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Moyen Orient et Monde - Tribune

Un accord universel sur les changements climatiques est à la fois « nécessaire et possible »

Christiana Figueres, secrétaire exécutive de la CCNUCC

Les résultats obtenus lors de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, qui s’est terminée récemment à Doha, au Qatar, montrent encore une fois que les négociations internationales sont définitivement engagées dans la bonne direction, mais à un rythme dangereusement lent.
L’enjeu principal de ces négociations n’est rien de moins que le plus grand virage énergétique que le monde ait jamais connu. Dans le passé, ce type de transformation s’opérait sur une très longue période. Le bois, première source d’énergie de l’humanité, n’a été remplacé par le charbon qu’au XVIIIe siècle. Avec l’accélération des progrès technologiques, le pétrole a eu besoin d’un siècle pour éclipser le charbon. Les changements climatiques ne sont pas l’unique argument en faveur du passage à des énergies plus renouvelables et à une consommation énergétique plus rationnelle, mais ils ont ajouté l’urgence à une évolution jugée normale.
Malgré le défi évident que posent les investissements dans les systèmes énergétiques existants, le temps ne joue pas en notre faveur. Les faits scientifiques nous apprennent que les émissions mondiales de gaz à effet de serre atteindront leurs niveaux maximaux au cours de la présente décennie, avant de diminuer rapidement par la suite. Et surtout, ce pic doit être atteint sans tarder si nous voulons diminuer les coûts humains. Les phénomènes météorologiques extrêmes observés actuellement dans toutes les régions du globe nous rappellent constamment l’ampleur de ces coûts, en particulier parmi les populations les plus vulnérables.
Les Nations unies constituent la seule instance accordant à tous les pays, petits et grands, le privilège de contribuer au processus décisionnel de portée mondiale. Le passage à un monde à faible émission de carbone nécessite la participation de la communauté internationale car chaque pays est déjà touché par les changements climatiques et parce qu’il est nécessaire d’orienter collectivement une transformation d’une telle envergure ; d’autres facteurs déterminants sont l’échelle et le rythme du développement économique actuel impulsé par des progrès technologiques sans précédent, ainsi que le libre mouvement des capitaux à la grandeur de la planète. Les économies à faible émission d’aujourd’hui (même selon une comptabilisation « par habitant ») peuvent devenir et deviendront sans doute les économies à forte émission de demain, et ce à un rythme jamais connu auparavant, sauf si on les aide et encourage à planifier adéquatement leur avenir en fonction de sources d’énergie propre.
Suite aux avancées importantes survenues au cours des deux dernières années à Cancún et Durban, 37 pays réunis à Doha (tous les membres de l’Union européenne, l’Australie, le Belarus, la Croatie, l’Islande, le Kazakhstan, la Norvège, la Suisse et l’Ukraine) ont adopté des objectifs de réduction des émissions juridiquement contraignants leur permettant d’atteindre collectivement, au cours des huit prochaines années, un niveau d’émission 18 pour cent inférieur aux valeurs de référence de 1990. Ces objectifs sont assortis de règles de comptabilisation plus rigoureuses et pourraient être renforcés d’ici à 2014.
De plus, tous les pays présents à Doha ont confirmé leur volonté d’en venir à un accord applicable à tous d’ici à décembre 2015, accord fondé sur les faits scientifiques les plus récents. Les gouvernements guident de manière résolue la communauté internationale vers une transformation majeure, mais n’ont pas encore concrétisé leurs intentions annoncées en prenant des mesures immédiates et énergiques pour respecter leurs engagements. Les États doivent et peuvent accélérer les actions en faveur de la lutte contre les changements climatiques, non pour des raisons altruistes mais pour des questions d’intérêt national.
Les Nations unies sont le lieu où se prennent les décisions à l’échelle mondiale, mais elles ne peuvent dicter les politiques nationales. Les intérêts nationaux en matière d’utilisation durable des ressources, de stabilité des approvisionnements et de compétitivité constituent de puissantes motivations pour passer à l’action dans le domaine climatique. Même si le système des Nations unies est le centre de convergence des engagements internationaux, il ne peut réglementer les mesures prises en périphérie. En réponse à l’évolution lente mais constante des négociations internationales et afin de miser sur la nouvelle notion d’économie à faible émission de carbone, 33 pays et 18 juridictions infranationales mettront en place un régime de prix du carbone en 2013, couvrant ainsi 30 pour cent de l’économie mondiale et 20 pour cent des émissions. En 2011, 118 pays s’étaient dotés d’une législation sur les changements climatiques ainsi que d’objectifs en matière d’énergie renouvelable, soit plus du double qu’en 2005. On observe de plus en plus d’efforts volontaires à l’échelle locale en vue d’atténuer le déboisement et les émissions qui sont hors du champ d’action des Nations unies. En 2010, les énergies renouvelables comptaient pour 20,3 pour cent de l’énergie utilisée pour produire de l’électricité à l’échelle de la planète, comparativement à 3,4 pour cent en 2006. Les investissements dans l’énergie propre ont surpassé le billion de dollars US et devraient augmenter de presque 400 milliards de dollars US chaque année.
Les signes de mouvement vers un monde à faible émission de carbone sont partout palpables, mais demeurent insuffisants. Les économies à faible émission de carbone doivent bientôt constituer la norme, et cesser de n’être qu’une nouvelle tendance. Les gouvernements ont montré la voie, mais les réactions sont lentes à venir. Aucun d’eux n’est engagé à plein régime. Et il en va de même des autres parties prenantes. Le secteur privé pourrait et devrait agir avec plus de détermination. Le secteur des finances pourrait et devrait investir plus massivement. Les technologies pourraient et devraient progresser plus rapidement. Chacun est responsable, ou doit saisir l’occasion, de contribuer à la solution.
Nous avons besoin de la pleine participation de tous. Il nous faut aller au-delà des simples engagements convenus de coopération à la poursuite d’un but commun prioritaire. Il importe de mettre l’accent sur des efforts synergiques en vue d’accélérer la mise en place d’une économie à faible émission de carbone. Nous pouvons tous ensemble passer d’une politique de récrimination à une politique d’ouverture aux nouvelles perspectives.
L’accord de 2015 doit garantir la participation équitable de toutes les nations, en conformité avec les faits scientifiques. Il s’agit avant tout d’inscrire dans un acte officiel la volonté d’agir de toute une génération. Les générations futures pourront juger si nous avons assez fait pour réduire les émissions de gaz à effet de serre afin d’éviter le pire des scénarios de changements climatiques. Ce qui est sûr, c’est que nous pouvons agir dès maintenant dans le souci de satisfaire deux objectifs essentiels : intensifier le développement économique durable dans tous les pays et protéger les populations les plus vulnérables contre les effets néfastes de l’évolution du climat. Et c’est la raison pour laquelle un accord universel est nécessaire et possible.
Avec 195 parties, la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques regroupe pratiquement tous les pays de la planète. Le Protocole de Kyoto, qui en est issu en 1997, compte pour sa part 191 États membres. En vertu de ce dernier instrument, 37 États formés de pays hautement industrialisés et de pays en transition vers une économie de marché sont légalement tenus de limiter et de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Le but ultime des deux traités est de stabiliser les concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre à un niveau qui n’interfère pas de manière dangereuse avec le système climatique.

 

Christiana Figueres, secrétaire exécutive de la CCNUCC


Pour mémoire:

« L’actuelle décennie déterminera le climat de la seconde moitié du XXIe siècle »

 

Accord au forceps sur Kyoto 2 à Doha

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