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Moyen Orient et Monde - Analyse

Nucléaire nord-coréen : l’impasse chinoise

Des Sud-Coréens ont protesté hier, à Séoul, contre le tir nucléaire de Pyongyang. Jung Yeon-je/AFP

L'essai atomique nord-coréen de mercredi a replacé la Chine au premier plan, mais les espoirs sont faibles de voir le seul allié de Pyongyang jouer la carte de la pression, tant est grande sa hantise d'un effondrement de son incontrôlable voisin.
Prise par surprise comme le reste du monde, à coup sûr furieuse, voire humiliée, la Chine n'en a pas moins réagi en reprenant la même phraséologie que pour les trois essais atomiques précédents : « ferme opposition » aux tests de Pyongyang et « exhortation » à revenir à la table des négociations. Et s'il semble acquis que Pékin se joindra à de nouvelles sanctions au Conseil de sécurité de l'Onu, celles-ci, qui n'ont nullement entamé la résolution de Pyongyang depuis 10 ans, risquent au contraire d'accentuer les difficultés pour Pékin.

Sous perfusion
Sans la Chine, qui maintient sous perfusion le régime nord-coréen en lui fournissant, entre autres, pétrole et nourriture, la population de Corée du Nord, déjà très fragilisée, notamment au plan alimentaire, serait aux abois, selon la plupart des études. Un régime de sanctions aggravé – auquel la Chine a longtemps résisté dans le passé – pousserait indirectement Pékin à un effort accru de soutien pour éviter une crise majeure chez son voisin, dont il ne veut sous aucun prétexte. En attendant, les perspectives d'un réchauffement entre les deux voisins, autrefois « aussi proches que les dents des lèvres », s'éloignent un peu plus.
En décembre, Pékin bruissait de rumeurs sur une possible première visite officielle du jeune leader nord-coréen, Kim Jong-un, qui, à la différence de son père et de son grand-père, n'a pas daigné depuis quatre ans qu'il est aux affaires venir dans la capitale chinoise prendre langue avec son unique allié. L'envoi inédit à Pékin du « girls band » national nord-coréen, les chanteuses pop du groupe Moranbong, qui devaient y donner leur premier concert devant un parterre de dignitaires chinois, avait été perçu comme un signal prometteur dans ce sens. Mais l'annulation soudaine du concert et le rappel à domicile du groupe, sans aucune explication – une décision qui ne pouvait venir que de très haut à Pyongyang –, avait douché les espoirs de rapprochement.
Quatre jours plus tard, Kim Jong-un signait l'ordre de tir nucléaire.

Très butés
Jeune héritier imprévisible de la seule dynastie communiste, « Kim Jong-un cultive sans doute la mentalité de quelqu'un qui n'a rien à perdre », estime Wang Dong, professeur associé d'études internationales à l'Université de Pékin. Véritable pied-de-nez à la communauté internationale et à la Chine en particulier, l'essai nucléaire, déclenché à l'avant-veille de l'anniversaire du leader nord-coréen, se pose aussi en défi ouvert aux sanctions de l'Onu, accompagné de son exhortation à entamer 2016 au « son exaltant de la première explosion d'une bombe à hydrogène ».
La Chine a eu beau fournir quelque 23 millions de tonnes de céréales et plus de 176 000 tonnes de carburant à la Corée du Nord l'an dernier, selon les douanes chinoises, « son influence est de plus en plus faible, le premier problème étant que le leadership à Pyongyang n'écoute pas. Ils sont très butés », estime l'expert chinois des relations internationales Zhu Feng. De (mauvaises) surprises en déconvenues, la Chine, même piquée au vif, ne devrait pas pour autant radicaliser son approche, estime-t-il. Les commentaires de la presse chinoise, hier, s'en tenaient d'ailleurs aux formules éprouvées, sans appeler Pékin à des gestes forts.
Une attitude qui confine à l'impasse pour la Chine, tant ses marges de manœuvre diplomatiques sont « des plus étroites », estime Yanmei Xie, analyste de l'International Crisis Group. Pékin peut bien appeler à ressusciter les « pourparlers à six » avec la Corée du Sud, le Japon, les États-Unis et la Russie – moribonds depuis des années – pas question pour autant pour elle de repenser ses « fondamentaux » stratégiques, estime-t-elle. « Pour Pékin, une Corée du Nord forte de l'arme nucléaire, c'est certes inconfortable et inquiétant », note-t-elle. Mais « un effondrement du régime à Pyongyang conduisant à un chaos massif à sa porte et, potentiellement, à une péninsule coréenne unifiée, avec Washington étendant son influence à la frontière chinoise, c'est tout simplement terrifiant » aux yeux de Pékin.
Ben DOOLEY / AFP

L'essai atomique nord-coréen de mercredi a replacé la Chine au premier plan, mais les espoirs sont faibles de voir le seul allié de Pyongyang jouer la carte de la pression, tant est grande sa hantise d'un effondrement de son incontrôlable voisin.Prise par surprise comme le reste du monde, à coup sûr furieuse, voire humiliée, la Chine n'en a pas moins réagi en reprenant la même...

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