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Économie - Interview

Le Liban va appliquer l’échange automatique d’informations fiscales

L'OCDE et le Forum mondial sur la transparence fiscale ont annoncé hier que le Liban s'est engagé – avec quatre autres États – à appliquer l'échange automatique d'informations fiscales dès septembre 2018. Le directeur général du ministère des Finances, Alain Bifani, explique cette décision.

Alain Bifani, directeur général du ministère des Finances.Photo C.N

Le Liban était jusque-là réticent à adopter la norme d'échange automatique d'informations fiscales (CRS, en anglais) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et à adhérer au Forum mondial sur la transparence fiscale. Pourquoi y avoir finalement consenti ?
Après consultation du Premier ministre, le ministère des Finances a émis le 23 avril dernier une demande d'adhésion du Liban au Forum mondial. Cette organisation a été restructurée dans la foulée de la crise économique de 2008, lorsque les membres de l'OCDE et du G20 ont décidé qu'il n'était plus question que certains pays facilitent la fraude fiscale. Elle a donc pour but d'assurer l'application des normes internationales de transparence et d'échange d'informations fiscales via un processus d'examen par les pairs.

Lorsque le Liban a commencé à être évalué par le Forum mondial en 2009, certains points d'interrogation ont été soulevés au regard des dispositions législatives du pays, notamment en ce qui concerne le secret bancaire ou la capacité du fisc libanais à accéder en temps réel aux informations fiscales et à les communiquer à d'autres juridictions. Dans le cadre de ce processus, le Parlement a notamment fini par adopter, en novembre dernier, trois projets de loi permettant de répondre à la fois aux exigences du Groupe d'action financière (Gafi) – en matière de blanchiment d'argent – qu'à celles du Forum mondial. Le premier texte élargit le crime de blanchiment d'argent pour notamment y inclure l'évasion fiscale, le deuxième exige la déclaration des espèces aux douanes lors de transports transfrontaliers et le troisième permet l'échange intergouvernemental d'informations fiscales sur demande en cas de soupçons sérieux d'évasion fiscale.

Mais avec l'affaire des Panama papers, la communauté internationale et le G20, en particulier, se sont montrés plus pressants, estimant notamment que le nouveau standard en la matière était la norme CRS qui établit un système d'échange automatique d'informations relatives aux comptes financiers des ressortissants des gouvernements adhérents. Le Liban s'est aussi donc engagé (avec Bahreïn, Nauru, le Panama et Vanuatu, NDLR) à mettre en œuvre cette norme à partir de septembre 2018 (comme 46 juridictions ; tandis que 55 l'adopteront dès 2017, NDLR).

Mais comme à chaque changement majeur des règles du jeu, certains pays décident de se positionner en précurseurs tandis que d'autres ne s'adaptent qu'après avoir reçu un certain nombre de coups de semonce. Pour une série de raisons, nous faisons malheureusement partie du second groupe. Cela tient à la fois au fait que le secret bancaire est ancré depuis des décennies dans l'inconscient collectif, qu'il profite à certains intérêts (au sens neutre du terme), et surtout à la crise profonde de notre système institutionnel... Il est donc normal que cela ait pris du temps, mais, in fine, ces décisions permettront d'améliorer la réputation et la crédibilité du Liban, ce qui devrait se traduire positivement en termes d'attraction des capitaux et investissements étrangers, des dépôts et de l'évaluation du risque pays. Surtout, il ne sera absolument plus question d'une inscription du Liban sur une éventuelle liste noire, à condition que nous continuions sur la voie dans laquelle nous nous sommes engagés et légiférions en ce sens. Nous ne pouvons pas dormir sur nos lauriers...


(Lire aussi : Le Liban menacé par une nouvelle liste noire des paradis fiscaux ?)

