Ce type d’abus est un problème en plein essor, les adolescents étant quasi tous munis de Smartphones et prompts à utiliser Internet et les réseaux sociaux pour partager leurs expériences. « Il n’y a pas besoin de beaucoup de personnes qui envoient ces images pour qu’elles soient au final largement partagées », note Amanda Lenhart, directrice de recherches sur les jeunes et les technologies au centre Pew. Selon une récente étude de cet institut de recherche, un Américain sur six âgé entre 12 et 17 ans a reçu des photos ou vidéos exposant la nudité ou quasi nudité d’une de ses connaissances. Ce chiffre grimpe à un tiers parmi les jeunes de 16-17 ans. Et les filles sont principalement l’objet de ces images. « On s’occupe de filles de 16, 17, ou 18 ans, qui nous disent : “Je pense au suicide, je ne peux pas supprimer ces photos de ce site” », raconte James McGibney, fondateur de Bullyville.com, un site d’aide aux victimes de bizutage et autres formes d’humiliation publique.
« Angoisse profonde »
La victime de « cyberbizutage » peut être prise au piège dans les traces laissées sur Internet, indique Amanda Lenhart. « Avant, un dérapage à une soirée aurait été connu de peu de personnes, ça pouvait être étouffé, on s’excusait et la vie continuait », dit-elle. Mais « maintenant, cela peut être difficile d’échapper à son passé ». Et particulièrement lorsque ce passé éveille des rumeurs dans tout le village. « Il peut y avoir de sérieuses conséquences aux cas les plus graves qui mêlent à la fois victimisation sexuelle et en plus de ça partage des images », observe Patti Agatston, auteure de Cyber Bullying : bullying in the digital age (« Cyberbizutage : le bizutage à l’ère du numérique »). Cette experte évoque les dégâts « psychologiques » de ces humiliations en ligne, qui peuvent être la source d’une « angoisse profonde » et de « troubles de stress post-traumatique ».
En même temps, l’avantage de telles traces est qu’elles constituent – en cas de « dérapage » criminel – une série de preuves facilitant le travail de l’accusation, comme dans le cas du procès de Steubenville. Comme dans nombre d’affaires de viol, l’accusation a pour tâche délicate de prouver les dires de la victime. Se basant entre autres sur les images, la procureure Marianne Hemmeter a argué que la jeune fille avait été utilisée comme un « jouet » par les deux garçons, au terme d’une soirée très arrosée. La défense rétorque que la jeune fille, même ivre, était consentante. Ces affaires constituent de plus en plus une matière d’enquête pour la police, qui s’est penchée sur quelque 3 500 cas d’images sexuelles produites par des jeunes en 2008 et 2009, selon le Crimes Against Children Research Center. Dans près de deux tiers des cas (63 %), elles étaient partagées via téléphones portables, sans aller jusqu’à atteindre la toile.
(Source : AFP)