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Culture - Rencontre

Ribal Molaeb, un très jeune altiste déjà haut de gamme...

Dix-neuf printemps et l’alto niché au creux du cou. De Vienne à Beyrouth, parcours tout en clarté de Ribal Molaeb, un jeune musicien, fils du peintre Jamil Molaeb. Bon sang ne saurait mentir...

Ribal Molaeb, encore aux abords de l’adolescence et déjà la volonté d’entrer dans la cour des grands...

Une silhouette filiforme, les traits fins d’un personnage gracile des peintres du quattrocento et des cheveux noirs ondulés, à la Samson, jusqu’aux épaules. Ribal (prénom désignant en arabe le plus fort des lionceaux et choisi en hommage à la Petra des frères Rahbani où chante Feyrouz) Molaeb est de ces vacanciers libanais qui offrent leur talent à la mère patrie, en toute générosité et fierté.
À son actif, pour ce mois de septembre, trois concerts. De l’Université de Balamand à celle de l’USEK, en passant par l’église Saint-Maron de Gemmayzé, sa viole, à travers des partitions de musique romantique, classique et contemporaine, a chanté la vie, l’espoir, le rêve, la liberté. Et aussi, pour un moment d’évasion et de création, improvisations sur son alto pour accompagner une pièce de théâtre (Ouridou an akhtar maouti - Je veux choisir ma mort) donnée à l’hôtel Kassouf* à Dhour Choueir d’Adham Dimachkié, un élève de Mounir Abou Debs.
Pour ce jeune homme qui vit actuellement à Vienne et ferraille encore avec des rudiments de langue allemande («La vie est trop courte pour apprendre la langue de Goethe», dit-il dans un éclat de rire comme pour s’excuser de ses balbutiements germaniques!), la musique a été un appel péremptoire. Petites confidences d’un garçon encore aux abords de l’adolescence et de ses rêves fougueux, mais d’un musicien qui veut entrer dans la cour des grands...
«Mon grand-père, mort pourtant il y a trente ans, est le point de départ de mon histoire avec la musique, confie-t-il. Il était un clarinettiste de talent et c’est lui qui a introduit la musique au Mont-Liban. La société a eu raison de ses ambitions musicales car à l’époque la musique était déconsidérée et chose pas sérieuse. Aujourd’hui je suis ce qu’il n’a pu être: un musicien, un interprète! Au sens accompli et propre du terme. Puis il ne faut pas l’oublier, mon père est peintre et j’ai grandi parmi les couleurs. Et les couleurs ressemblent beaucoup à la
musique...»
Tout a commencé à l’âge de six ans. Ribal ambitionnait un monde d’artiste et avait déjà le goût précoce des sons du violon. Il entre au Conservatoire national supérieur de musique de Beyrouth et travaille sous la férule d’Antranik Karajian et Anis Hawi. La musique classique autant que la musique arabe le séduisent. À douze ans, il regarde du côté de l’alto et découvre que sa voix ressemble à celle des hommes. Et puis, détail physique essentiel, il parle de ses mains. «Regardez mes mains comme elles sont grandes, dit-il en présentant ses dix doigts grands ouverts dans l’air. Ces mains sont faites pour jouer de la viole.»
C’est alors que Samir Ammouni le prend sous son aile et lui offre le meilleur alto de sa collection. Un alto tchèque de cent ans d’âge fait par un luthier anonyme. Précieux instrument qui ne le quitte jamais, pas plus hier qu’aujourd’hui...
À dix-sept ans, Ribal Molaeb décide de partir pour Vienne où, dit-il, «flottent les esprits de Beethoven, Mozart, Chopin et Strauss» et travaille sous la férule des maestros Thomas Riebl et Thomas Silditz. Passage obligé aussi à Salzbourg et séjour au prestigieux Mozarteum. Mais le talent est vite flairé et c’est Daniel Barenboïm qui l’engage dans son orchestre West-Eastern Divan (orchestre fondé aussi grâce à l’initiative d’Edward Said) qui groupe la fine fleur des instrumentalistes de la jeunesse orientale et occidentale, avec tournées en Europe et au Moyen-Orient.
Pour son bon plaisir, pour se faire toujours la main et pour se détendre, il joue aussi dans des petites boîtes viennoises où, entre un verre de vin ou d’arack, on est emporté vers des rives lointaines fleurant des airs du folklore arabe, libanais, arménien...
Fervent admirateur de l’altiste Yuri Bashmet et du violoniste Claude Chalhoub, Ribal Molaeb souligne que l’alto est un instrument de musique de chambre et n’est pas voué au star-system d’un soliste. Par ailleurs, ce patriote mordu au cœur par le pays du Cèdre aimerait interpréter des œuvres de compositeurs libanais (Houtaf Khoury, par exemple) et aimerait révéler plus en profondeur la musique, à travers une institution académique qu’il fonderait à Baissour...
Féru de Wadih el-Safi, Zaki Nassif et des Rahbani, il n’en est pas moins lecteur de Platon et d’Aristote tout en découvrant aujourd’hui Nietzsche. En attendant, il rêve d’avoir sa place peut-être au sein du Philharmonique de Vienne en tant qu’instrumentiste, révise en toute passion ses partitions de Hindemith, Rubinstein, Loch et Rebecca Clark, peaufine son coup d’archet comme on aiguise ses armes pour une compétition internationale d’alto et se prépare à jouer, très prochainement, au Qatar, le Concerto arabe pour viole de Moufid Nehmé.
Voilà une jeunesse loin d’avoir la gloire qui lui monte à la tête et surtout loin de perdre son temps...

* La pièce d’Adham Dimachkié se donne aujourd’hui, mardi 11, et demain, mercredi 12 septembre.
Une silhouette filiforme, les traits fins d’un personnage gracile des peintres du quattrocento et des cheveux noirs ondulés, à la Samson, jusqu’aux épaules. Ribal (prénom désignant en arabe le plus fort des lionceaux et choisi en hommage à la Petra des frères Rahbani où chante Feyrouz) Molaeb est de ces vacanciers libanais qui offrent leur talent à la mère patrie, en toute...

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