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Économie - Splendeurs et misères économiques

Économie : science inexacte

Né à Beyrouth, Michel Santi est un macroéconomiste franco-suisse qui conseille des banques centrales et des fonds souverains. Il est notamment l’auteur de « L’Europe, chroniques d’un fiasco économique et politique » et de « Misère et opulence ».

La finance a achevé d'asseoir sa domination par l'entremise d'ordinateurs qui règnent aujourd'hui sur les fluctuations boursières et donc sur les capitalisations de nos entreprises. En réalité, ce sont les robots qui émettent les signaux d'achat et de vente, car 65 % des volumes traités aujourd'hui sur les marchés financiers (contre 20 % en 2005) sont du seul ressort des machines ! Partout, la matière grise semble avoir abdiqué, car tout le monde – banques, fonds spéculatifs et jusqu'aux fonds de pension – est aujourd'hui accro à ce « trading algorithmique » qui fait perdre au Dow Jones 1 000 points en l'espace de quelques minutes (flash crash du 6 mai 2010). Ces algorithmes qui commandent ce « trading à haute fréquence » autorisent en outre leurs instigateurs à réaliser quotidiennement des bénéfices gigantesques, ou des pertes monumentales lorsque le système se grippe, à l'instar de la société Knights Capital ayant perdu 440 millions de dollars en 45 minutes à l'été 2012 !
Comment ne pas penser à l'économiste Heilbroner (1919-2005) lorsqu'il déplorait que les mathématiques avaient insufflé une rigueur à la science économique avant de la tuer ? C'est l'ensemble de la profession qui doit aujourd'hui reconnaître qu'elle s'est fourvoyée dans son appréciation d'un système extrêmement complexe qu'elle ne comprend toujours pas complètement ! Comme le suggérait John K. Galbraith (1908-2006), il est vital de jauger et de disséquer la technologie financière sous l'angle légal afin de maîtriser des instruments de plus en plus complexes, ces progrès technologiques fulgurants étant exploités par le monde de la finance précisément dans le but de contourner les réglementations. Dans le monde de la finance globalisée, la fraude n'est pas une anomalie : elle fait partie intégrante du système.
Il suffit de se référer au jargon en vigueur au milieu des années 2000 afin de comprendre que les intervenants financiers savaient pertinemment qu'ils distribuaient des produits financiers pourris. C'étaient les « crédits neutrons » destinés à s'effondrer sans entraîner dans leur chute le marché immobilier. C'étaient les « crédits ninja » dont les pauvres bénéficiaires n'avaient ni revenu, ni travail, ni fortune (No Income, No Job or Assets). C'étaient les « liars' loans », car tout le monde savait que le candidat au crédit avait menti sur sa déclaration. Autant d'instruments ayant directement conduit à la catastrophe des subprimes et qui démontrent que le monde de la finance était parfaitement conscient de la matière explosive qu'il manipulait.
Effet de levier, produits dérivés « exotiques », knock-out, knock-in, one touch, futures, marchés à terme, titrisations... C'est à partir du moment où un titre se transforme en un titre de titres, qu'il est coupé en tranches pour être revendu à plusieurs intervenants, que le banquier se croit invulnérable et que tout espoir est vain. Certes, l'accès facilité au crédit fait incontestablement progresser la société dès lors que l'usage qui en est fait permet d'acquérir un logement ou de financer ses études. Toutefois, ce même crédit dispensé à travers des produits raffinés devient dévastateur s'il permet d'adopter des comportements irrationnels et dénués de toute justification économique.
La crise financière des années 2007-2014 raconte d'abord l'échec de toute la caste des économistes n'ayant pu détecter la formation d'une bulle dévastatrice, ni dénoncer les comportements suspects. Devenus aujourd'hui des espèces de brahmanes autistes agitant des équations hypersophistiquées, ils ont leur propre système de reconnaissance... en attendant leur inéluctable fossilisation !

La finance a achevé d'asseoir sa domination par l'entremise d'ordinateurs qui règnent aujourd'hui sur les fluctuations boursières et donc sur les capitalisations de nos entreprises. En réalité, ce sont les robots qui émettent les signaux d'achat et de vente, car 65 % des volumes traités aujourd'hui sur les marchés financiers (contre 20 % en 2005) sont du seul ressort des machines !...

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