Rechercher
Rechercher

Culture - Spectacle

Sexe en tête...

Pour l’inauguration du petit espace baptisé Studio au théâtre Babel, Lina Abiad joue les coquines. À l’affiche, une pièce en arabe courant, « Habibti rjaii 3al-takht ».

Combat du lit pour se déshiniber...

À travers un rêve, le sexe dans tous ses états: investigations et exercices de lit! Comédie légère plus amusante que provocante. «Habibti rjaii 3al-takht» (Chérie reviens au lit) est une pièce traduite du dramaturge new-yorkais Greg Kallares.
Quatre matelas à même le sol, pour la dimension de deux lits doubles accolés en rectangle, avec draps blancs chiffonnés, font l’aire scénique. Tout autour, des rangées de chaises en plastique. Le spectacle est au cœur du public, comme une joute sexuelle royale au grand siècle...
Un couple tête-bêche, portant un même pyjama, est dans les bras de Morphée. Brusquement, la jeune femme se réveille en sursaut et lance à son conjoint: «Je ne t’aime plus.» Et lui, pâteux, de réagir comme toute personne dérangée dans son sommeil: «Mais comment ça tu ne m’aimes plus?» Terreur, bilan, liquéfaction, déséquilibre, murmures, tremblements, hantise et obsession...
Et s’enclenche une explication-corrida faite d’humour, d’humeurs, de renversements de situations, de réveils du désir, de titillements de la libido et de la carte du tendre, de tâtonnements pour tester le plaisir, de griefs soigneusement camouflés mais qui remontent en surface, de jalousie maquillée en bienveillance, de souvenirs refoulés et dont on n’a jamais porté le deuil, de non-dits enterrés mais qui refusent de mourir.
Bref, dans ce soudain branle-bas chez un couple qui sonde la profondeur de son attachement l’un à l’autre, malgré la bénédiction d’un enfant adoré et sans nul doute adorable, c’est le grand déballage et le grand ménage. Déballage et ménage pour retrouver ou ne pas perdre l’amour.
Alors, dans cette bulle onirique qui semble coller à la réalité, pour ce duel à fleurets mouchetés, Jad et Lina (ré)inventent les jeux de l’alcôve et de l’amour. Jeux des mains, de l’esprit, des propos, des corps et du cœur pour débusquer l’envers du décor et voir clair. Clair dans le dédale des sentiments comme brusquement cachés ou assombris par un nuage.
Sexe en tête, seule boussole pour remettre les aiguilles à l’heure, ils affrontent fantasmes, fantaisies affectives, volonté d’éviter la rupture et surtout l’angoisse de tout échec sentimental. Le lit, lieu de mésentente ou de réconciliation, de malheur ou de bonheur, est un ring, une arène. Combat certes ludique, mais qui pourrait quand même être fatal.
Alors les positions trapèzes et jongleries du Kama-sutra sont vite appelées à la rescousse. Rescousse pour une flamme qui vacille. Après sept ans de conjugalité, toujours guettés par la routine et la lassitude, il est bon de raviver la passion, de passer un coup d’éventail sur un âtre qui paresse.
Pour cette comédie à deux, prestement enlevée, gentiment impertinente sans jamais être impudique, le ton pour la gaudriole est toujours inventif (avec toutefois certaines redondances!), badin et sans grossièreté. Même si quelques mots, pour s’accoupler sans fards, comme «baiser» et «niquer» (il y en d’autres aussi!), affleurent avec un savoureux naturel les lèvres des acteurs. Avec de petits écarts de langage, certes salaces, qui pimentent un texte à la tessiture nerveuse et toujours aux abords de l’orgasme et de l’éjaculation, tous les deux en panne... Mais on ne tombe jamais non plus dans les canailleries verbales qui émoustillent ou cravachent les pulsions assoupies.
Des acteurs (Sahar Assaf et Élie Youssef) qui se renvoient la balle avec doigté, comme pour un match de ping-pong ou de tennis bien huilé, habilement orchestré ou chorégraphié. Quand le fou rire ne les saisit pas autant que les spectateurs qui se bidonnent sur leurs sièges... Car faire le sexe est une chose et le voir ainsi radiographié, scanné, à la fois culpabilisé et libéré, en est une autre ! Et bien comique dans sa dérision, sa caricature, sa maladresse et son ironie.
N’allez pas vous gourer, il n’y a là pas l’ombre ou le soupçon d’une vulgarité ou d’une verdeur choquante. Lina Abiad a suffisamment de tact, de finesse et de métier pour contourner les écueils scabreux ou grivois et ne laisser dans l’atmosphère que ce qui est convenable, drôle, déluré. Sa mise en scène, tout en étant simple et claire, est pétulante, pétaradante. Mais il aurait fallu penser peut-être à ces spectateurs pris dans l’angle de dos des acteurs. Et dont ils ne voient ni la gestuelle ni les expressions de visage et n’entendent parfois même pas les nuances de leurs répliques.
Mais qu’à cela ne tienne, loin de toutes les noirceurs de notre quotidien, voilà un mauvais rêve (car c’en était un et c’est monsieur qui en a fait les frais!) qui, en toute charmante et pétillante audace, nous fait bien marrer. On rit de la grandeur et de la misère de notre libido souvent coincée, souvent en manque d’imagination, souvent ronronnant platement de routine en habitude... Elle est révélée ici, en tout courage et sans crainte du paradoxe et du vide, par notre inconscient qui lui ne dort jamais!
Pour conclure, il est tentant de rappeler que les moralistes, qui disent aux hommes «réprimez vos passions et maîtrisez vos désirs si vous voulez être heureux», ne connaissent pas le chemin du bonheur... Mais en ce siècle de laxisme compulsif et de perte de repères, y a-t-il encore des moralistes ?
À travers un rêve, le sexe dans tous ses états: investigations et exercices de lit! Comédie légère plus amusante que provocante. «Habibti rjaii 3al-takht» (Chérie reviens au lit) est une pièce traduite du dramaturge new-yorkais Greg Kallares.Quatre matelas à même le sol, pour la dimension de deux lits doubles accolés en rectangle, avec draps blancs chiffonnés, font...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut