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Moyen Orient et Monde - Le point

Avec le ciel pour limite

Il était une fois une belle princesse...
... Qui s’ennuyait à mourir dans ses innombrables palais, ne voyant rien venir que l’ocre des sables et les tours de la cité. Elle s’en ouvrit à son père qui décida, pour la désennuyer, de lui offrir un hochet. Ce fut la direction des musées du royaume. Las ! Si les murs de ces temples de la culture étaient réels, et les cimaises à venir, il existait bien peu de toiles à y accrocher. Qu’à cela ne tienne, décréta Sa Majesté. Et généreusement il octroya à sa fille une bourse annuelle de un milliard de dollars pour l’acquisition de toiles. Des toiles de maîtres de préférence, précisa-t-il.
Depuis lors (l’on était en l’an 2006), les prix montent, montent dans les grandes salles de vente aux enchères, atteignant des montants à donner le vertige aux commissaires-priseurs et aux manants qui osaient encore rêver d’obtenir pour leur client qui un Francis Bacon, qui un Jeff Koons. Le New York Times qui rapporte la nouvelle (édition du lundi 22 juillet) cite quelques sommes déboursées par cheikha Mayassa bint Hamad al-Thani (sœur du nouvel émir) pour certaines œuvres. Telle, en 2011, la bagatelle de 250 millions versés pour l’achat de l’une des versions des célèbres Joueurs de cartes de Paul Cézanne, soit le quadruple du montant payé pour une œuvre de cet artiste. Ou encore ces 70 millions pour White Center de Rothko, soit plus de trois fois la somme versée pour l’Hommage à Matisse, œuvre la plus chère de ce peintre.
Confidence d’un expert cité par le grand quotidien américain : « Il y aura un vide énorme sur le marché le jour où, leur shopping terminé, ils (les Qataris) décideront de s’en retirer. »
Changement de décor. Il existe sur les bords du Nil un pays où, quatre mille ans avant notre époque, une ère dite des « Suivants d’Horus » avait jeté les bases de la civilisation que nous connaissons de nos jours. En cet an de grâce 2013, la terre des pharaons en est à sa « seconde révolution dans la révolution de 2011 » avec à l’arrière-plan, pour respecter la tradition, une quatrième dynastie de généraux. À ceci près : le grand chamboulement n’affecte pas seulement la classe dirigeante, il touche surtout le peuple dans ce qu’il a de plus fragile, son portefeuille. Avec l’inévitable corollaire, représenté par la démographie. Celle-ci ne galope pas, elle vole à la vitesse mach 3. Ils étaient 4 millions d’Égyptiens au XIXe siècle ; ils sont passés à 44,9 millions en 1980 et à 85 millions cette année. Ils seront 123,5 millions à la moitié du siècle présent. Au XXe siècle, leur chiffre a été multiplié par huit alors que la surface habitable n’a que doublé, 94,5 pour cent du territoire continuant d’être recouvert par le désert. Trente pour cent de la population ont moins de 15 ans et le taux de chômage, 8 pour cent en 1990, a bondi à 12,3 pour cent officiellement, bien davantage depuis la chute de Hosni Moubarak, car chaque année quelque deux millions de personnes arrivent sur un marché déjà saturé, dont 24,8 pour cent sont constitués par des 15-24 ans. Conclusion : on se trouve devant une méga-cocotte-minute susceptible d’exploser à tout moment.
Poussons une pointe en direction de l’Orient de tous les extrêmes. N’en déplaise aux mauvais coucheurs, l’économie chinoise n’est pas sur le point de rendre l’âme, il s’en faut. Peut-être aurait-elle tout juste besoin de quelque répit, histoire de repartir bientôt d’un bon pied. Pour l’heure donc, elle est à la recherche de son second souffle et pour ce faire il lui faut se contenter d’une « modeste » croissance de 7,5 pour cent. Vous avez bien lu. Quand les meilleurs de la classe de la vieille Europe se traînent à 0,3 pour cent, l’empire du Milieu affiche, lui, une insolente santé à faire pâlir de jalousie les néocracks des Brics. Ici, démographie parfaitement contrôlée, néocapitalisme magistralement assimilé, intempestif interventionnisme dédaigné, place donc aux milliards.
Et l’on en arrive à ces chiffres qui affolent les calculatrices. Les milliards qataris, les millions d’humains supplémentaires en terre d’Égypte, les faussement modestes indicateurs de la machine chinoise ne sont que trois manifestations d’un phénomène devenu en un rien de temps, d’une affreuse banalité, celui du gigantisme. Dans le classement Forbes ou Fortune, les millionnaires admettent de se faire oublier. Place aux milliardaires, de préférence à deux chiffres – on trissera bientôt, vous verrez... C’est aussi à coups de milliards que les États injectent les billets dans les secteurs en difficulté, quitte pour cela à recourir à la planche qui les imprime. C’est encore avec des milliards que l’on défait des régimes pour remplacer un tyran par un autre. Et c’est de milliards que l’on se fend pour obtenir le dernier cri en matière de machine de mort.
Notre planète va manquer de ressources, vous serine-t-on. Surtout n’en croyez rien ! Celles de la bêtise, à tout le moins, sont infinies.
Il était une fois une belle princesse...... Qui s’ennuyait à mourir dans ses innombrables palais, ne voyant rien venir que l’ocre des sables et les tours de la cité. Elle s’en ouvrit à son père qui décida, pour la désennuyer, de lui offrir un hochet. Ce fut la direction des musées du royaume. Las ! Si les murs de ces temples de la culture étaient réels, et les cimaises à venir,...
commentaires (3)

Bon d’accord ! On connait la chanson à propos de l’Egypte et de la Chine. Elle a raison la princesse d’investir dans les beaux-arts. Mieux vaut acheter des tableaux d’art que des avions de chasse, après tout quand on aime, on ne compte pas ! N’est-ce pas M. Merville. Elle n’est pas la fille de l’émir qui pour sa collection de chevaux de race, affrète des avions pour leur faire passer l’été au frais dans les haras britanniques, et l’hiver bien sûr à la bonne température dans l’émirat. À chacun ses moyens.

Charles Fayad

15 h 57, le 25 juillet 2013

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Commentaires (3)

  • Bon d’accord ! On connait la chanson à propos de l’Egypte et de la Chine. Elle a raison la princesse d’investir dans les beaux-arts. Mieux vaut acheter des tableaux d’art que des avions de chasse, après tout quand on aime, on ne compte pas ! N’est-ce pas M. Merville. Elle n’est pas la fille de l’émir qui pour sa collection de chevaux de race, affrète des avions pour leur faire passer l’été au frais dans les haras britanniques, et l’hiver bien sûr à la bonne température dans l’émirat. À chacun ses moyens.

    Charles Fayad

    15 h 57, le 25 juillet 2013

  • Suberbe M. Merville! Bravo!

    Michele Aoun

    12 h 29, le 25 juillet 2013

  • J'ai beaucoup aime.

    George Sabat

    05 h 41, le 25 juillet 2013

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