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Moyen Orient et Monde - Turquie

À deux ans du centenaire, la perception du génocide arménien change

Une foule énorme a commémoré hier à Erevan, la capitale arménienne, le génocide de 1915. Certains ont brûlé des drapeaux kurdes. Karen Minasyan/AFP

Plusieurs manifestations ont commémoré hier sur le sol turc le souvenir des massacres d’Arméniens par l’Empire ottoman en 1915, un phénomène nouveau qui accroît la pression sur la Turquie pour qu’elle reconnaisse, près d’un siècle plus tard, leur caractère de génocide.


Pour les milliers de touristes étrangers qui se rendaient de la basilique Sainte-Sophie à la Mosquée bleue, le petit groupe qui s’est constitué à deux pas de là, devant un musée en travaux, est passé quasiment inaperçu. À peine une grosse centaine de personnes bardées de pancartes et de portraits. Cette année encore, ce rassemblement est resté confidentiel. Bien loin des cérémonies officielles, présidées par le chef de l’État Serge Sarkissian, qui ont réuni hier une foule énorme à Erevan, la capitale arménienne. « Nous nous inclinons aujourd’hui à la mémoire de victimes innocentes », a ainsi déclaré le président arménien. « Il est de notre devoir de réaliser et d’attirer l’attention de la communauté internationale sur le fait que le déni du génocide est une perpétuation de ce crime », a-t-il ajouté, dans une claire attaque en direction d’Ankara.


Depuis sa première édition il y a cinq ans, la commémoration du 24 avril réunit à Istanbul de plus en plus d’Arméniens de la diaspora et surtout de Turcs, qu’ils soient d’origine arménienne ou pas. Le signe que la perception de cet épisode historique controversé est en train de changer. « Il y a dix ans, une telle manifestation était impossible en Turquie. Il y a deux ans, nous n’étions qu’une quinzaine, aujourd’hui nous sommes près de 200. C’est le signe que les mentalités changent », s’est réjoui Benjamin Abtan, président du Mouvement européen antiraciste (EGAM). Pour la première fois cette année, des associations d’Arméniens de la diaspora et des ONG européennes de lutte contre les discriminations se sont associées aux célébrations du 24 avril organisées par la société civile turque. Ensemble, elles ont déposé une gerbe sur la tombe d’un sous-préfet de l’Empire ottoman, Faik Ali Ozansoy, qu’elles considèrent comme un « juste » pour avoir refusé d’exécuter les ordres de déportation en 1915.


Autre nouveauté, la commémoration d’Istanbul a fait cette année des petits dans le reste du pays avec, pour la première fois, des manifestations autorisées à Mersin, Adana, Izmir, Malatya ou Tunceli. Dans ces villes, une organisation kurde, le Congrès démocratique des peuples, a lu une déclaration appelant à se « souvenir du génocide et ressentir dans nos cœurs la douleur de ce qui a eu lieu ». De son côté, le Parti kurde pour la paix et la démocratie (BDP) a appelé le pays à « faire face à son histoire et à présenter des excuses ».


Comme ses prédécesseurs, l’actuel gouvernement islamo-conservateur refuse de qualifier de génocide les massacres de 1915 et dénonce tous les pays qui adoptent des législations réprimant la négation de leur caractère génocidaire. Un homme, qui a brièvement perturbé la cérémonie d’Istanbul en criant « le peuple turc n’a jamais commis de génocide », est venu rappeler que le point de vue « officiel » était encore largement partagé. Et les grands médias turcs sont restés plutôt discrets sur ce thème. Mais la société civile turque veut croire à une évolution. « Il y a cinq ans, nous avions publié une pétition appelant le gouvernement à présenter ses excuses, mais sans parler de génocide », a souligné le responsable de l’ONG turque DurDe, Levent Sensever, « aujourd’hui nous pouvons écrire ce mot ». « La population turque demande davantage de démocratie, un meilleur respect des droits de l’homme, a expliqué M. Abtan. Je crois que la reconnaissance du génocide est devenue possible. » « Maintenant que nous pouvons organiser ce type de commémoration, nous souhaiterions y voir des officiels », a renchéri Nicolas Tavitian, responsable d’une association culturelle arménienne européenne (AGBU), « et, un jour, un Premier ministre turc y prononcer un discours ».
Pour M. Sensever, le centenaire du génocide, dans deux ans, pourrait servir d’accélérateur. « En 2015, le gouvernement sera sous la pression et sous le feu des critiques, a-t-il estimé. Il va devoir évoluer. »

(Source : AFP)

 

 

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