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Moyen Orient et Monde - Reportage

Fatima, directrice d'école à Alep : « Le plus beau salaire, c’est le sourire de ces enfants cernés par la guerre »

Un palais ottoman transformé en école improvisée : tout est bon pour apprendre. Photo AFP

Dans Alep ravagée par des mois de combats, de nombreuses écoles sont en ruines, mais une poignée d’enseignants courageux recommencent à faire cours dans des classes de fortune, pour aider les enfants à oublier un quotidien de peur. « Les parents sont encore angoissés à l’idée d’envoyer leurs enfants à l’école. Nous sommes près de la ligne de front. Mais il faut reprendre une vie normale pour ne pas laisser l’effroi dominer », confie un professeur de 29 ans se présentant sous le nom d’Abou Salam Moustapha, qui a ouvert une école dans la vieille ville d’Alep.


La métropole du Nord a connu un pic de violences entre juillet et octobre, avec des combats particulièrement féroces dans son cœur historique. Si les combats ont baissé en intensité, de nombreux quartiers tenus par les rebelles restent exposés aux raids et bombardements du régime. « L’armée syrienne libre (ASL, formée de soldats dissidents et de civils ayant pris les armes) a utilisé les écoles comme bases pour ses combattants. Du coup, le régime les a bombardées. (...) Elles ne sont plus sûres pour les enfants », explique cet ancien professeur d’études religieuses, devenu directeur d’un collège clandestin ouvert il y a une semaine.

 

Avec quelques collègues, il s’est installé dans un ancien palais ottoman abandonné. « Nous avons décidé de faire quelque chose, pour qu’ils ne passent pas leurs journées dans la rue », explique Abou Salam Moustapha en faisant allusion à tous les enfants qui ne sont plus scolarisés depuis des semaines. « C’est un endroit très sûr. Au rez-de-chaussée, nous avons un abri en cas de bombardement », assure Abou Ahmad, 23 ans, ancien étudiant de chimie. Autour de la cour de ce joyau architectural, quelques salles avec des pupitres et des ardoises accueillent une centaine d’enfants tous les jours de 8h à midi, sauf le vendredi, jour de repos hebdomadaire. « La ligne de front passe à deux rues d’ici. Mais le bâtiment est très haut, et ses murs assez épais, ce qui protège les enfants des tirs d’obus », estime le directeur. Récemment trois personnes ont été tuées par des bombardements dans la zone. « Trois écoles clandestines ont aussitôt fermé leurs portes car les parents n’ont plus envoyé leurs enfants », dit-il.


Des bruits d’explosions résonnent dans la cour. Les enfants jettent un coup d’œil par la fenêtre avant de suivre à nouveau les explications de l’enseignant au tableau. « Un de nos objectifs est d’essayer de les aider à surmonter ce qu’ils ont vu ces derniers mois. Nombre d’entre eux ont perdu des proches ou vu des morts. Beaucoup ont des problèmes psychologiques, et se mettent subitement à pleurer », raconte Abou Salam Moustapha. Mais d’autres parfois n’ont pas conscience du danger et montent sur les terrasses pour saluer les hélicoptères qui passent, ajoute-t-il. « Ce sont mes parents qui m’encouragent à venir chaque jour, explique Ahmad Saman, 13 ans. Ils ont peur, mais il peut aussi bien m’arriver quelque chose à la maison. » Mohammad Assun, 16 ans, veut retrouver « une vie normale où la peur aura disparu » et dans laquelle il pourrait réaliser son rêve de devenir architecte. « On ne peut pas laisser la guerre briser l’avenir de ces enfants », souligne donc l’enseignant.


Dans un autre quartier d’Alep, c’est une mosquée qui abrite des salles de classes improvisées. Depuis un mois, une cinquantaine d’enfants de six à douze ans, répartis en trois classes, étudient chaque jour à Masaken Hanano, dans l’est d’Alep, dans ce lieu de culte imposant qui a résisté à une attaque massive de l’artillerie du régime en juin. « Personne ne nous paie, mais nous ne voulons pas d’argent. Le plus beau salaire, c’est le sourire de ces enfants cernés par la guerre », explique Fatima, 23 ans, jeune directrice des lieux.

 

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