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Moyen Orient et Monde - Le billet

Lucien est aux oiseaux

Petite histoire, écrite en "francophone"...

Il jeta un coup d’œil panoramique au buffet. Deux mètres carrés de bouchées salées sur la droite, une surface équivalente de tartelettes colorées à gauche, et, entre les deux, un bel alignement de bouteilles renfermant une déclinaison de nectars allant du rouge au blanc.
Lucien était content.
Sa journée, mieux, sa semaine, étaient terminées, il allait pouvoir picoler et baffrer chez les amis qui l’avaient invité.
Il s’apprêtait à fondre sur le buffet tel une buse sur un mulot, quand son téléphone sonna.
L’écouteur vomit une palanquée de grossièretés : dossier, problème, urgence, revenir, maintenant, bureau. « Tu as intérêt à rappliquer volle petrol », furent les derniers mots que cracha son patron, qui, lui, se tirait à la maison.

Lucien revint vers Marc et Thomas, ses compagnons et maîtres ès rioule, et leur dit que ce soir, il ne pouvait malheureusement pas gazer avec eux, qu’il venait d’apprendre qu’il allait devoir caïmanter.

« C’est vraiment taxant ça ! » râla Marc. « Oui, surtout qu’on avait prévu une monstre noce », grogna Thomas.

Lucien fut pris d’une vive envie d’accrocher ses patins.
Ses amis, voyant son air de bœuf, tentèrent de lui remonter le moral.
« Allez, fais pas la pote, ce n’est pas si grave », relativisa Thomas. « Des noces, il y en aura d’autres », renchérit Marc, en lui tapant dans le dos.

Lucien quitta ses amis. C’était une nuit sans lune, il faisait noir comme dans l’cul d’un ours. Pour ne rien arranger, le temps se morpionnait. Lucien boutonna sa veste, enfila ses gants et enfonça son bonnet sur sa tête. Il mit une demi-heure à parcourir un trajet qui en demandait moitié moins.

En ouvrant la porte de la salle de réunion, il fut accueilli par un sonore « Dis donc, tu es revenu au pas de caméléon ! » lancé par sa collègue Fatou, qui elle aussi avait été réquisitionnée.

Lucien ne dit rien. Il avait glissé pour elle depuis ce joli jour de mai, huit mois plus tôt, où elle avait, pour la première fois, passé la porte de son bureau. Le souvenir était limpide dans la tête de Lucien. C’était un lundi, elle portait une robe mauve et fluide qui s’arrêtait au genou, des sandales en cuir et un collier en argent. Il avait flashé sur ses longs cheveux noirs crollés. Quand elle lui avait tendu la main pour se présenter, lui, Lucien la grande bouche, était devenu complètement bobet, persuadé qu’elle ne pouvait voir en lui qu’un grand fanal affublé d’oreilles en portes de grange.

Il lui avait fallu plusieurs jours et tous les sourires bienveillants de Fatou pour reprendre du poil de la bête. Osant tout, Lucien l’avait même cadonnée deux fois. En vain. D’une gentillesse rare, Fatou résistait aux avances de Lucien.

« C’est Gérard qui a fait une boulette dans le dossier, et, bien sûr, il ne répond pas au téléphone alors qu’il faut tout boucler avant demain matin, lui expliqua-t-elle. De toutes les manières, la philosophie de ce type a toujours été “après moi les mouches”. »
« Il m’avait pourtant assuré, avant de filer, que tout était OK. À force de jouer avec les pieds de ses collègues, il ne va plus avoir beaucoup d’amis ici », acquiesça Lucien.

Fatou mit Lucien au jus quant à la boulette de Gérard. Quand elle eut fini de lui expliquer l’ampleur des dégâts, il lâcha : « Eh bien, les crêpes ne sont pas cuites ! »
« Pantoute ! » rétorqua Fatou, d’un naturel positif, avant de détailler en trois phrases sa stratégie pour les sortir du pétrin en deux coups de cuillère à pot.

Une heure plus tard, la boulette était rattrapée et Lucien plus amouré que jamais. C’est alors que le miracle se produisit. Au moment où Lucien s’y attendait le moins, Fatou lui colla un bec sur la joue. Lucien était aux oiseaux, totalement et irrémédiablement bleu de la belle.

Le lendemain, Lucien apprit que Gérard avait passé la nuit à l’amigo. Il s’était pris une telle doufe – on dit qu’il s’était fait 10 à-fonds d’affilée – qu’il avait fini nu comme un ver sur la chaussée.
Petite histoire, écrite en "francophone"...Il jeta un coup d’œil panoramique au buffet. Deux mètres carrés de bouchées salées sur la droite, une surface équivalente de tartelettes colorées à gauche, et, entre les deux, un bel alignement de bouteilles renfermant une déclinaison de nectars allant du rouge au blanc.Lucien était content.Sa journée, mieux, sa semaine, étaient...

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