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Moyen Orient et Monde

Damas la raffinée, assiégée de tous côtés

Des rebelles islamistes combattant les forces loyalistes dans la banlieue damascène de Harasta. Goran Tomasevic/Reuters

Dans une ville riche de 7 000 ans d’histoire, deux ans de guerre civile ne suffisent pas à donner un coup d’arrêt au mode de vie raffiné de ces Damascènes coutumiers des dîners en ville et des longues promenades dans les parcs. Mais face à leur vie jugée bourgeoise et une attitude considérée comme passive envers le régime, les rebelles font pleuvoir de plus en plus de bombes sur le centre de Damas à partir des sinistres banlieues de la capitale. Les forces du président Bachar el-Assad renforcent, elles aussi, leur présence autour de la ville bastion du régime, n’hésitant plus à semer la peur chez les habitants.
Deux ans après le début du conflit, beaucoup de Damascènes se sentent donc pris au piège entre l’autorité rejetée de la dynastie Assad et des rebelles avides de révolution qui campent à leurs portes. Si les combats ont déjà transformé en champ de bataille urbain les faubourgs de Damas, qui compte plus d’1,5 million d’habitants, le centre, lui, reste en grande partie intact. Tant et si bien que des habitants de la banlieue ont fui les combats pour se réfugier dans les parcs du centre-ville.
Mais la situation évolue à mesure que la ligne de front se rapproche et que les soldats et les milices fidèles au régime, les chabbiha, font masse autour du cœur du pouvoir. La semaine dernière, trois attentats à la voiture piégée dans le centre ont fait des dizaines de morts. Quelques heures plus tard, des obus de mortier se sont abattus sur le quartier huppé de Maliki, lieu de résidence de nombreux hauts responsables du gouvernement et de riches hommes d’affaires. L’un d’entre eux a atterri près du domicile du ministre des Affaires étrangères, Walid Moallem, à quelques minutes à pied de la résidence privée de Bachar el-Assad. Un autre a atteint un bâtiment qui appartenait à l’oncle d’Assad, Rifaat, condamné à l’exil dans les années 1980.

 Les Damascènes maudits ?
Dépassés par la puissance de feu des forces gouvernementales, les rebelles ont peu progressé vers le centre de Damas. Les Damascènes voient cependant dans les attaques de la semaine dernière un signe de la colère croissante des habitants pauvres des banlieues, majoritairement sunnites, à l’encontre d’une capitale considérée comme ralliée à Assad. « Attendez et vous verrez ce que les rebelles vont faire quand ils entreront dans Damas », dit un chauffeur de taxi, originaire des faubourgs et réfugié dans le centre. Selon un habitant de Harasta, autre banlieue frappée par les combats, piller les maisons des riches du centre-ville serait « halal », autorisé par la loi islamique. « Ils ne savent pas ce que nous avons vécu. Nos maisons sont complètement détruites. Vous savez combien de familles ont été tuées dans ma ville ? De femmes ? D’enfants ? De personnes âgées ? »
Les rebelles ont appelé à plusieurs reprises les habitants de Damas à se joindre à eux, ne serait-ce que par des actes de désobéissance civile. Beaucoup de combattants se sentent abandonnés, même par ceux qui, dans la ville, sont favorables à un changement, les soupçonnant de faire prévaloir leur peur de la révolution sur leur aversion pour Assad. « Ils continuent d’opprimer et d’opprimer (la population) », raconte un habitant à propos des dirigeants syriens. « Mais la vraie tragédie c’est que les rebelles aussi nous détestent. » Ainsi, un homme d’affaires, qui ne ménage pas ses critiques envers Assad, dit ne s’être attiré que du mépris quand il s’est rendu dans l’usine de fabrication de chaussures de sa famille, dans une zone de banlieue sous le contrôle des rebelles. « Je leur ai demandé pourquoi ils ont laissé autant d’enlèvements et de meurtres se produire sous leurs yeux. Ils m’ont répondu : “On protège les nôtres. Les étrangers, ce n’est pas notre problème. Les riches de la ville ? Pas notre problème”. »

 Ville de garnison
Après les attentats de la semaine dernière, les commentaires de figures de l’opposition sur les réseaux sociaux ne laissent aucun doute sur leur état d’esprit. « C’est bien, laissez-les avoir un aperçu de ce que nous endurons », dit l’un d’eux. « Les Damascènes continuent à se rendre à leur travail et à envoyer leurs enfants tous les jours à l’école comme si la vie était totalement normale, alors que nous mourons. Ils méritent ce qui leur arrive », commente un autre.
Même s’ils sont moins touchés par la guerre civile, les Damascènes se sentent eux aussi assiégés par un gouvernement qui a militarisé leur capitale et emploie des miliciens venus des campagnes alaouites. Car depuis quelques mois, Damas ressemble de plus en plus à une ville de garnison. Dans les rues, on voit parfois plus de forces du gouvernement que de civils, qui les accusent de persécutions.
Pour les habitants, il devient de plus en plus difficile de circuler la nuit ou de se rendre dans une pharmacie. Depuis l’assassinat du beau-frère de Bachar el-Assad en juillet, les autorités surveillent de plus en plus les infrastructures médicales, à la recherche de médecins qui soignent les rebelles blessés. Un officier de la sécurité monte également la garde derrière le comptoir de chaque pharmacie. Les Damascènes se plaignent aussi du comportement des miliciens, qui ont un sentiment d’impunité et les harcèlent. Ils marchent la kalachnikov en bandoulière, grillent les feux rouges sans égard pour les piétons et ne font jamais la queue.
Le régime a répondu aux tirs de mortier la semaine dernière en équipant ses soldats à l’arme lourde. Aux pistolets et aux fusils d’assaut, les soldats loyalistes préfèrent désormais se déplacer avec des roquettes RPG à l’épaule.
« Je ne me sens même plus en sécurité chez moi », se plaint un Damascène, père de deux enfants. « C’est une chose que les forces gouvernementales se déplacent avec des mitrailleuses. Mais des roquettes RPG? Un obus de mortier ou une grenade peuvent finir dans ma fenêtre à tout moment. C’est ridicule. »

(Source : Reuters)
Dans une ville riche de 7 000 ans d’histoire, deux ans de guerre civile ne suffisent pas à donner un coup d’arrêt au mode de vie raffiné de ces Damascènes coutumiers des dîners en ville et des longues promenades dans les parcs. Mais face à leur vie jugée bourgeoise et une attitude considérée comme passive envers le régime, les rebelles font pleuvoir de plus en plus de bombes sur le...

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