Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Commentaire

L’islam et le printemps

Par Michel Rocard

On a beaucoup parlé, l’année dernière et au début de cette année, des « printemps arabes ». En effet, en Tunisie, en Égypte et en Libye, des manifestations de rues, très peu sinon pas du tout préparées, avaient provoqué la chute de trois anciennes dictatures fatiguées. L’exigence de démocratie était manifeste mais nul ne savait quelles forces, quelles institutions, ni quelles procédures allaient y pourvoir. L’espoir cependant était très fort, tellement l’événement était nouveau, imprévisible et puissant.


Ce qui s’est passé depuis montre bien ce que tout le monde savait, à savoir que rien n’est simple. Si aucun de ces trois pays n’a encore trouvé de solution institutionnelle stable, on n’en a pas moins assisté à une aggravation des tensions. D’autres pays ont connu aussi quelque agitation, Yémen, Qatar. L’Irak confirme son instabilité structurelle. Et les évolutions récentes de puissants pays non arabes de la même grande région, l’Iran et la Turquie, affichent des mouvements qui ne sont pas sans parenté avec ces débuts. En Turquie, la toute-puissance du Premier ministre Erdogan est contestée dans la rue. En Iran, une énorme fraction de la classe moyenne se rallie de manière surprenante mais très responsable et massive au plus modéré des candidats religieux tolérés par le système à la présidence de la République. Même au Maroc, un roi absolu, commandeur des croyants, est obligé de reculer devant l’ampleur d’une colère publique. Tout cela se déroule pendant que continuent en Syrie d’effroyables massacres devant lesquels ni les grandes puissances ni les nations voisines ne savent ni ne veulent intervenir. On en arrive même dans ce dernier pays à ce que la violence se déchaîne entre fractions opposées au régime, parmi lesquelles les islamistes veulent imposer leur loi à tous les autres qui la refusent.


Il y a dans cette annonce d’instabilité générale, durable et redoutable bien des facteurs qui se conjuguent et se mélangent. Il y a d’abord le sous-développement. Si quelques présidents et quelques princes sont riches de leur pétrole, le reste de la population n’en voit pas la couleur. Le peuple a faim. L’aspect émeutes de la pauvreté est clair dans beaucoup de ces événements. Il y a ensuite le refus croissant de la dictature et du pouvoir arbitraire. Dans presque tous ces pays, l’usage en est quasi millénaire. Mais aujourd’hui, même là-bas, tout le monde a la télévision. 

Tout le monde sait que le développement a besoin de la démocratie. La contagion est claire en Iran et en Turquie, elle est déjà évidente en Égypte et en Tunisie, presque aussi claire en Libye. Un facteur commun affecte tous ces conflits et en aggrave l’illisibilité : c’est l’islam. Cette grande religion, pratiquée par près du quart de l’humanité, illustrée dans la communauté internationale par trente nations dont aucune jamais ne s’est dit ni voulue extrémiste – à peine la Libye pour quelques années et depuis plus de vingt ans, à peine l’Iran pendant quelques premières années de sa révolution –, a raté son rendez-vous avec le développement. On ne sort pas de l’économie agraire et sous-développée sans bouleversement des façons de vivre, des mœurs et des relations sociales. Les religions y résistent mal.


En judaïté, faute d’un foyer national, c’est dans la diaspora que s’est faite la rencontre avec le développement. La religion n’y a rien pu et est restée inchangée. La Chine est un exemple fantastique. Devenu religion lui-même pour se protéger, le communisme fut la première victime du développement dès qu’il se confirma. En chrétienté, catholique ou orthodoxe, la religion bloquait tout, et ce sont des réformateurs internes qui ont fait le travail – taux d’intérêt, notion de progrès, acceptation des idées et des techniques modernes. Ce sont les victoires politiques et militaires de ces réformés – Scandinavie, Allemagne, Angleterre, Pays-Bas, États Unis – qui ont permis le développement. L’islam a eu son comptant de réformateurs – que l’on songe seulement à la mission confiée à Rifaa par le sultan Mehmet II vers 1820 –, mais partout sans exception les pouvoirs politiques les ont embastillés, tués ou réduits à l’impuissance.
Civilisation sans usines, l’islam le doit largement à lui-même. Mais il en fut humilié et en partie colonisé. Cette perception fait partie du grand malaise actuel. En proportions importantes le peuple s’éloigne de la religion. Cela est aussi visible en Égypte et en Tunisie qu’en Turquie. Certaines manifestations ne permettent pas le doute à cet égard. 

