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Moyen Orient et Monde - Le point

Oh les beaux jours*

Douze ans d’opposition après 71 ans au pouvoir : sur une formation politique, cela laisse des traces – un peu comme la typhoïde de ce pauvre maréchal de Mac Mahon. Il est trop tôt pour juger des effets sur le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) d’une longue traversée du désert qui vient de prendre fin sur une victoire de son candidat à la présidentielle mexicaine, Enrique Peña Niet. La confrontation aura signé la défaite du représentant de la gauche, Andres Manuel Lopez Obrador, et plus durement encore celui de Josefina Vazquez Mota, figure de proue du Parti de l’action nationale, celui-là même qui avait éjecté du pouvoir en l’an 2000 le vainqueur de dimanche.
Il y a comme cela, à des périodes et en des contrées différentes, des retours de balancier qui ponctuent la vie des nations, traduisant une certaine nostalgie des temps passés, un simple désir de changement, parfois une volonté de rectifier ce qui avec le temps semble avoir représenté une erreur de parcours. Le juriste de 45 ans qui vient d’être propulsé à la tête de l’État ne s’y est pas trompé, qui a reconnu avoir obtenu, au nom des siens, « une nouvelle chance que nous allons honorer avec des résultats ». Il y a dans cette petite phrase l’aveu que les sept décennies qui ont pris fin avec l’élection de Vicente Fox n’avaient pas été idylliques, il s’en faut, sur le plan démocratique. Cette « dictature parfaite », la formule qui devait faire florès est de Mario Vargas Llosa, avait été longtemps associée à des pratiques basées sur le clientélisme et les marchandages qui tournent autour de faveurs. C’est ainsi qu’en échange de leurs voix les électeurs pouvaient espérer obtenir une aide économique, un asphaltage de rues ou un dispensaire, parfois même un modeste hôpital.
Le 7 juin dernier, le quotidien britannique The Guardian publiait un article dénonçant des contrats secrets passés en 2005 par Peña Nieto avec le mégagroupe médiatique Televisa pour soutenir sa campagne et dynamiter celle d’Obrador. Ces informations, confirmées par le magazine Proceso, avaient été aussitôt dénoncées par la chaîne comme relevant de la diffamation et constituant une manœuvre d’intimidation. Le successeur de Felipe Calderon (la transition devrait durer cinq mois), un juriste connu, s’est beaucoup dépensé ces derniers temps pour gommer cette image de son parti, comptant aussi sur son physique de jeune premier (il a 45 ans) et sur celui de son épouse, une actrice de telenovelas.
Le vainqueur de dimanche a promis un gouvernement démocratique, un modèle de transparence, une baisse de la criminalité née du trafic de drogue et « la responsabilité la plus totale ». Il pourra compter aussi sur la soif de changement de ses concitoyens, hantés par le spectre de la pauvreté et souffrant d’une guerre entre les trafiquants qui a fait plus de 50 000 morts en cinq ans.
Plutôt que de se résigner à « prendre les mêmes et à recommencer », les peuples semblent préférer de plus en plus le principe de l’alternance, parfois sans tenir compte du bilan des hommes qu’ils ont, dans un passé proche, portés au pinacle, faisant leur le vieil adage romain : « La roche Tarpéienne est proche du Capitole. » Cela fut vrai en France, à la faveur des récentes élections, présidentielle puis législatives, qui ont vu les socialistes et leurs alliés supplanter l’UMP du président sortant. D’ailleurs François Hollande et les siens n’avaient-ils pas adopté pour leur campagne un slogan – « le changement, c’est maintenant » – combien révélateur de leurs ambitions autant que du désir du peuple d’expérimenter « autre chose » ? Qu’importe dès lors s’il s’avère que l’ère des grands bouleversements n’a pas encore sonné, non point faute de ne pas le vouloir, mais parce que la crise (celle présente et celle à venir) revêt une ampleur planétaire sans commune mesure avec les moyens dont dispose un pays, quelque important qu’il puisse être.
Les Anglais avaient précédé les Français en tournant la page des treize ans de New Labour pour renouer avec les Tories de David Cameron mais pas avec le thatchérisme. Le pragmatique David Cameron a compris qu’il lui fallait guérir de ses maux une société souffrant de l’image que lui renvoie son miroir.
Il y a, en France et au Royaume-Uni, en Italie et en Espagne, ailleurs aussi si l’on veut bien regarder par-delà les frontières, un phénomène nouveau, né du démantèlement des barrières érigées pour protéger les labels politiques. Que sont en effet devenues les notions de gauche et de droite chères à nos grands-parents, quand chacun des deux camps s’approprie impudemment les idées (et les idéaux) de l’autre ? En poussant un peu plus loin la réflexion, il serait loisible de s’interroger sur l’utilité d’un centre désormais frappé d’obsolescence.
Le monde arabe, lui, écartelé entre radicalisme religieux et totalitarisme militaire, veut croire qu’il n’en est pas encore là. Il conviendrait de s’en désoler peut-être, de le tirer de sa torpeur certainement.

* Pardon Samuel Beckett.
Douze ans d’opposition après 71 ans au pouvoir : sur une formation politique, cela laisse des traces – un peu comme la typhoïde de ce pauvre maréchal de Mac Mahon. Il est trop tôt pour juger des effets sur le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) d’une longue traversée du désert qui vient de prendre fin sur une victoire de son candidat à la présidentielle mexicaine, Enrique...

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