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Moyen Orient et Monde - Crimée

« Je ne partirai pas, même s’ils lancent une attaque nucléaire »

Les Tatars vivent dans la peur de Moscou, mais refusent de quitter la péninsule ukrainienne.

Une forteresse tatare, monument national, près de Bakhtchisaraï en Crimée. Olga Maltseva/AFP

Arrestations, disparitions et raids armés : depuis que la Russie a pris le contrôle il y a un an de la péninsule ukrainienne de Crimée, les Tatars vivent dans la peur de Moscou, une situation qui les pousse parfois à quitter leur terre ancestrale. « Après l'arrivée des autorités russes en Crimée, certaines choses qui n'auraient jamais eu lieu auparavant ont commencé à se produire », remarque Ilmi Oumerov, un député de la Mejlis, l'Assemblée des Tatars de Crimée. Depuis le 18 mars 2014, date de la signature du traité de rattachement de la Crimée à la Russie, vingt Tatars de Crimée ont disparu, raconte M. Oumerov. La plupart d'entre eux ont été retrouvés, mais quatre ont été tués et quatre jeunes hommes sont portés disparus. Pour lui, « ces actions visent à inculquer le sens de la loyauté vis-à-vis de ces autorités » aux Tatars de Crimée.
Sur cette communauté musulmane d'environ 300 000 personnes, une grande majorité a boycotté le référendum organisé en mars sur le rattachement à la Russie. Depuis, ils sont entre 10 et 20 000 à avoir décidé de quitter la péninsule pour rejoindre l'Ukraine, explique M. Oumerov, qui a, lui, fait le choix de rester sur sa terre natale. Pour eux, le retour de la Crimée dans le giron russe, alors qu'elle avait été donnée en 1954 à l'Ukraine, rappelle de mauvais souvenirs : en 1944, les Tatars de Crimée ont été déportés massivement sur ordre de Staline, qui les accusait d'avoir collaboré avec les nazis.
Cet exode long et meurtrier, qui les a menés en Asie centrale et en Sibérie, n'a pris fin qu'après la chute de l'URSS quand ils ont été autorisés à regagner leurs terres ancestrales, devenues ukrainiennes, tissant alors de fragiles liens avec les autorités de Kiev.

« Peur et insécurité »
« Dans chaque famille tatare de Crimée, il y a un sentiment de peur et d'insécurité alors même que nous sommes sur nos terres », déplore Elmira Ablialimova.
Son mari, Akhtem Tchigoz, vice-président de la Mejlis, a été arrêté fin janvier, accusé d'avoir « organisé et participé à des troubles massifs » lors d'une manifestation contre les autorités russes. Au lendemain de son arrestation, sa maison, entourée de tireurs d'élite, a été fouillée par 18 hommes, dix heures durant, confie Mme Ablialimova, énumérant ce que subit la communauté tatare : « Disparitions, meurtres sadiques, attaques des médias et arrestations sur la base de fausses accusations. »
D'autre part, rester, c'est faire un « choix difficile », avoue Lilia Boudjourova, directrice adjointe d'ATR, la chaîne de télévision de la communauté, qui émet en trois langues, dont le tatar. « Nous sommes pour la plupart choqués par ce qui se passe en Crimée. Ceux qui ne réussissent pas à s'y faire sont partis », note Mme Boudjourova qui est aussi la correspondante locale de l'AFP. En outre, de récentes lois russes visant à combattre l'extrémisme et le séparatisme forcent la chaîne, ouvertement pro-ukrainienne, à bannir l'usage de certaines expressions, regrette Mme Boudjourova. Ses journalistes n'ont par exemple plus le droit de mentionner le fait que la Crimée était un territoire ukrainien, indique-t-elle. « Occupation, annexion : ces termes ont été exclus de notre vocabulaire », déplore-t-elle. Sous l'URSS, « nous n'avions pas le droit de parler et lire dans notre langue nationale. Nous priver de ce droit aujourd'hui serait une nouvelle tragédie », martèle-t-elle. « Je ne peux pas respirer ici, mais je ne partirai pas, car c'est ma patrie, souffle-t-elle. Je ne partirai pas, même s'ils lancent une attaque nucléaire. »

Maria ANTONOVA/AFP

Arrestations, disparitions et raids armés : depuis que la Russie a pris le contrôle il y a un an de la péninsule ukrainienne de Crimée, les Tatars vivent dans la peur de Moscou, une situation qui les pousse parfois à quitter leur terre ancestrale. « Après l'arrivée des autorités russes en Crimée, certaines choses qui n'auraient jamais eu lieu auparavant ont commencé à se...

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