 

Quelles sont les prochaines étapes préalables nécessaires à la mise en œuvre de la norme CRS ?
À l'international, nous allons continuer à collaborer avec nos partenaires, en étant renforcés par notre adhésion au Forum mondial. Pour l'instant, le Liban est soumis à l'évaluation de son cadre législatif par le Forum mondial concernant l'échange d'informations sur demande, qui est une étape préliminaire à l'échange automatique. Nous devrons également signer la convention multilatérale concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale qui entérinera l'échange automatique d'informations.
Au préalable, il faudra procéder à des changements législatifs afin de répondre à ce qui est requis. Cela suppose notamment d'amender la loi sur l'échange d'informations fiscales sur demande pour y supprimer la clause exigeant des soupçons sérieux d'évasion fiscale, car elle n'est pas acceptable pour l'OCDE. Il faudra aussi légiférer sur les actions au porteur. Un projet de loi sur le sujet avait été présenté en novembre, mais a été renvoyée en commission, ce qui a conduit la Banque centrale à prendre les devants en émettant une circulaire interdisant au secteur financier de traiter avec des entreprises et personnes morales qui ont des actions au porteur. Entre-temps, la commission parlementaire de l'Administration et de la Justice a été plus loin en recommandant la suppression pure et simple de ces titres, une loi devrait donc être présentée au Parlement dans ce sens.

 

(Pour mémoire : Paradis fiscaux : le Liban parmi les pays ayant refusé l'échange automatique de renseignements)

 

La mise en œuvre de la norme CRS est souvent présentée comme la disparition effective du secret bancaire. Qu'en pensez-vous ? Ne serait-ce pas là l'intérêt de l'administration fiscale ?
L'adhésion du Liban à la norme CRS ne signifie pas la fin du secret bancaire dans la mesure où son cadre est beaucoup plus restreint. L'OCDE veut seulement que les administrations fiscales de ses membres puissent s'assurer du civisme de leurs contribuables. Par conséquent, les comptes bancaires d'un résident libanais qui n'a aucune relation avec l'étranger restent couverts par le secret et personne ne demandera jamais des informations le concernant.
Par définition, un système de secret bancaire ne sert pas les intérêts du fisc, quelle que soit la juridiction. Mais c'est un choix qui n'est pas de son ressort : c'est au pouvoir politique de trancher en fonction des gains et pertes potentielles de l'abandon de ce système. Toujours est-il que l'abrogation de la loi sur le secret bancaire n'est pas à l'ordre du jour...

 

Quelle est l'ampleur de l'évasion fiscale au Liban ?
Nous avons une estimation de l'évasion fiscale libanaise, mais ne souhaitons pas la divulguer parce qu'elle nécessite d'être affinée et nous souhaitons éviter des effets d'annonce inutiles. Mais il est certain que jusqu'à récemment, peu de contribuables déclaraient leurs revenus du capital réalisés à l'étranger. Et même lorsqu'ils le faisaient, il était très difficile pour l'administration fiscale de vérifier avec exactitude ces informations. Désormais, nous constatons déjà qu'avec les derniers développements internationaux, les déclarations spontanées de contribuables ont augmenté, notamment parce que les établissements bancaires à l'étranger demandent à tous leurs clients d'être en conformité avec leurs administrations fiscales.
De plus, avec l'échange d'informations sur demande, puis automatique, nous disposerons de nouveaux moyens de collaboration avec nos homologues et nous ne nous priverons pas de les utiliser...

 

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commentaires (3)

C'est surtout que cela va permettre à la police des banques de faire le tri !

FRIK-A-FRAK

11 h 47, le 12 mai 2016

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Commentaires (3)

  • C'est surtout que cela va permettre à la police des banques de faire le tri !

    FRIK-A-FRAK

    11 h 47, le 12 mai 2016

  • L,ECHANGE AUTOMATIQUE D,INFORMATIONS NE METTRA PAS EN DANGER LE SECRET BANCAIRES... APRES QUELQUES BOUTEILLES DE WHISKY ON PEUT LANCER UNE TELLE BALIVERNE !

    ARABOS-SIONISTES, L,ARTICLE DISPARAIT DES ECRANS

    10 h 13, le 12 mai 2016

  • L'échange d'informations sur demande, puis automatique facilitera aussi le blanchiment d 'argent .

    Sabbagha Antoine

    09 h 05, le 12 mai 2016

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