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Économie

Le Liban n’est pas un paradis... fiscal

Karim Daher
Il y a quelques jours, une dépêche de l’AFP tombait, annonçant la mise du Liban au banc des paradis fiscaux accusés de favoriser ou de masquer les fraudes et les évasions fiscales internationales.
Concise mais lourde de sens et de conséquences, elle mentionnait dans les détails que « la France a établi une liste noire de 17 paradis fiscaux, où figurent le Liban, la Suisse et Panama, dont les banques pourraient être empêchées de distribuer l’aide publique française au développement. Une position de principe comme l’a expliqué le cabinet du ministre du Développement, Pascal Canfin, au journal Le Monde... ».
Si cette information se vérifie et que s’en suivent des mesures concrètes d’inquisition fiscale de la part des autorités françaises à l’encontre des agents économiques, des binationaux ou des résidents ayant choisi la France comme base exclusive ou partielle de leurs activités, cela constituera un véritable cataclysme pour nombre de structures en place et aura pour effet certain d’affecter sensiblement les rapports économiques privilégiés et historiques entre le Liban et la France. D’autant plus que dans pareils cas, la France a généralement tendance à appliquer pleinement, sans mesure ni réserves, sa propre législation fiscale qui est au demeurant et de nos jours surfiscalisée, et ce sans considération pour les dispositions conventionnelles et les cas de double imposition. Mais force est de constater que ni le qualificatif ni les critères de paradis fiscal ne s’appliquent au cas du Liban.
En effet, et même s’il reste difficile de trouver de nos jours une définition satisfaisante des paradis fiscaux, celle donnée par le lexique fiscal permet d’en déterminer les critères principaux. Serait donc considéré comme paradis fiscal, « tout pays dans lequel l’impôt est peu élevé ou nul et qui attire de ce fait la domiciliation de contribuables ou sociétés désireuses d’échapper à une taxation normale... ». D’autres critères s’y ajoutent, comme la création de structures plus ou moins « fantômes » pour dégager des profits en amont et en aval des activités commerciales, ou encore le placement d’avoirs détournés ou « sales » dans des établissements neutres et sans contrôle.
Sans qu’une telle définition permette de distinguer facilement les vrais paradis fiscaux de ceux qui n’en sont pas, nous pouvons affirmer sans ambages que le Liban n’en fait pas partie, et pour preuve : (1) le taux normal d’imposition des sociétés oscille autour de 23,5 % tandis que celui des particuliers arrive par tranches progressives jusqu’à 21 %, avec de surcroît des cotisations sociales de l’ordre de 23,5 % qui s’y rajoutent ; (2) la pression fiscale avoisine aujourd’hui les 24 % ; (3) le système bancaire est l’un des plus fiables et des mieux contrôlés, avec une loi coercitive pour lutter contre le blanchiment d’argent et de nombreuses directives rendant difficile voir impossible toute malversation ou abus ; et enfin (4) des obligations comptables et fiscales très exigeantes qui se basent sur des réglementations en perpétuelle mutation. De plus, la situation politique et économique actuelle du pays du Cèdre ne permet plus, de l’avis de certains spécialistes, de le considérer de nos jours comme un paradis fiscal viable... car l’investisseur recherche en tout premier lieu la stabilité.
Tout au plus pourrait-on reprocher au Liban sa volonté de promouvoir une stratégie de développement et de rentrées fiscales en proposant aux investisseurs des taux de prélèvement raisonnables ou des structures d’accueil de faveur adaptées à leurs projets, et pour lesquelles seul le qualificatif français de régime fiscal privilégié pourrait s’appliquer. Mais cette volonté d’élargir sa propre économie interne serait-elle devenue de nos jours incriminée et constitutive d’infraction au niveau international ?
Que dire alors de pays comme les Émirats arabes unis (EAU) et leurs nombreuses zones franches, créées en vue d’attirer les investisseurs étrangers et les capitaux ? Tout en précisant si besoin est que chaque émirat a promulgué au départ une loi qui détermine le régime d’imposition applicable aux sociétés qui y sont établies, mais que ces textes ne reçoivent aucune application sur le terrain et que c’est donc la pratique aux EAU qui a évolué dans le sens de la « non-imposition ». Que dire aussi de pays comme le Qatar, qui établit une « discrimination » fiscale entre nationaux et étrangers, contrairement à la norme internationale ? Or, il apparaît selon toute vraisemblance que le problème ne se pose pas à ce niveau aujourd’hui pour la France étant donné la priorité accordée à la « manne financière »... le Libanais ayant cessé malheureusement, depuis les années 90, d’avoir seul l’apanage des investissements utiles et productifs aux yeux de la métropole anciennement colonisatrice !
En définitif, et si la tendance observée se confirme, la France pourrait à terme ignorer ses engagements conventionnels fiscaux avec le Liban ou les dénoncer, en adoptant des mesures destinées à lutter unilatéralement contre les cas « estimés » d’évasion fiscale. Ceci pourrait prendre la forme soit d’un contrôle sévère des mouvements de capitaux (comme semble d’ailleurs le supposer la dépêche précitée), soit d’une imposition globale ou forfaitaire des agents économiques et particuliers sans égard à leur lieu de résidence ou de direction effectifs, soit à des précomptes et retenues (à la source) sans ménagements résultant de requalifications arbitraires d’opérations et d’actes, soit enfin à des redressements injustes de situations antérieures.
L’heure est donc grave et la nouvelle ne devrait pas être passée sous silence, afin de ne pas aboutir à des situations de fait difficiles à changer a posteriori. Car ces dernières années, et à force de se prendre pour le nombril du monde, le Liban a fini par « perdre la main » au profit des petits pays du Golfe.
Pour rétablir la situation et récupérer la place de choix qui était la nôtre, il incombe donc à ce qu’il nous reste comme dirigeants avertis de reprendre l’initiative en entamant des démarches concrètes pour infléchir la tendance au plus vite... avant qu’il ne soit trop tard.

Karim Daher
Avocat à la Cour
Association libanaise pour les droits et les intérêts des contribuables
Il y a quelques jours, une dépêche de l’AFP tombait, annonçant la mise du Liban au banc des paradis fiscaux accusés de favoriser ou de masquer les fraudes et les évasions fiscales internationales.Concise mais lourde de sens et de conséquences, elle mentionnait dans les détails que « la France a établi une liste noire de 17 paradis fiscaux, où figurent le Liban, la Suisse et Panama,...

commentaires (2)

Mais bien un.... pour Fraude et Évasion Fiscale !

Antoine-Serge Karamaoun

12 h 56, le 01 juin 2013

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Commentaires (2)

  • Mais bien un.... pour Fraude et Évasion Fiscale !

    Antoine-Serge Karamaoun

    12 h 56, le 01 juin 2013

  • Trop drôle...Me Daher est trop drôle... Quel sérieux,quelle componction, quel sentiment d'injustice désolé...Tragicomix...Tel Harpagon,il appelle pathétiquement sa cassette...Mais bien sûr cher maître,si l'on en croit les textes,le Liban n'est pas un paradis fiscal.Mais notez bien aussi que si l'on en croit les textes,le Liban est aussi une démocratie parfaite,avec des députés élus régulièrement,des services publics honnêtes et efficaces,une législation environnementale à la pointe...etc...si l'on en croit les textes...j'en ris encore...trop drôle,cette plaidoirie pro domo. S'il vous plaît,il faut écrire plus souvent.

    GEDEON Christian

    02 h 37, le 01 juin 2013

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