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Lifestyle - Patrimoine

Les trottoirs artistiques de Lisbonne menacés par la rigueur

Les motifs tout en mosaïque de pavés ont souvent un rapport avec la mer, et le promeneur marche ainsi sur des vagues, des ancres, des poissons...

Jorge Duarte, un paveur d’une cinquantaine d’années, taille de petit cubes de calcaire blanc et de basalte noir pour combler les trous des trottoirs de l’avenue de la Liberdade. Patricia de Melo Moreira/AFP

Vagues, cordages, arabesques ou motifs géométriques ornent les trottoirs de Lisbonne : autant d’œuvres d’art en mosaïque qui constituent l’une des images de marque de la capitale, mais qui sont désormais menacées alors que le pays, sous assistance financière, applique de sévères coupes budgétaires.
Sur son petit tabouret en bois, Jorge Duarte, un paveur d’une cinquantaine d’année, répète le même geste, d’une grande précision, à longueur de journée depuis 26 ans. Marteau à la main, il taille de petits cubes de calcaire blanc et de basalte noir pour combler les trous des trottoirs de l’avenue de la Liberdade, la prestigieuse artère du centre de la capitale. La peau hâlée par des années de travail en plein air, Jorge Duarte intègre la vingtaine d’ouvriers de « la brigade de paveurs » de la mairie de Lisbonne, souvent appelés les « orfèvres du sol lisboète », chargés de l’entretien de plusieurs kilomètres de trottoirs ou de chaussées. « Quand je suis arrivé, nous étions des dizaines de paveurs. Aujourd’hui, nous ne sommes plus qu’une vingtaine. Et plus très jeunes », regrette-t-il.
Au même titre que le fado, les azulejos ou le vin de Porto, la « calçada portuguesa » (chaussée à la portugaise) s’est imposée comme un symbole culturel. Ces trottoirs traditionnels, dont les motifs évoquent souvent l’âge d’or des découvertes portugaises, se sont développés au XIXe siècle. Les motifs tout en mosaïque de pavés ont souvent un rapport avec la mer et le promeneur marche ainsi sur des vagues, des ancres, des poissons... Le château Saint-Georges, perché sur l’une des collines de la ville, est le premier lieu à avoir été pavé selon cette technique dont le succès à été tel qu’elle s’est rapidement étendue à d’autres quartiers, puis d’autres villes du pays et de l’ancien empire colonial : Afrique, Asie, Amérique du Sud.
Près de deux siècles plus tard, les mesures d’économie que le Portugal est contraint de mettre en œuvre depuis deux ans par ses créanciers internationaux en échange d’une aide financière risquent d’affecter les budgets destinés à l’entretien de ces véritables « tapis en pierre » qui couvrent les trottoirs de la ville. « Notre zone d’intervention est de plus en plus vaste au fur et à mesure que le ville s’agrandit », explique M. Duarte. « On ne peut plus tout faire!» soupire-t-il.
Désormais, les trottoirs, hors des circuits touristiques, sont souvent pavés à la va-vite avec de simples pierres blanches, sans motifs. « Un regard attentif remarque que c’est du travail bâclé ! » regrette M. Duarte. « Au moment de prendre ma retraite, je rêve de pouvoir dire à mes collègues, à ma fille : tu vois ces hommes là-bas, c’est moi qui les ai formés et ce sont eux qui vont me remplacer. Mais il n’y a plus personne... Si rien ne change, tout cela risque de disparaître », avertit cet ouvrier.
De son côté, la mairie confirme devoir faire des choix en raison des coûts. « La tendance est de réduire la chaussée artistique », a indiqué Luisa Dornellas, une des responsables de la mairie, car l’entretien de ces trottoirs « coûte très cher à la municipalité ». Le mètre carré de chaussée artistique s’élève à environ 90 euros.
Pour autant, Mme
Dornellas affirme que la municipalité va continuer d’investir dans l’entretien de ces trottoirs, qui sont l’une des grandes attractions de la ville, et précise qu’une nouvelle formation de paveurs est prévue prochainement. Mais « on peine à recruter », indique Nuno Serra, responsable de l’école de paveurs et jardinage de Lisbonne, car « le métier n’est pas très attractif ». « C’est une profession pénible, où il faut être assis ou à genoux toute la journée, qui manque souvent de reconnaissance sociale, avec des salaires très bas », qui dépassent à peine les 700 euros net par mois, observe-t-il.
Menacé au Portugal, cet art unique se perpétue toutefois dans d’autres villes à travers le monde, dont l’histoire a été marquée par la culture portugaise. Du Brésil au Cap-Vert, ou du Timor-Oriental au Canada, où réside une importante communauté portugaise, des chaussées artistiques, conçues selon la technique lisboète, ornent des villes des quatre coins du monde.
(Source : AFP)
Vagues, cordages, arabesques ou motifs géométriques ornent les trottoirs de Lisbonne : autant d’œuvres d’art en mosaïque qui constituent l’une des images de marque de la capitale, mais qui sont désormais menacées alors que le pays, sous assistance financière, applique de sévères coupes budgétaires.Sur son petit tabouret en bois, Jorge Duarte, un paveur d’une cinquantaine...

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