« Ammo Joseph » nous a quittés

« Ammo Joseph » n'est plus. Joseph Saadé, qui fut très longtemps le pilier de la maquette du Jour d'abord, puis de L'Orient-Le Jour, s'en est allé dans un monde meilleur, avec ses 87 années. Responsable, à ses débuts dans le journalisme, de la page Sports, Joseph Saadé s'intéressa passionnément à toutes les disciplines sportives, puis à toute la fabrication du journal. Comme maquettiste, et bien avant les ordinateurs, il avait acquis l'œil sûr du spécialiste. Les pages du quotidien, les pages spéciales n'avaient plus de secrets pour lui, à l'instar de L'Orient des Copains, dans sa version journal, que s'arrachaient élèves et écoles tous les samedis. Toutes les équipes furent initiées par lui à « l'art de la maquette ». Sa rigueur l'obligeait, par moments, à se montrer sévère. Ce n'était que professionnalisme. Pour compenser ce côté strict, il savait aussi se montrer bon papa.
Car malgré une sévérité de surface qui le rendait parfois rébarbatif, Joseph Saadé n'en était pas moins d'une tendresse parfois surprenante. Il était aussi farceur à ses heures, surtout avec « les jeunes recrues » du journal. L'un d'eux, un galopin de 19 ans à l'époque, se souvient encore du jour où Joseph Saadé lui avait annoncé, avec le plus grand sérieux, que l'ambassadeur du Pakistan « avait demandé à le voir ». Flatté de cet honneur, le journaliste s'était rendu à l'ambassade, où il devait découvrir qu'il n'en était rien. L'ambassadeur avait été le premier à en rire, et l'entretien improvisé entre le diplomate et le jeune journaliste s'était très bien passé.
La guerre coûta très cher à cet homme dont les deux fils furent sauvagement assassinés tout au début de ce que, par pudeur, on nomma « les événements ». Il en fut dévasté. Son côté sombre l'emporta momentanément. Il s'en confessa dans un ouvrage, écrit avec l'aide de deux journalistes, dont il rendit compte dans l'émission phare de Bernard Pivot, Apostrophes.

La rédaction