux et...
commentaires (4)

Avez vous remarqué que l'annonce d'un référendum fait hautement démocratique du berceau de la démocratie, fait chuter la bourse, et dans l'heure, l'idée de l'abandonner fait remonter la bourse. Les spéculateurs seraient ils anti démocratiques, je ne crois pas car quand merkel interroge sa bundesbank ou son parlement avant toute décision, le monde patiente et ne panique pas.Et dans la fable de Tasso, la morale est selon que l'on soit manant ou seigneur, on vous jugera différemment pour des faits identiques.Voilà le monde qu'on veut vous offrir, la raison du plus fort qui trouve toujours preneur chez certains.

Jaber Kamel

08 h 06, le 04 novembre 2011

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Commentaires (4)

  • Avez vous remarqué que l'annonce d'un référendum fait hautement démocratique du berceau de la démocratie, fait chuter la bourse, et dans l'heure, l'idée de l'abandonner fait remonter la bourse. Les spéculateurs seraient ils anti démocratiques, je ne crois pas car quand merkel interroge sa bundesbank ou son parlement avant toute décision, le monde patiente et ne panique pas.Et dans la fable de Tasso, la morale est selon que l'on soit manant ou seigneur, on vous jugera différemment pour des faits identiques.Voilà le monde qu'on veut vous offrir, la raison du plus fort qui trouve toujours preneur chez certains.

    Jaber Kamel

    08 h 06, le 04 novembre 2011

  • Super bien vu Anastase,super bien vu....cette soi-disant crise n'est rien de plus qu'une étape sur le chemin de l'asservissement des peuples...crise montée de toutes pièces...un mensonge HENAURME....faites peur,il en restera toujours quelquechose....salauds!

    GEDEON Christian

    07 h 13, le 04 novembre 2011

  • La Grèce représente le 1 à 2 pour cent de l'économie des pays Européens de la zone du Euro. Allez comprenez comment ce petit pays, malgré ses dettes énormes, peut faire sauter l'économie Européenne avant, puis mondiale ensuite. Les Européens ont besoin d'un bouc émissaire sur qui charger toutes leurs fautes et conneries, pour crier à la fin : Haro sur le baudet ! Savez-vous que la France a une dette de 1700 billions de euros. L'Italie pire. Et tous les pays de la zone euro de même. La Grèce ressemble à l'âne de la fable de Lafontaine dans " LES ANIMAUS ATTEINT DE PESTE"qui fut déclaré coupable de la maladie de tous les animaux, car il avait brouté un peu d'herbe au seuil d'un monastère. L'iniquité des grands... Anastase Tsiris

    Anastase Tsiris

    06 h 49, le 04 novembre 2011

  • Une véritable bouffée d'air frais votre billet hebdomadaire. L'art de mettre avec finesse et sel, le doigt sur la plaie. Et ça plaît. Ouiiiille!

    Tina Chamoun

    04 h 47, le 04 novembre 2011

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