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Moyen Orient et Monde - Moujahidine

« Je suis afghan » : un ancien officier russe témoigne

L’ex-officier de l’Armée rouge Bakhretdin Khakimov devenu cheikh Abdallah. Aref Karimi/AFP

Bakhretdin Khakimov ne retournera pas en Russie. L'ancien officier soviétique, fait prisonnier en Afghanistan il y a 30 ans, y a épousé la cause de ses ennemis moujahidine et a refait sa vie parmi eux : il garde même aujourd'hui le musée de Hérat qui glorifie leur victoire sur l'Armée rouge.
Sur le mur d'une des salles d'exposition, la photo en noir et blanc d'un jeune soldat en chapka frappée des insignes de l'Union soviétique détonne au milieu des nombreux portraits des héros moujahidine.
Bakhretdin, qui répond au nom de cheikh Abdallah, a plus de 50 ans maintenant. Il porte désormais une barbe grise, des lunettes et un pakol, le bonnet traditionnel afghan. Il travaille depuis 2013 au musée des moujahidine de Hérat, la grande ville de l'Ouest afghan, posée sur une plaine fertile aux portes de l'Iran. Il était auparavant guérisseur, prescrivant des herbes médicinales aux Afghans de la région.
Il était arrivé en Afghanistan les armes à la main, officier du renseignement militaire d'une armée soviétique qui occupera le pays pendant dix ans après l'avoir envahi à la fin 1979.
Vers 1985, il est gravement blessé à la tête au combat et ne doit son salut qu'au camp d'en face, ces Afghans qui le recueillent et le soignent. Lorsqu'il sort du coma, la plupart de ses camarades soviétiques sont morts ou ont fui. Il est seul au milieu des résistants afghans.

Enterré dans ce musée...
« Au début, nous étions ennemis », se souvient cheikh Abdallah. Mais 30 ans ont passé, il s'est converti à l'islam et a refait sa vie chez les moujahidine. « Ils ont passé leur vie à me servir. Ils me respectent et m'aiment », ajoute-t-il un brin ému.
Sayyed Abdul Wahab Qattali, ancien cadre moujahidine aujourd'hui directeur du musée, a pris l'ancien officier de l'Armée rouge sous son aile. « Il m'a trouvé une femme, m'a donné une maison, un salaire, maintenant je suis son assistant au musée », explique cheikh Abdallah, pour qui la Russie est désormais un pays étranger.
Le soldat Khakimov figurait sur une liste de 417 soldats disparus en Afghanistan présentée par les Russes en 2011. Mais si cheikh Abdallah a retrouvé sa famille, qui vit aujourd'hui en Russie et en Ouzbékistan, et renoué le contact, il ne veut pas retourner auprès d'elle.
Le russe, il s'en souvient « un peu ». Mais c'est en dari (persan afghan) qu'il s'exprime aujourd'hui. « Je suis afghan maintenant. À ma mort, je veux être enterré dans ce musée », dit-il au milieu du jardin où trônent les trophées de guerre frappés de l'étoile rouge : un avion de chasse, des blindés et hélicoptères, toutes sortes de pièces d'artillerie prises à l'ennemi ou abandonnées par les Soviétiques dans leur retraite en 1989.

Atrocités
À l'intérieur du musée, M. Qattali montre fièrement les scènes de combat reconstituées avec de courageux moujahidine en plâtre partant à l'assaut d'une colonne de tanks soviétiques ou défendant un village afghan sous les bombes de l'aviation de l'Armée rouge.
Moujahidine reconverti en homme d'affaires prospère, le directeur de l'établissement est très attaché à son protégé cheikh Abdallah. « Il fait partie du musée, nous sommes fiers de l'avoir avec nous », dit-il, tandis que l'enregistrement assourdissant d'un bombardement résonne dans l'une des salles d'exposition.
Le puissant chef moujahidine Ismaïl Khan, figure historique de la résistance à Hérat qui a lui-même sa figurine au musée au milieu de ses compagnons d'armes, considère lui aussi cheikh Abdallah comme « un frère ».
« Sa famille lui a demandé plusieurs fois de venir auprès d'elle à Moscou. Il a refusé d'y aller et nous ne le laisserons pas partir », raconte le vieux chef de guerre. « Je reste ici et je sers les moujahidine pour compenser les dégâts et les atrocités que j'ai commis », dit-il. Quelles « atrocités » ? Il répond que cela faisait partie de son travail de soldat, sans donner plus de détails. « Je n'étais pas venu pour assister à une fête de mariage », dit-il.

Emmanuel PARISSE / AFP

Bakhretdin Khakimov ne retournera pas en Russie. L'ancien officier soviétique, fait prisonnier en Afghanistan il y a 30 ans, y a épousé la cause de ses ennemis moujahidine et a refait sa vie parmi eux : il garde même aujourd'hui le musée de Hérat qui glorifie leur victoire sur l'Armée rouge.Sur le mur d'une des salles d'exposition, la photo en noir et blanc d'un jeune soldat en chapka...

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