Liu Jingbo, un calligraphe professionnel qui organise régulièrement des expositions à Pékin, n'est pas hostile a priori aux changements. « Les caractères chinois viennent de l'histoire ancienne, mais c'est possible de les réformer, en respectant certaines règles, si cela sert à simplifier la vie des gens », dit-il. « Beaucoup de gens, comme les personnes âgées, y sont cependant opposés, car ils avaient l'habitude de ces caractères », poursuit-il.
Dans les années 50, le philologue Chen Mengjia avait payé cher pour s'être opposé à une réforme des idéogrammes, qui allait conduire à simplifier plus de 2 000 d'entre eux. Catalogué comme « droitier » et envoyé dans un camp de travail dans le centre de la Chine, il allait se suicider à Pékin en 1966 après plusieurs séances de « critiques » au début de la révolution culturelle.
Cette fois-ci, les oppositions ont eu libre cours, en particulier sur l'Internet. Selon les consultations réalisées par certains grands portails chinois ou sites Internet des journaux, plus de 80 % des internautes ont fait part de leur opposition. Pour eux, même si la réforme ne concerne que quelques idéogrammes, ces derniers sont très utilisés et leur modification aura un impact important pour les dictionnaires, les livres d'écoles, les enseignes, les éditeurs... Et les Chinois eux-mêmes.
Pour les experts, cette polémique montre le fort attachement à une écriture si particulière, un facteur d'unification dans un immense pays aux langues différentes. « Parmi les premières mesures prises par le premier empereur (Qinshi Huangdi) après avoir vaincu tous les autres royaumes, celle de l'unification de l'écriture n'est pas la moins importante », relève Olivier Venture, chercheur au centre de Pékin de l'École française d'Extrême-Orient. « C'est extrêmement important, c'est vécu comme le ciment de la culture chinoise, une part de l'identité du pays, beaucoup de choses changent, mais les gens peuvent se rattacher à l'écriture, même si dans les faits elle ne cesse d'évoluer », ajoute celui qui travaille sur les manuscrits et inscriptions de la Chine ancienne.
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