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Moyen Orient et Monde - Le point

Les fleuves aussi bougent

Jugée anodine, l’information n’a pas eu les honneurs des colonnes des médias écrits, encore moins l’ouverture des journaux audiovisuels. Et pourtant... Elle évoquait l’autre jour une décision prise par la Belgique de « rétrécir son territoire de 14 hectares, qu’elle va céder aux Pays-Bas dans le cadre du règlement d’un vieux contentieux frontalier lié aux changements du lit de la Meuse ». Ainsi seront rectifiées entre les deux pays voisins les frontières fixées par un traité remontant à 1843. Or, depuis, le lit du fleuve a bougé à la suite de travaux menés dans les années soixante. Pour solde de tout compte, précise la dépêche, un bandeau de terre, en amont du fleuve, sera octroyé à Bruxelles.
Ouf ! On aura donc frôlé sans s’en rendre compte l’incident diplomatique sinon le casus belli, une plus terrifiante variante de l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand ou encore de la dépêche d’Ems. Mais les sages veillaient, qui ont évité aux deux pays, au monde peut-être, le pire qui aurait, qui sait, débordé pour se transformer en conflagration mondiale. L’histoire a connu des incidents plutôt bénins qui ont servi d’étincelle à des boucheries.
Mais est loin le temps où la « drôle de guerre » commençait sur l’air de l’« on ira pendre notre linge sur la ligne Siegfried », où Ossètes et Azéris s’étripaient, où l’on s’endormait yougoslave pour se réveiller serbe, croate, bosniaque, macédonien. À ce propos, le signataire de ces lignes a souvenance, dans les années quatre-vingt-dix, d’un reçu pour un achat effectué en zone franche de l’aéroport d’Athènes, ponctué par cette mention rageuse : « Macedonia is Greek ! » Aujourd’hui, pour peu que l’on suive l’exemple du plat pays et du pays des canaux (et des tulipes !), il suffit d’en appeler à des géographes pour désamorcer une crise naissante.
Réflexion faite, peut-être bien que l’affaire belgo-néerlandaise ne méritait-elle pas quelques lignes en bas d’une page intérieure s’agissant de deux États appartenant à une espèce en voie d’extinction qui a dépassé depuis longtemps le stade des expéditions guerrières pour un lopin de terre. Au XXIe siècle, on ne brandit plus la menace de l’apocalypse, qu’elle soit nucléaire, chimique ou informatique. Du moins en des contrées situées sur une autre planète, car plus près de nous, on commence par recourir aux armes avant que de parlementer, sans doute pour rester dans le ton Far West (« shoot first »).
On n’est pas près d’oublier que peu de temps avant les printemps arabes tout a débuté par des opérations « coups de poing » : guerre du Golfe 1 et 2, bombardements aériens et/ou navals, lent travail de préparation avec l’aide de ces bienfaiteurs du genre humain que sont les agents de la Central Intelligence Agency – et les (très peu) honorables correspondants venus d’autres pays, ne fâchons personne–, des officiers instructeurs, des diplomates de haut et de moins haut rang... Tout cela, dira-t-on en usant d’un jeu de mots de mauvais goût, est de bonne guerre.
On a connu des motifs moins exaltants pour justifier les interventions dans les affaires d’autrui que la nécessité brusquement réalisée de modifier des frontières, de procéder à des déplacements de population ou de ramener dans le droit chemin des âmes égarées. Après tout, la réunification des deux Yémen était-elle vraiment urgente, les Irakiens ne se sentiraient-ils pas plus à l’aise s’ils étaient divisés par trois, les Bahreïnis par deux et les Syriens par ... un nombre incalculables d’ethnies-confessions ? En poussant un peu plus loin le bouchon, on procéderait à une répartition des citoyens sur base de leurs affinités politiques : dans le cas du pays dont la capitale est Damas mais que nous ne nommerons pas, d’un côté les baassistes, de l’autre les partisans d’un régime démocratiquement élu qui gouvernerait par le peuple et pour le peuple.
Et tant pis pour les minorités qui n’avaient qu’à faire le bon choix. Au fait, quelqu’un nous dira-t-il sur quelles bases se feront les arrangements et suivant quels principes distinguera-t-on le bon grain de l’ivraie ? Car, après tout, n’est-ce pas que Pascal avait raison de noter que « vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà » et d’ironiser : « Plaisante justice qu’une rivière borne » ?
Ce qui nous ramène à cette Meuse aux mœurs bien légères, qui change de lit sans crainte du qu’en-dira-t-on. Le mot de la fin, il appartient au bourgmestre de la commune concernée (les fameux 14 hectares) qui a dit : « À notre époque, si on veut se promener de l’autre côté de la frontière, il n’y a aucun obstacle. » Les refaiseurs de cartes géographiques feraient bien d’en tenir compte.
Jugée anodine, l’information n’a pas eu les honneurs des colonnes des médias écrits, encore moins l’ouverture des journaux audiovisuels. Et pourtant... Elle évoquait l’autre jour une décision prise par la Belgique de « rétrécir son territoire de 14 hectares, qu’elle va céder aux Pays-Bas dans le cadre du règlement d’un vieux contentieux frontalier lié aux...

commentaires (1)

A propos de fleuve ...je n'ai toujours pas de nouvelle du crocodile....?

M.V.

14 h 22, le 12 novembre 2013

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Commentaires (1)

  • A propos de fleuve ...je n'ai toujours pas de nouvelle du crocodile....?

    M.V.

    14 h 22, le 12 novembre 2013

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