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Lifestyle - Gastronomie

La table irakienne renoue avec sa vieille maîtresse, la carpe grillée

Le masgouf est à la portée de tous grâce à la pisciculture.

Symbole de la convivialité à l’irakienne, le « masgouf » fait son grand retour dans les assiettes du pays. Ali Am-Saadi/AFP

Abou Chahad plonge les doigts dans les entrailles d’une carpe grillée, un « masgouf » à peine sorti des flammes. Abou Chahad fond. Ses quatre amis approuvent. Symbole de la convivialité à l’irakienne, le «masgouf» fait son grand retour dans les assiettes du pays.
«Ce poisson fait partie du patrimoine bagdadi. Quand nous venons ici, nous sommes totalement détendus», s’enthousiasme Abou Chahad, attablé avec ses amis au restaurant Khadra, dans le quartier de Qrayyat du nord de Bagdad. Les volutes des narguilés se mélangent au fumet des carpes grillées. Une coupure d’électricité, un hors-bord qui pétarade sur le Tigre et Abou Chahad reprend: «Ce soir, nous sommes les invités d’Abou Mouhanned. Il était gravement malade, mais il s’est remis et nous lui avons un peu forcé la main pour qu’il nous invite à manger un masgouf.»
Impensable il y a quelques années encore en raison du conflit, cette scène se reproduit aujourd’hui à l’envi dans les restaurants de la capitale. Les attentats continuent de secouer Bagdad, mais la vie nocturne reprend timidement. Et Hachim Mourchid, copropriétaire du Khadra, se frotte les mains. «À l’époque des violences confessionnelles (2006-2008), nous ne servions que dix poissons par jour. Aujourd’hui, nous en servons une centaine», confie-t-il.
À leur arrivée, les clients choisissent leur carpe dans un bassin. Le poisson est tué d’un coup sec à la tête puis coupé en deux et assaisonné, au choix, avec des oignons, des épices ou de la sauce tomate. La carpe est ensuite calée sur une grille et placée face à une fosse remplie de braises. Au Khadra, le masgouf est facturé environ 40000 dinars (33 dollars), un luxe pour la plupart des Irakiens.
Reste l’option moins onéreuse de cuisiner chez soi, comme le fait Oum Ahmad. Sur le marché aux poissons de Chawaka, au cœur de Bagdad, la vieille dame traîne son sourire d’une tristesse infinie. «Je cuis le masgouf dans un tanour, un four en céramique, raconte-t-elle. Je cuisine le poisson en mémoire de mon fils et de mon mari. Ils sont morts dans un attentat il y a trois ans, pendant la prière du vendredi.» Son masgouf, Oum Ahmad le partage avec sa famille et ses amis. «Je viens ici parce que le poisson y est moins cher», soupire-t-elle. Harith Faraj, le vendeur, acquiesce. D’un geste, il chasse une grappe de mouches agglutinées sur une carpe. «Le kilo coûte 6500 dinars, environ 5 dollars, déclare-t-il. Aujourd’hui, la carpe est à la portée de tous. Il y a quelques années encore, elle coûtait très cher.»
Le poisson est même moins cher que la viande, devenue un mets rare sur les tables irakiennes. La clef de ce succès réside en partie dans l’essor des fermes piscicoles. La pisciculture est venue supplanter l’offre que le Tigre et l’Euphrate ne pouvaient plus fournir en raison de l’assèchement des marais de Mésopotamie sous Saddam Hussein. À cela se sont ajoutés les barrages construits par la Turquie, où le Tigre et l’Euphrate prennent leur source, pour l’irrigation de ses terres agricoles et pour ses centrales hydroélectriques. Au détour des ruines de Babylone, à 100 km au sud de Bagdad, se niche l’Euphrates Fish Farm, «plus grande ferme piscicole du Moyen-Orient », s’enorgueillit son patron, Khudeir Abbas al-Imarah. Carpe commune, carpe des roseaux, carpe argentée: la ferme a produit 1500 tonnes de poissons l’an dernier, alors qu’elle se contentait de 800 tonnes avant la chute de Saddam Hussein en 2003. De quoi «remettre le masgouf sur les tables irakiennes», souligne M. Imarah. Un coup de main de l’Agence américaine pour le développement international (Usaid) et la décrue des violences ont permis à cet empire de la carpe de se hisser au plus haut niveau.
À l’époque où les violences faisaient plus d’un millier de morts par mois, «nous dépensions beaucoup d’argent pour la sécurité. C’était de l’argent en moins pour nos investissements. Sur les routes, nos camions étaient exposés au terrorisme, mais la situation a commencé à se stabiliser à partir de 2008», explique M. Imarah. Un point de vente a même été aménagé à l’entrée de la ferme. Dans trois bassins, des carpes barbotent, en attendant d’être choisies par les clients. Ahmad est venu avec son jeune fils acheter quatre carpes. «C’est une tradition chez nous, tous les mercredis nous mangeons du masgouf. Grâce à Dieu, ça va un peu mieux maintenant en Irak (...). Ce soir, nous serons douze à table», sourit-il.
(Source : AFP)
Abou Chahad plonge les doigts dans les entrailles d’une carpe grillée, un « masgouf » à peine sorti des flammes. Abou Chahad fond. Ses quatre amis approuvent. Symbole de la convivialité à l’irakienne, le «masgouf» fait son grand retour dans les assiettes du pays.«Ce poisson fait partie du patrimoine bagdadi. Quand nous venons ici, nous sommes totalement détendus»,...

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