 

Les institutions religieuses, qu’elles soient cléricatures ou partis politiques, sont dramatiquement divisées entre modérés réformateurs et traditionalistes intransigeants. Or ces peuples sont tous religieux, et profondément. Mais, dans l’incertitude générale, la tradition parle plus fort et plus clair que le changement. La paix dans cette immense région, et donc dans le monde, ne sera préservée que si eux tous, dans leurs turbulences, arrivent à se prémunir contre leurs excès, et si nous, tous les autres, savons comprendre les drames qu’ils vivent – notre réponse à nous avait été la « contre-réforme » et l’inquisition – sans pour autant les condamner en les ostracisant.

© Project Syndicate, 2013.

 

Pour mémoire

Dans l’océan des printemps arabes, seul le Yémen...

 

Hague : La crise au Moyen-Orient pourrait durer des décennies

 

Commentaire

C’est l’autoritarisme qui pose problème, pas l’islam !

Par Michel Rocard On a beaucoup parlé, l’année dernière et au début de cette année, des « printemps arabes ». En effet, en Tunisie, en Égypte et en Libye, des manifestations de rues, très peu sinon pas du tout préparées, avaient provoqué la chute de trois anciennes dictatures fatiguées. L’exigence de démocratie était manifeste mais nul ne savait quelles forces,...

commentaires (3)

anachronismes, comparaisons sans raison,paralléllismes hasardeux,tout le florilège de la "nouvelle histoire",dogmatique,politique qui veut adapter les faits à la théorie. Ineffable orgueil des théoriciens en chambre...c'est du plus haut comique.

GEDEON Christian

13 h 15, le 25 août 2013

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • anachronismes, comparaisons sans raison,paralléllismes hasardeux,tout le florilège de la "nouvelle histoire",dogmatique,politique qui veut adapter les faits à la théorie. Ineffable orgueil des théoriciens en chambre...c'est du plus haut comique.

    GEDEON Christian

    13 h 15, le 25 août 2013

  • OU L'HIVER PLUTÔT !

    SAKR LOUBNAN

    10 h 07, le 25 août 2013

  • Les grands de ce monde, tout comme les petits que nous sommes, aiment à accentuer les différences entre les religions, elles-mêmes présentées comme le facteur suprême qui définit une civilisation. C’est à longueur de journée que l’on nous rabat les oreilles avec des débats tels que « l’Islam est-il compatible avec la démocratie ?», « l’Islam est il progressiste ?». L’Islam est-il ci ? L’Islam est-il ça ? Que de questions qui ne cherchent qu’à réconforter ceux qui les posent dans leur xénophobie. Le problème n’est pas l’Islam. Les pratiques religieuses de toutes les religions sont archaïques, autoritaires, et rétrogrades. Elles prêchent toutes de bonnes valeurs mais sont toutes détournées par des establishments politiques et des institutions cléricales qui y voient un moyen d’aliénation de masse phénoménal… un formidable instrument de pouvoir. Si l’Église avait toujours le même pouvoir qu’au Moyen-Age, l’Europe n’en serait jamais sorti. Que l’on cesse de nous dire que l’Islam a raté son développement. Les autres religions ne se sont pas développées non plus. Ce sont les peuples libérés du carcan clérical qui ont réussi leur développement, pas leurs religions respectives. Aujourd’hui les islamistes sont en difficulté. C’est bon signe. Il n’y a de salut que dans la laïcité la plus stricte.

    Jack Hakim

    06 h 11, le 24 août 2013

Retour en haut