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Dans les hôpitaux de Gaza, chaos et amputations à la chaîne, témoigne un médecin français

Alors que l'armée israélienne est accusée par l'ONU d'aggraver la situation humanitaire à Gaza en assiégeant les hôpitaux dans le sud, Raphaël Pitti, un médecin français qui y a travaillé ces dernières semaines, décrit à l'AFP des établissement qui "manquent de tout" pour faire face au flot de déplacés, de malades et de blessés graves.

Le Dr Pitti a passé deux semaines, entre le 22 janvier et le 6 février, à l'Hôpital européen, près de la ville de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, pour l'Union des organisations de secours et soins médicaux (USSOM), une ONG internationale qui soigne dans les zones de guerre. 

Qustion: Quelle était la situation dans l'hôpital où vous travailliez à Gaza? 

Réponse: "Il y a avait un nombre de patients considérable, entre les blessés qui arrivaient constamment, en plus des pathologies aigües, saisonnières, chroniques... Il y avait 900 patients hospitalisés pour 400 lits, et 3.000 personnes dans les couloirs, sur les paliers, venues là pour se protéger des combats. Car en plus des patients et soignants, des milliers de gens se réfugient dans les hôpitaux pour se protéger, car ils sont considérés comme des bunkers qui protègent des bombardements et autres - ce qui n'est pas vrai, les Israéliens sont par exemple entrés dans l’hôpital Nasser de Khan Younès. On manque de tout, pour faire des opérations, des analyses, soigner les pathologies. Parfois les opérations durent des heures parce qu'on manque de matériel. On manque d'antidouleur (morphine, sédatifs), les rares qu'on a sont réservés à ceux dont on pense qu'ils vont survivre. On n'a pas d'autre choix que de laisser mourir les blessés les plus graves sans pouvoir les soulager, car autrement ils vont vous prendre du personnel, des moyens, des lits, des médicaments... et ça laisse moins de chance à ceux qui sont derrière".

Q: Comment les hôpitaux du sud de Gaza peuvent-ils fonctionner?

R: "Dans une situation extrêmement dégradée, de très grande précarité. On ne manque pas de soignants car il y a eu un afflux de personnels venus du nord avec leurs familles, ce qui permet de leur donner à manger car l'hôpital distribue un repas par jour. Le problème essentiel, c'est le manque de moyens et d'organisation: il n'y a personne par exemple pour organiser les tours de garde dans la journée, donc il y a une espèce de chaos. Les hôpitaux sont parfois fonctionnels, mais pas opérationnels, faute de moyens et d'organisation. Le personnel soignant est épuisé, ses conditions de vie sont très précaires, c'est une situation de grande confusion à laquelle s'ajoute le manque de matériel et de médicaments. Pour les cas graves, il y a beaucoup d'amputations, car il y a des blessures graves qu'on ne peut reconstruire, mais aussi parce que beaucoup de blessés avec fractures ouvertes, une fois soignés, développent des infections osseuses en raison des (très mauvaises) conditions d'hygiène dans lesquelles ils vivent, et reviennent à l'hôpital: dans ce cas on n'a pas d'autre choix que de les amputer".

Q: Vous avez soigné des gens dans d'autres conflits récents (Syrie, Ukraine), celui de Gaza est-il différent? 

R: "On ampute beaucoup plus à Gaza, par exemple. Faute de pouvoir contrôler les blessures graves, l'amputation devient l'acte le plus prioritaire. En Syrie ou en Ukraine on pouvait faire des chirurgies rapides pour arrêter une hémorragie et évacuer les blessés vers l'arrière, où des hôpitaux pouvaient les prendre en charge. Mais là, il est impossible de les envoyer ailleurs. En Syrie comme en Ukraine, les gens avaient toujours la possibilité de bouger pour fuir les violences. Là on empêche les gens de partir, et ils subissent en même temps des bombardements, des tirs de drones et de snipers. Ce n'est pas une population, c'est une foule enfermée dans un espace étroit, qui ne peut pas bouger, qui est à la recherche de nourriture, d'eau, de toilettes... et sur laquelle on exerce une violence". 

emd/gl/ila

© Agence France-Presse

Alors que l'armée israélienne est accusée par l'ONU d'aggraver la situation humanitaire à Gaza en assiégeant les hôpitaux dans le sud, Raphaël Pitti, un médecin français qui y a travaillé ces dernières semaines, décrit à l'AFP des établissement qui "manquent de tout" pour faire face au flot de déplacés, de malades et de blessés graves.

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